Texte intégral
Q - Quelques mots sur votre positionnement politique. On vous a connu ministre sous les gouvernements Rocard et Cresson ; puis vous avez demandé à adhérer à l'UDF ; on entend dire, maintenant, que vous voulez vous rapprocher de Démocratie libérale. Est-ce vrai, et pourquoi ?
- « En fait, je suis écolo. On est écolo depuis toujours. Mais on s'aperçoit, quand on est écologiste et qu'on défend sa cause, que les partis politiques, cela n'arrête pas de changer : un jour, ils sont pour l'Europe ; un autre, ils sont contre. Donc, j'ai toujours été écologiste, j'ai toujours été pour l'Europe, j'ai toujours été libéral ou libertaire. C'est difficile. Ce pays est un pays tellement étatiste. Quand on voit M. Rocard... M. Rocard, c'est un ami, je me sens toujours proche de lui. Il m'avait appelé au Gouvernement ; il avait fait l'ouverture au centre, telle qu'on l'appelait à l'époque. Il avait cherché à moderniser la gauche et le pays. Au fond, c'est la gauche libérale. Vous savez, c'est comme M. Blanc, le patron d'Air France, un type de gauche : hop, viré ! Et Rocard, qu'est-ce qui lui est arrivé ? Viré par ses copains ! Donc, je suis copain des copains qui se font virer par leurs copains en quelque sorte ! Moi, je cherche une force politique ... »
Q - Vous êtes dans l'opposition ?
- « Naturellement. Il est quand même extraordinaire de voir le gouvernement actuel : il me rappelle ma jeunesse. Il y avait un gars qui s'appelait G. Mollet ; sa spécialité, c'était, dans les congrès, de faire des discours révolutionnaires ; on ne pouvait pas être plus à gauche que lui ! Il chantait l'Internationale, c'était formidable. Et quand il était au Gouvernement, c'était autre chose : c'était plutôt le père Queuille c'est-à-dire un truc plus ou moins centriste, de droite. Il ne se passait rien. »
Q - Quel rapport avec Jospin ?
- « C'est pareil. M. Jospin, c'est l'homme qui, quand il est dans l'opposition, dit : Vilvorde ; il se précipite à Vilvorde et dit : jamais cette entreprise ne fermera. Trois mois plus tard, elle ferme sans problème. Il se précipite en disant dans l'opposition : l'Europe sera sociale ou ne sera pas, comptez sur moi. Que se passe-t-il après ? A Amsterdam, cela passe comme une lettre à la poste. Cette méthode de gouvernement, je ne suis pas d'accord : ou bien on dit la vérité - on dit : vive l'Europe, excusez-moi, c'est le monde actuel, il faut libéraliser, il faut accepter la donne internationale ; et on est élu ou pas - ou bien alors, au contraire, on respecte son programme. C'est cela que je ne comprends pas. »
Q - Les Français pensent que L. Jospin dit plutôt plus la vérité que ses prédécesseurs.
- « Tant mieux. Peut-être qu'en France, on a envie d'être rassuré. A ce moment-là, c'est peut-être la meilleure méthode. Racontez des salades pour se faire élire, et ensuite faire le contraire, plus ou moins, c'est une méthode habituelle en France. C'est peut-être la condition du succès en politique. »
Q - Vous n'approuvez pas l'écologiste D. Voynet qui a décidé de travailler avec L. Jospin ? C'est une erreur ?
- « Les écologistes auraient intérêt à s'unir, toutes tendances confondues. C'est ce que nous avions essayé de faire. D. Voynet, elle, a préféré l'alliance avec la gauche et l'extrême gauche plutôt que l'alliance entre tous les écologistes. Aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'elle en pense. Je vois cette histoire de chasseurs, c'est assez frappant. Au fond, l'écologie, elle-même, n'est ni de droite ni de gauche. Simplement, elle doit chercher des alliés. Il vaut mieux à mon avis qu'elle soit unie et qu'elle pèse de façon indépendante. Mais maintenant que c'est fait, maintenant que l'écologie est divisée, essayons d'aider les partis politiques classiques à être meilleurs. A Génération Ecologie, la seule personne avec qui, aujourd'hui, nous avons des relations confiantes - je pense que c'est la seule personne sincère dans l'opposition - c'est Madelin et son parti. Donc, très bien. Travaillons avec eux. »
Q - Excluez-vous que, dans un avenir proche, les écologistes se renouent ? Vous n'avez pas envie de travailler avec D. Voynet ?
- « Quand D. Voynet fait de l'écologie, il faut l'aider. Quand elle fait du gauchisme - une partie de son parti est très, très à gauche et s'occupe davantage des sans-papiers que du papier recyclé - cela nous intéresse moins. »
Q - A-t-elle bien fait son travail ? Vous lui adressez un quitus dans son ministère ?
