Interview de M. Bruno Mégret, délégué général du Front national, dans "Le Parisien" et dans "La Provence" du 25, sur les relations entre le Front national et quelques personnalités de droite et sur sa candidature aux élections européennes en cas inéligibilité de M. Le Pen.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Université d'été du Front national à Toulon (Var) du 24 au 28 août 1998

Média : Emission Forum RMC FR3 - Europe 1 - France Inter - La Provence - Le Parisien - Presse régionale - RMC - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

LE PARISIEN - 24 août 1998

LE PARISIEN
Quel bilan faites-vous, au bout de six mois, des accords de gestion passés entre une partie de la droite et le FN dans plusieurs régions de France ?

Bruno Mégret : «  C’est un bilan positif. Il démontre que le FN est un mouvement fiable et loyal, qui tient ses engagements. Cela dit, nous avions prévenu qu’il s’agissait d’un soutien sans participation. De fait, nous soutenons les exécutifs en question sans, pour autant, approuver tout ce qu’ils font. Cela prouve, d’autre part, que des accords électoraux avec le FN, même sans programme de gouvernement sont efficaces pour battre la gauche, et que la diabolisation contre le FN, qui touche maintenant des personnalité autres très « politiquement correcte » comme Édouard Balladur, est complètement absurde. »

LE PARISIEN
Démocratie libérale, le parti d’Alain Madelin, vient d’accueillir dans les rangs l’UDF, Jacques Blanc, devenu votre allié…

Bruno Mégret
- « Je souhaiterais que M. Madelin rapproche sa propre attitude de celle de MM. Blanc, Millon ou encore Soisson, et reconnaisse publiquement qu’on peut s’entendre avec le Front National. »

LE PARISIEN
Souhaitez-vous que le FN fasse en sorte, si c’est possible, d’avoir des alliés ?

Bruno Mégret
- « Oui. Je souhaite qu’émerge sur la scène politique française, et plus particulièrement sur les débris du RPR et de l’UDF, un mouvement politique qui, tout en étant différent du FN, accepterait de débattre et de passer des accords avec nous. Ce processus permettrait une arrivée au pouvoir très rapide de notre famille politique. Car 15 % aujourd’hui (peut-être 20 % demain) plus 10 à 15 % pour cet allié à venir, cela ferait plus de 30 %, seuil à partir duquel on peut gagner les législatives. »

LE PARISIEN
Le madeliniste Claude Goasguen dit que rien ne sera possible tant que vous n’aurez pas « renié » tout propos raciste et antisémite. Apparemment, il suggère que, pour lui, beaucoup sera possible lorsque vous aurez pris vos distances avec Le Pen ?

Bruno Mégret
- « Le problème ne se pose pas en ces termes. J’ai toujours travaillé en parfaite équipe avec Jean-Marie Le Pen. Nous sommes l’un et l’autre d’accord avec le programme de notre mouvement. Or il n’y a ni racisme ni antisémitisme dans ce programme. »

LE PARISIEN
Martin Peltier, directeur de la rédaction de « National Hebdo », organe très proche du FN, vient de proposer l’organisation de « rafles » et de « camps de concentration » prélude de l’expulsion des immigrés clandestins…

Bruno Mégret
- « Ces propos n’engagent pas le FN et ne reflètent pas notre programme qui prévoit l’expulsion systématique de tous les clandestins par le recours à la pratique de l’expulsion administrative. Avec, certes, la possibilité de recours pour les intéressés, mais depuis leur pays d’origine. »

LE PARISIEN
Après les violents incidents de Mantes-la-Jolie (Yvelines), en mai 1997, Jean-Marie Le Pen, qui a fait appel, est sous le coup d’une condamnation à deux ans d’inéligibilité. Il pourrait donc, au minimum, être empêché de conduire la liste FN aux européennes de juin 1999. Mais il a fait clairement comprendre que, dans le cas, c’est « tout sauf Mégret »…

Bruno Mégret
- « D’abord, je souhaite vivement que la cour d’appel infirme la décision scandaleuse et injuste qui frappe Jean-Marie Le Pen. J’aurais préféré que la question du choix de notre tête de liste pour les européennes ne soit pas posée publiquement avant que la décision de justice définitive intervienne. Je m’étais gardé de toute déclaration à cet égard. Mais puisque la question a été mise sur la place publique, je considère que la candidature de Mme Le Pen, quelle que soit l’amitié que je lui porte, n’est pas une bonne idée. Je l’ai dit à Jean-Marie Le Pen. »

LE PARISIEN
Êtes-vous prêt à diriger la liste FN lors des élections européennes de juin 1999 ?

Bruno Mégret
- « Oui. J’ai d’ailleurs très clairement posé ma candidature à cette responsabilité, selon un principe très simple : lorsque le chef est empêché, c’est son second qui le supplée. C’est normal, naturel et légitime. S’il y a un désaccord sur ce point, je demanderai un vote de nos instances. Mais je suis très légaliste et soucieux de l’unité de notre mouvement : Je m’inclinerai donc devant les résultats de ce vote, quels qu’ils soient. »

LE PARISIEN
Dans quel esprit le FN aborde-t-il la rentrée ?

Bruno Mégret
- « Nous allons nous mettre à l’heure de l’Europe et de l’immigration. D’autant que, avec le traité d’Amsterdam, ils sont confondus puisque ce texte prévoit de transférer à l’échelon européen les compétences nationales en matière d’immigration. Ce serait une catastrophe car le laxisme en la matière serait encore pire qu’aujourd’hui. Sur ces deux questions, l’Europe et l’immigration, seul le FN défend les intérêts français. Jospin et la gauche plurielle, d’une part, Chirac et la droite éclatée, de l’autre, sont, en effet, d’accord pour ratifier Amsterdam et incapables d’organiser l’expulsion des clandestins, comme le prouvent à la fois l’impuissance du Gouvernement et les déclarations de Pasqua qui plaide pour une régularisation générale. »

LA PROVENCE - mardi 25 août 1998

La Provence : Ne regrettez-vous pas les proportions que prend cette affaire à l’occasion de cette rentrée politique ?

Bruno Mégret : « Je ne souhaitais pas que la question de la tête de liste des Européennes soit posée avant que ne survienne la décision définitive de la cour d’appel au sujet de l’inéligibilité de Jean-Marie Le Pen qui devrait intervenir à la fin du mois d’octobre. J’espère d’ailleurs que M. Le Pen pourra être candidat. Mais si cela n’est pas le cas, je considère que c’est à moi que revient la tâche. »

L. P. : N’est-ce pas une façon de vous positionner comme le successeur de M. Le Pen à l’intérieur du mouvement ?

B. M. : « La succession de M. Le Pen n’est pas ouverte. Mais je suis le n° 2. Le vote des militants a toujours été très clair. Je suis arrivé régulièrement en tête devant Jean-Yves Le Gallou ou Bruno Gollnish et s’il devait y avoir de nouveaux votes aujourd’hui, je pense que les chiffres seraient encore plus en ma faveur. »

L. P. : Pourquoi contester à Jean-Marie Le Pen le choix de sa femme Jany alors que vous-même avez présenté votre épouse Catherine à Vitrolles ?

B. M. : « La France n’est pas une commune. Ce qui est bon pour une campagne municipale, voir une campagne législative comme à Toulon, ce n’est pas bon pour une campagne nationale et je ne considère pas que l’on puisse comparer l’élection de mon épouse à Vitrolles ou la campagne de Cendrine Le Chevallier à Toulon avec une campagne européenne. Il y a là une toute autre envergure, je me sens parfaitement de taille ».