Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, en réponse à une question sur les dépenses du SID pour "la pré-campagne" du Premier ministre, à l'Assemblée nationale le 21 décembre 1994.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Séance de questions orales à l'Assemblée nationale, le 21 décembre 1994

Texte intégral

M. le président : La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud : Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française et du Centre.)

Les diverses campagnes électorales sont, semble-t-il, déjà commencées tant pour les municipales que pour la présidentielle. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Or, Monsieur le Premier ministre, les élus locaux, les maires en particulier, mettent un soin tout spécial à tenter de respecter la loi. Une circulaire récente du ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire rappelle notamment l’interdiction de dresser, en utilisant des fonds publics, le bilan des actions menées à la tête de leur mairie six mois avant les prochaines élections. Certains n’osent même plus signer l’éditorial de leur bulletin municipal. D’autres hésitent à adresser des vœux à leurs concitoyens.

M. Patrick Ollier : Ce n’est pas croyable !

M. Étienne Garnier : Il ne faut pas exagérer !

M. Didier Boulaud : Il ne faudrait pas que ces élus aient le sentiment qu’il y a deux poids deux mesures.

Aussi, j’aimerais savoir, Monsieur le Premier ministre, ce que vous allez faire quand vous déclarerez votre candidature à l’élection présidentielle ; votre entourage parle de la mi-janvier. Les documents édités par le SID, le service d’information et de diffusion, du Premier ministre, seront-ils portés dans vos dépenses électorales ? « Oh ! me répondrez-vous sûrement, tous mes prédécesseurs l’ont bien fait avant moi ». J’en prends acte. En effet, même M. Chirac l’a fait. Mais il y a, à mes yeux, deux différences essentielles.

Premièrement, vos prédécesseurs n’avaient pas, dans leur discours d’investiture, promis, sans toutefois le faire ensuite, de diminuer le train de vie de l’État, de réduire les frais de réception de tous les ministères, et de ne plus utiliser les avions du GLAM, le groupement des liaisons aériennes ministérielles. Et je n’aurai pas l’outrecuidance de vous demander combien a coûté cette brochure intitulée « la politique de la France » que vous venez de faire rééditer en livre de poche, sous le titre « Une politique pour la France ».

Deuxièmement, il existe une loi sur le financement de la vie politique des partis et des campagnes électorales. Il y a donc des règles, même si votre majorité ne les a pas votées lorsque les gouvernements de gauche les ont proposées au Parlement.

Ma question est donc toute simple : comptez-vous imputer sur votre compte de campagne, premièrement les dépenses occasionnées par la somptueuse réception des maires de France sous la pyramide du Louvre (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française et du Centre) deuxièmement, le coût de vos déplacements pré-électoraux en hélicoptère et en avion ; troisièmement, les crédits du SID qui auront servi à votre pré-campagne électorale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française et du Centre).

M. Édouard Balladur, premier ministre : Monsieur le député, je vous remercie du bienveillant intérêt que, si j’ai bien compris, vous me portez personnellement. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française et du Centre).

Mme Martine David : Non, c’est l’argent public qui nous intéresse !

M. le Premier ministre : Votre question est-elle une question innocente ? Non, je ne le crois pas. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Est-ce une question marquée d’une certaine impatience ? Oui, je le crois. (Mêmes mouvements.) Est-ce une impatience amicale ? Je n’en suis pas certain. (Mêmes mouvements.)

Les choses sont parfaitement claires.

M. Jean-Yves Le Déaut : « Je suis candidat ! »

M. le Premier ministre : Je suis à la tête du gouvernement. Je suis…

M. Alain Le Vern : Candidat !

M. le Premier ministre : … Premier ministre. Il est donc de ma responsabilité d’expliquer aux Français la politique qui est menée et les résultats de celle-ci qui, ne vous en déplaise, apparaissent de plus en plus comme positifs à tout un chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française et du Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je ne crois pas que les diverses législations que vous avez invoquées – vous êtes d’ailleurs l’auteur d’une bonne partie d’entre elles – interdisent au gouvernement d’expliquer aux Français ce qu’il fait.

M. Jean-Yves Le Déaut : Il ne fait rien !

M. le Premier ministre : Pour le reste, Monsieur le député, vous me permettrez de vous donner un conseil.

M. Charles Ehrmann : Il ne l’écoutera pas !

M. le Premier ministre. Soyez patient ! Ne vous posez pas les questions avant qu’elles ne se posent ! Vous vivrez ainsi beaucoup plus paisible et vos propos seront beaucoup plus impartiaux.

M. Henri Emmanuelli : Nous pensons à Chirac, nous ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le Premier ministre : Pour conclure, …

M. Martin Malvy : Vous n’êtes pas candidat !

M. le Premier ministre : … puisque c’est la dernière séance de questions d’actualité de la session et, en tout état de cause, la dernière à laquelle ce gouvernement, dont le terme constitutionnel est fixé au mois de mai prochain, aura à répondre, je saisis l’occasion qui m’est offerte pour remercier l’assemblée du soutien qu’elle a apporté au gouvernement dans son action de redressement et de réforme.

Vous aurez, au mois de mai prochain, un autre Premier ministre face à vous, Mesdames, Messieurs de l’opposition.

M. Henri Emmanuelli : Pas sûr !

M. le Premier ministre : Si ! Cela au moins est sûr ! Vous lui poserez les questions que vous venez de me poser.

Quant à moi, je terminerai en disant à l’assemblée, puisque le moment s’y prête, que je souhaite à toutes et à tous, un joyeux Noël et une bonne année. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française et du Centre.)

M. Jean-Yves Le Déaut : Ça, c’est un message politique !

M. Jean-Pierre Brard : Ce n’est qu’un au revoir !

M. le président : Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.