Article de M. François Léotard, ministre de la défense, dans "Défense" de juin 1994, sur l'émergence de l'Europe de l'armement et la mise en oeuvre de l'Agence européenne de l'armement.

Prononcé le 1er juin 1994

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Média : Défense

Texte intégral

La France s’est toujours placée au premier rang des nations européennes qui souhaitent, dans le cadre d’un partenariat transatlantique, l’émergence d’une Europe de la sécurité et de la défense. Elle sait que l’affirmation de celle identité ne saurait être complète, efficace, reconnue que si elle s’accompagne de la naissance d’une Europe de l’armement.

La nécessité de rationaliser l’emploi des ressources, en matière de défense, et plus particulièrement d’armement dont peuvent disposer les pays européens, est une évidence. Ceci est naturellement vrai pour nos partenaires comme pour la France, même si notre gouvernement a su adopter une attitude volontariste en ce qui concerne l’évolution des budgets. Nos partenaires américains, qui sont confrontés à la même situation de contraction de leur outil de défense, l’ont bien compris. Avec tout l’avantage que leur donne la préexistence d’un ensemble politique unique, ils ont entrepris, plus vite que les Européens, cette rationalisation : clic aboutit à une forte concertation entre les différents prescripteurs de besoins et à une concentration des moyens industriels.

C’est pourquoi, la France encourage vivement tous les efforts qui sont déployés, dans le cadre de l’union de l’Europe occidentale pour améliorer le cadre de la coopération. Elle passe par la confrontation des besoins en amont et par un effort de rapprochement des différentes demandes : par l’harmonisation des efforts en matière de recherches et de moyens d’essais ; par la rationalisation de la gestion des programmes en coopération, qui doit être aussi efficace que celle des programmes purement nationaux ; elle suppose aussi, une adaptation de l’outil industriel de production.

La création d’une Agence européenne de l’armement, inscrite dès 1991 dans la déclaration des États membres de l’UEO annexés au traité de Maastricht, va clairement dans ce sens. Aussi, la France soutient-elle activement les propositions, les réflexions et les décisions qui visent à concrétiser, progressivement, cette initiative.

Compte tenu des difficultés, des disparités, des contraintes, l’agence européenne ne pourra cependant remplir son rôle d’outil de cette rationalisation que progressivement. Alors que nous sommes, en fait, confrontés à une situation d’urgence, pour assurer la compatibilité de nos programmes avec les ressources disponibles, comme pour faire face au défi américain.

C’est la raison pour laquelle la France et l’Allemagne souhaitent, d’ores et déjà, créer une structure franco-allemande destinée à rationaliser les différents programmes et organismes bilatéraux existants. Dans un cadre d’abord bilatéral, les deux pays s’efforceront de mieux organiser nos coopérations, pour faire de ce travail exemplaire la matrice et le modèle de l’Agence européenne de demain. Nous souhaitons, cependant, inscrire d’ores et déjà cette agence dans le cadre de l’UEO.

Je me réjouis que le numéro spécial de la revue de l’IHEDN mette l’accent sur l’Europe de l’armement : son émergence, sa réalisation, sa consolidation, sont en effet, des conditions essentielles au maintien de l’expertise européenne en matière de défense. Au-delà, elle est un pas décisif dans la construction d’une Europe équilibrée garante de la paix, de la prospérité et de la stabilité de notre continent.