Extraits d'une déclaration de M. Jean-Paul Roux, secrétaire général de la FEN, prononcée le 12 mai à Reims, et article, parus dans "FEN Hebdo" du 12 juin 1998, sur la grève des pilotes d'Air France et la situation du personnel d'encadrement de l'Education nationale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès national du SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l'enseignement secondaire) le 12 mai 1998 à Reims

Média : FEN Hebdo

Texte intégral

Congrès national du SNPDEN le 12 mai 1998

Cher(e)s collègues,
Cher(e)s ami(e)s,

Je voudrais vous dire tout le plaisir qui est le mien d'être aujourd'hui parmi vous et de vous apporter le salut très amical et fraternel de l'exécution fédéral. (…)

Depuis bientôt sept ans, l'addition des conservatismes a conduit à l'immobilisme dont Monsieur Bayrou fut le chantre inspiré. Et pendant toute cette période, les fractures se sont peu à peu amplifiées. (…) L'urgence est donc extrême et pour changer il faut réunir un certain nombre de conditions :

Il faut une volonté politique forte assortie des moyens nécessaires.
Il faut une profession mobilisée et le rôle du syndicalisme est dans ce contexte essentiel.
Il faut plus largement que toute la communauté éducative, les personnels, mais aussi les parents, mais aussi et peut-être surtout les jeunes, assument leurs responsabilités dans ce changement. (…) Notre inquiétude donc – nous l'avons dit publiquement – serait que la boulimie réformatrice d'Allègre aboutisse au même résultat que le conservatisme de Bayrou : l'immobilisme. Ainsi s'accréditerait un peu plus dans l'opinion l'idée que le système éducatif est irréformable ! Nous ne l'accepterons pas, car nous savons que ce sont d'abord nos collègues sur le terrain qui en feraient les frais et aussi les jeunes qui leur sont, qui nous sont confiés.

Que le ministre prenne garde à soulever tant d'espoir dans la jeunesse, on risque d'en subir que plus lourdement les déceptions. On ne fera pas deux fois aux jeunes le coup de la consultation Balladur ! (…)

Ces difficultés, vous les vivez en première ligne. Les crises du système, ses fractures comme ses évolutions, ce sont d'abord les personnels qui les subissent ou qui en sont acteurs et tout particulièrement les personnels d'encadrement.

Ce ministère le comprendra-t-il enfin ? Se dotera-t-il enfin d'une véritable politique de l'encadrement ? Si la FEN pose ces questions, c'est qu'elle a qualité pour faire car elle est probablement la première organisation de la fonction publique des personnels d'encadrement.

Personnels de direction, personnels d'inspection, que ce soit dans l'éducation nationale, à la jeunesse et aux sports, dans l'enseignement agricole, personnels d'encadrement administratif sont majoritairement syndiqués à la FEN et nous confient dans ce domaine une responsabilité particulière.

Notre exigence est donc forte ! Elle s'est traduite au cours de ces dernières semaines par la concrétisation statutaire d'une revalorisation du corps de deuxième catégorie des personnels de direction que nous avons négociée ensemble et fait aboutir ensemble. C'est donc un succès et en même temps nous restons sur notre faim car la fonction publique ne peut être quitte en ce qui concerne les corps d'encadrement.

Situés aux limites de l'application de l'accord Durafour, les corps d'encadrement méritent – c'est notre demande forte – d'être repris dans une discussion d'ensemble qui situe à un vrai niveau leur qualification et leur responsabilité. Je dis bien « responsabilité » car ce terme me paraît infiniment plus fort que celui d'« autorité hiérarchique ». La déconcentration qui se met en place renforce encore le poids qui va peser sur les corps d'encadrement.

Nous l'avons dit au ministère de l'éducation nationale que toute réforme passerait d'abord par leur mobilisation donc la reconnaissance de leurs responsabilités.

Nous l'avons dit au ministre de la fonction publique lors du conseil supérieur du 5 mai alors que nous votions la revalorisation du corps de 2e catégorie.

Nous l'avons dit aussi au Premier ministre en février dernier et Jean-Jacques Romero a pu le faire directement puisqu'il faisait partie de la délégation de la FEN qui a rencontré Lionel Jospin.

Sur ce terrain aussi, nous avons, syndicats et fédération, une tâche à poursuivre.

Votre congrès va donc traduire ces aspirations qui nous sont communes en termes de revendications et nous les porterons ensemble.