- « En ce moment, les problèmes de l'environnement et de l'écologie sont soit des problèmes professionnels très sérieux - ce sont des dossiers qui doivent avancer, ce n'est pas de l'agitation, ni du spectacle - soit ce sont des problèmes internationaux, parce qu'ils deviennent de plus en plus importants dans l'écologie, et à ce moment-là, on ne peut pas dire qu'il y ait eu d'initiative internationale dans le domaine de l'écologie en France depuis un an. »
Q - Quand les parlementaires français unis, majorité et opposition, à l'exception des six Verts, ont voté contre la directive européenne, que pensez-vous ?
- « Encore une fois, G. Mollet - pardon, L. Jospin - est responsable de tout cela. »
Q - G. Mollet - L. Jospin, bonnet blanc-blanc bonnet ?
- « Oui. Il faut un jour dire les choses. C'est très bien : il arrive à entraîner les communistes et les Verts à faire une politique contraire. Je vous signale que M. Hue et Mme Voynet ont voté contre Maastricht, contre l'Europe, n'ont pas cessé de nous bassiner avec cette histoire-là, et ils sont en train de faire la monnaie unique et l'Europe. A un moment donné, c'est schizophrène ! Le nombre d'hommes politiques français qui vitupèrent l'Europe, qui n'arrêtent pas de dire que c'est scandaleux, qu'il y a trop de directives et qui le font chaque fois qu'ils sont au Gouvernement - même chose pour le Mouvement des citoyens - un jour, ces personnes-là ne doivent s'en prendre qu'à elles-mêmes. »
Q - Il n’y a que les parlementaires qui ont voté, pas le Gouvernement.
- « Excusez-moi : le Gouvernement est maître de l'ordre du jour en France. A-t-on assez crié contre le Gouvernement qu'il ne laissait pas une place suffisante au Parlement ! C'est le Gouvernement qui décide de ce qui est voté ou pas à l'Assemblée nationale. Donc, si le Gouvernement laisse passer une proposition de loi - 99,9 % des lois votées au Parlement viennent du Gouvernement, elles sont faites par l'administration. Ce sont des projets de loi. Il se trouve que, quelquefois, une fois sur mille, une proposition de loi issue des députés arrive à passer, parce que le Gouvernement est d'accord. Là, c'est la même chose : le Gouvernement était d'accord. L. Jospin, qui vient de Cintegabelle - il y a beaucoup de chasseurs là aussi - s'est dit : on ne va quand même laisser Voynet faire ce qu'elle veut dans toute cette histoire. Donc, on va laisser les députés voter pour les chasseurs. Je ne sais pas si l'alliance entre les Verts et le Parti socialiste est très fructueuse, mais en tout cas, dans le domaine de la chasse, ce n'est pas... »
Q - Le Gouvernement, cela veut dire D. Voynet ?
- « Evidemment. Le Gouvernement, c'est et D. Voynet, et L. Jospin. Vous avez un Premier ministre qui tire à hue et un ministre de l'Environnement qui tire à dia : c'est quand même très curieux ! C'est une méthode de gouvernement qui est bizarre. C'est hypocrite. Il faut que le Gouvernement nous dise exactement ce qu'il souhaite. Nous avons d'ailleurs entendu le Gouvernement dire : je suis contre cette loi. Il l'a dit pas très fort. »
Q - Il l'a dit à l'Assemblée.
- « Un gouvernement mis en minorité, c'est une motion de censure, c'est terrible, il est en minorité. A ce moment-là, il faut vite prendre des mesures. Il faut que Monsieur le Premier ministre arrive en disant : je change la loi, j'en mets une nouvelle, il y a quelque chose qui ne va pas. En plus, ce n'est pas très sérieux, c'est du mauvais travail, c'est du bricolage juridique. Tout le monde sait qu'en principe les juristes, les députés ne s'occupent pas d'affaires de sous-préfecture ; on laisse cela à l'administration. Donc, c'est vrai que ce vote est préoccupant, moins pour les oiseaux - je suppose que progressivement, même les chasseurs seront bien obligés de protéger les oiseaux - mais il est aussi préoccupant parce que cela veut dire aussi qu'on peut faire n'importe quoi alors qu'on s'était mis d'accord pour une loi européenne commune. »
Q - La préférence nationale, faut-il en parler comme le propose E. Balladur ?
- « Le dernier livre de F. de Closets se termine en disant : « Il y a un domaine qui pratique la préférence nationale : l'administration ». La formation politique qui est plutôt dans l'administration, c'est la gauche. Donc, la gauche profite de la préférence nationale, et donc profitant de la préférence nationale, elle empêche les autres d'en parler. »
Q - Serez-vous candidat aux européennes ?
- « Je ne sais pas encore. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est simplement que les choses avancent et que l'on travaille davantage à moderniser le pays. Si on peut le moderniser davantage en travaillant à rapprocher le Parlement européen - que personne ne connaît - des affaires locales ou des affaires de la France, ce sera très bien. Simplement, je ne connais pas le mode de scrutin ; je ne sais pas ce que le Gouvernement va décider ; je ne sais pas si ce sera régional ou pas. Si c'est régionalisé, peut-être que la Bretagne, défendre les intérêts de la Bretagne dans l'Europe, ce ne sera pas une mauvaise chose ! »