Texte intégral
P. Lapousterle : Votre parti a commis des fautes et vous en sentez-vous comptable ?
F. Léotard : Je suis totalement solidaire de ma famille politique, il se trouve que je n’en ai jamais changé et que j’y reste fidèle. Visiblement, nous sommes la cible aujourd’hui, mais à aucun moment je n’ai eu connaissance de faits qui auraient pu être un délit et si cela avait été le cas, je les aurais condamnés. Il est important et utile que l’instruction se déroule, puisqu’on prétend que ces faits existent et il ne faut pas penser que cela nous gêne en quoi que ce soit, au contraire ; il faut que la justice le fasse avec le maximum de temps, de sérénité et d’éléments en sa possession. J’insiste sur cet élément : il faut du temps parce que la justice précipitée, c’est le Far-West.
P. Lapousterle : On va trop vite ?
F. Léotard : Oui, les juges ont l’épée des médias dans les reins et on leur dit « si vous n’avez pas dit quelque chose demain matin, c’est que vous êtes complices », ce qui est absurde. Il faut des semaines, des mois, des années, pour démonter quelque chose et pour montrer les preuves de quelque chose. Ça, ça manque parce que l’opinion est carnivore, elle veut des victimes, elle veut les dévorer rapidement, après, elle les oublie. La dignité d’un juge, c’est de ne pas être un justicier, de ne pas se mettre au-dessus de la loi et de pouvoir dire « laissez-moi le temps d’instruire », car juger quelqu’un, c’est la chose la plus lourde qui soit dans les activités humaines.
P. Lapousterle : C’est un conseil que vous donnez aux juges ?
F. Léotard : Oui, parce que certains oublient qu’ils sont soumis, eux aussi, à la loi.
P. Lapousterle : Le PR est un problème politique pour le gouvernement ?
F. Léotard : Non, nous sommes désireux de soutenir l’action du Premier ministre et du gouvernement, nous lui avons montré cela à plusieurs reprises, nous continuerons à le faire très dignement et très clairement. Nous n’avons jamais caché quelles étaient nos préférences, que ce soit dans le succès ou la difficulté.
P. Lapousterle : Vous aviez démissionné de vos fonctions électives lors de votre mise en examen. G. Longuet doit faire de même pour la présidence du PR ?
F. Léotard : Je le souhaite, car cette fonction lui a été donnée par les militants et ces militants lui gardent leur confiance, vous êtes devant quelqu’un qui n’a jamais été entendu une seule fois par un policier, par un juge et dont tout le monde prononce la condamnation. C’est un système de déni de droit stupéfiant et la crise du droit que traverse notre pays, je la trouve beaucoup plus grave que beaucoup d’autres crises sociales que l’on évoque tous les jours, à longueur de colonnes. Il y a là quelque chose qui est effrayant pour une grande démocratie et demain, vous pouvez être condamné devant vos compatriotes, sans jamais une seule fois avoir été entendu par un juge et c’est là quelque chose de monstrueux.
P. Lapousterle : Les propositions sur le service militaire faites par le comité sur la jeunesse ne vous semblent pas intéressantes ?
F. Léotard : J’ai été gentil en disant que ce n’était pas une bonne idée : c’est absurde. En dessous d’un certain nombre de mois, on ne forme plus de combattant. Il n’y a plus de guerre sur le territoire mais on a célébré quelques anniversaires qui nous font penser à ce qu’a été le mois de juin 1940, avant 1944. Un grand pays, ça se protège, par du temps, une formation, une solidarité, et on a tort de tenir un langage aux jeunes qui ne leur parle que de leurs droits. Ils ont, bien sûr, des droits mais ils ont aussi des devoirs et on a tort de ne pas leur montrer que dans une phase de 10 mois, qui n’est pas grand-chose, on peut leur donner de la formation professionnelle, du civisme, de la solidarité, de la générosité. Ça n’est pas toujours le cas mais il faut s’efforcer de réformer ce qui est en cause, ce sentiment de perte de temps, et je suis prêt à le faire.
P. Lapousterle : La réforme du service national est pour bientôt ?
F. Léotard : Deux idées : plus d’égalité et plus de formation professionnelle, tout en maintenant le principe qu’un militaire sert à défendre son pays et que nous avons besoin actuellement de cette jeunesse-là pour accomplir les tâches qui sont les nôtres. Depuis la Bosnie jusqu’aux DOM, nous avons besoin de forces militaires en mesure de défendre les intérêts du pays. Si on le ne leur dit pas, personne ne le leur dira et moi, je le leur dis.
P. Lapousterle : Cette réforme, c’est pour quand ?
F. Léotard : La semaine prochaine.
P. Lapousterle : Ne pas avoir de candidat pour l’UDF, c’est la fin de cette formation ?
F. Léotard : Si on arrive avec des idées et des propositions, en soutenant un candidat qui est le porteur de ces idées, on a des chances de gagner et de compter. On n’est pas des marchands de tapis, on ne monnaye pas des voix et des places, on est là pour assurer le succès des idées auxquelles nous croyons. Présenter un candidat UDF contre un RPR, c’est la certitude de l’échec. Nous sommes résolus à n’avoir qu’un candidat, si possible le Premier ministre actuel, et c’est ça la façon d’être civique, aujourd’hui, sur cette échéance.