Texte intégral
Destruction systématique d'un groupe ethnique, telle est la définition du génocide. C'est la raison pour laquelle, tout comme vous, monsieur Millon, j'ai moi-même utilisé ce terme il y a quelques jours, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit du Rwanda. Face à l'offensive du front patriotique Rwandais, les troupes gouvernementales Rwandaises se sont livrées à une élimination systématique de la population tutsie, ce qui a provoqué ensuite la généralisation des massacres.
La France a dénoncé, avec la plus grande fermeté, cette situation. Mais nous ne sommes pas contentés d'une dénonciation, nous avons également demandé qu'une en quête internationale, conduite par la commission des droits de l'Homme des Nations Unies, soit diligente dans les plus brefs délais, pour établir les faits et punir les coupables.
Nous avons souhaité aussi qu'une force internationale vienne s'interposer au Rwanda et y assurer l'acheminement de l'aide humanitaire. Comme vous l'avez dit, monsieur le Président, tel n'a pas été le point de vue de toutes les grandes puissances, et nous avons vu beaucoup de difficultés à faire voter la résolution du Conseil de sécurité qui a finalement été adoptée, il y a quarante-huit heures. Elle prévoit l'envoi de 5 000 hommes au Rwanda pour favoriser l'acheminement de l'aide humanitaire et protéger ceux qui sont présents sur le terrain, au titre des organisations non gouvernementales. Il a fallu beaucoup d'énergie de la part de la diplomatie française pour faire adopter cette décision.
Par ailleurs, nous soutenons les efforts des États de la région – la Tanzanie, le Zaïre et l'Ouganda – pour obtenir un cessez-le-feu. Nous préconisons la tenue d'un sommet des chefs d'État de la région afin qu'ils pèsent de tout leur poids sur les belligérants – FPR d'un côté, Forces rwandaises de l'autre – dans le but de les inciter à cesser les hostilités et à renouer avec le processus d'Arusha. Faut-il rappeler que ce processus avait été mis en place en 1993 grâce à l'action de la France et avait permis à l'époque la cession des hostilités, avant qu'elles ne reprennent après l'attentat commis contre l'avion transportant les Présidents rwandais et burundais.
Enfin je crois que l'on peut dire sans immodestie que nous avons été les plus présents sur le plan humanitaire : trois ponts aériens ont été mis en place, 300 tonnes d'équivalent-blé sont également prévues pour les populations du Rwanda. Nous avons, en quelques semaines, affecté un crédit de 20 millions de francs à l'action humanitaire. Aucune puissance n'a agi aussi vite que nous, et dans de telles proportions.
Hier, le ministre de la Coopération, le ministre de la Santé et moi-même avons proposé au Premier ministre qui les a évidemment acceptées, certaines mesures complémentaires.
Il a été décidé d'envoyer une antenne chirurgicale du SAMU mondial au Burundi afin qu'elle se mette à la disposition des équipes qui sont sur le terrain.
Il a également été décidé d'intervenir dans les camps de réfugiés de Tanzanie où des problèmes d'assainissement se posent avec une gravité exceptionnelle. L'urgence est extrême.
Au reste, le ministre chargé de la Santé partira demain ou après-demain au Burundi et en Tanzanie pour accompagner les équipes que nous avons envoyés là-bas.
Enfin, le ministère de la Coopération vient d'augmenter encore son aide en faveur des organisations non gouvernementales qui travaillent au Rwanda, en particulier du comité international de la Croix-Rouge.
Voilà tout ce qui a été entrepris par la France. Je crois que l'on peut dire que, de toutes les puissances, de tous les membres permanents du Conseil de sécurité, la France a été le pays qui a été le plus aux avant-postes. Dans le drame qui nous bouleverse tous, on peut parler à bon droit, comme vous l'avait fait, Monsieur le Président Millon, d'une exception française.