Cette situation n'est pas le fruit du hasard. Mais bien le choix conscient fait en commun d'un syndicalisme responsable en phase avec le métier de responsabilité qui est le vôtre. Le choix d'un syndicalisme qui refuse les démagogies faciles, qui a le courage de poser devant les personnels les enjeux du service public et de peser avec eux dans le sens du changement. Nous avons donc besoin d'un SNPDEN fort et uni. Nous avons besoin d'une fédération forte, unie et cohérente. (…)

Vous avez interrogé votre fédération en ce qui concerne la possibilité d'une double affiliation à une autre fédération. Cette question est inscrite à l'ordre du jour du congrès statutaire de la FEN du 25 mai prochain. Je me suis engagé à ce que vous receviez une réponse à cette question et ma volonté est que cette réponse aille dans le sens du renforcement du SNPDEN, du renforcement des liens entre le SNPDEN et la FEN, bref, du renforcement du travail en commun dans l'intérêt des adhérents.

Cette réponse doit-elle être statutaire ? Il faudra examiner la question à la lecture des statuts et de leur évolution. Cette réponse, en tout état de cause, n'est-elle pas surtout syndicale, à savoir, ne relève-t-elle pas plutôt d'une décision que nous aurons à prendre ensemble au sein des instances de la FEN ?

La réponse à cette question devra prendre en compte la réalité de la situation, l'autonomie d'organisation de chaque syndicat dans le domaine de ses relations dans ou hors de la FEN et notre volonté commune de tout faire pour que de cette discussion nous sortions les unis et les autres renforcés.

J'ai au moins une certitude, c'est que chacun des syndicats de la FEN considère que le SNPDEN est bien à sa place dans la FEN, chacun souhaite qu'il y reste. Et je suis en mesure de vous le dire sans réticence, sans restriction mentale.

Votre tâche syndicale dans ce congrès est donc d'importance. Elle mettra en perspective votre projet syndical, la pratique syndicale qui est la vôtre et l'organisation syndicale qui les porte. La cohérence de ces trois termes a toujours constitué la force et la représentativité du SNPDEN.

Je vous souhaite donc, je nous souhaite donc pour aujourd'hui et pour demain que vos travaux contribuent à nouveau à tracer un dessein d'avenir.


FEN-Hebdo n° 642 du vendredi 12 juin 1998

Curieux pays décidément que celui de Descartes où les rapports sociaux revêtent l'une des formes les plus primitives des pays développés.

En matière de relations sociales, avons-nous dépassé l'âge de pierre ?

Que l'on me comprenne bien. Dans le conflit néolithique qui oppose les pilotes d'Air France à la compagnie nationale, la question de la Coupe du monde de foot n'est pas mon souci premier. D'abord, parce que cette usine à fric a le don de m'exaspérer (je comprends cependant que l'on puisse prendre plaisir au spectacle !), mais surtout parce que je me préoccupe davantage du sort d'usagers motivés prosaïquement par des contraintes professionnelles ou familiales. Leur situation me paraît mériter mille fois plus d'attention que le sort des quelque 100 000 supporters friqués, objets exclusifs de sollicitude des médias et d'un syndicat de pilotes qui, pour populariser le conflit, se propose – recommandation scandaleuse et démagogique – d'acheminer gratuitement les supporters lésés !

Laissons donc de côté l'anecdote pour examiner le fond : le mot négociation dans ce pays a perdu de son sens, s'il n'en a jamais eu un !

Voilà une compagnie nationale qui sait depuis plus d'un an que l'échéance de ses mutations internes coïncide avec la sacro-sainte Coupe du monde ; voilà un gouvernement, censé arbitrer les relations sociales, qui feint d'en découvrir l'échéance ; voilà, enfin, un syndicat catégoriel de salariés qui se garde bien de soulever le lièvre. Et soudain, à deux encablures de l'événement, c'est l'explosion !

Pourquoi n'a-t-on pas anticipé l'événement ?
Pourquoi le PDG n'a-t-il pas ouvert la discussion à froid quelques mois plus tôt ?
Pourquoi le gouvernement ne l'y a-t-il pas incité, voire contraint ?
Pourquoi les pilotes de lignes – si leur dossier était si solide – ont-ils attendu la période chaude pour jouer les preneurs d'otages ?

On n'en finirait pas d'égrener ces questions de bon sens !

Mais le résultat est là. Quelle pitoyable image offre un pays qui se veut l'un des plus civilisés du monde !
Où est l'intérêt de l'entreprise dans tout cela ? Où se trouve l'intérêt de l'usager (je ferai mieux de parler de client !) ?
Où est même l'intérêt des pilotes lorsque leur corporatisme et leur jusqu'au boutisme auront tué la poule aux œufs d'or ?
Le « modèle français » dont nous nous gargarisons souvent à encore quelques leçons à recevoir de certains de nos voisins en termes de relations sociales.

Drôle de pays assurément !