Interview de M. Daniel Vaillant, ministre chargé des relations avec le Parlement et maire du XVIIIème arrondissement de Paris, dans "Le Parisien" du 19 septembre 1998, sur les dossiers de son arrondissement, notamment la toxicomanie, le logement social, la mise en place de conseils de quartier et sur ses ambitions aux élections à la mairie de Paris en 2001.

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Intervenant(s) : 

Média : Le Parisien

Texte intégral

Le parisien :
Votre fonction de ministre depuis plus d'un an vous facilite-t-elle la tâche de maire d'arrondissement ?

Daniel Vaillant :
Je n'ai pas plus de pouvoir en tant que maire parce que je suis ministre, mais je suis davantage entendu. Je ne veux pas pour autant être un maire qui profite de sa casquette de ministre. Mais je suis favorable à  une discrimination positive pour les arrondissements comme les nôtres. L'Etat et la Ville doivent garantir les mêmes droits aux habitants du XVIIIe qu'à  ceux du XVIe.

Le parisien :
La toxicomanie reste un problème majeur dans le XVIIIe. Où en êtes-vous sur ce front-là  ?

Daniel Vaillant :
Il faut à  la fois soigner les toxicomanes et traiter les questions d'ordre public liées à  la présence massive d'usagers de drogue sur la voie publique. Nous travaillons actuellement à  un projet avec Bernard Kouchner, le ministre de la Santé, la DASS et le secteur psychiatrique. Nous envisageons de créer un dispositif complet de prise en charge psychiatrique des toxicomanes sur la voie publique par des équipes mobiles, en renforçant les structures d'accueil dans les hôpitaux.

Le parisien :
Où est le projet de ZAC Pajol, suspendu depuis votre arrivée à  la mairie ?

Daniel Vaillant :
Nous n'étions pas d'accord avec le projet du maire de Paris : construire 600 logements en bordure des voies de chemin de fer, ce n'est pas terrible ! J'ai donc entrepris des discussions avec tous les partenaires concernés, afin de trouver des solutions intelligentes et équilibrées. Aujourd'hui, nous pourrions proposer à  Jean Tiberi de réaliser une première phase, avec 270 logements seulement, une école et un jardin.

Le parisien :
Et pour la suite ?

Daniel Vaillant :
Dans une deuxième phase, pourquoi ne pas réaliser un département d'IUT ? L'Education nationale pourrait acquérir pour ce faire le terrain situé rue du Département, en gardant la halle qui s'y trouve. Côté cour du Maroc, il serait encore possible de réaliser un espace vert, à  côté de l'extension de l'entreprise existante, prévue par la SNCF. J'ai proposé d'organiser une table ronde pour discuter de tout cela, et Michel Bulté (NDLR : adjoint au maire chargé de l'urbanisme, du logement et de la construction) y a répondu favorablement. En tant que maire d'arrondissement, je n'ai certes pas de pouvoir exécutif, mais je me considère comme un médiateur, un porteur de projets.

Le parisien :
Vos électeurs vous reprochent de n'avoir pas mis en place de conseils de quartier dans votre arrondissement, comme l'on fait les maires PS du XIXe et du XXe. Pourquoi cette réticente ?

Daniel Vaillant :
Il n'y a pas de réticence. Les conseillers de quartier, élus municipaux, sont trop sollicités et très à  l'écoute des habitants. Mais le vécu associatif est très différent d'un quartier à  l'autre. Si on institutionnalisait des conseils, un déséquilibre s'opérerait entre les secteurs. Et je ne souhaite pas davantage un repli des quartiers sur eux-mêmes. Il doit y avoir des contacts entre Montmartre et la Goutte d'Or. C'est pourquoi je relancerai les forums associatifs et citoyens d'ici à  quelques semaines, et nous actualiseront le « mémorandum d'arrondissement » qui reste notre guide d'action pour le XIXe.

Le parisien :
L'application de la loi PLM (Paris Lyon Marseille), qui organise les relations entre mairie centrale et mairies d'arrondissement, pose depuis trois ans d'insondables problèmes. Etes-vous favorable à  la réforme de cette loi, comme certains de vos amis socialistes ?

Daniel Vaillant :
Je ne voudrais pas qu'un débat autour d'une réforme de la loi PLM occulte la non-application de la loi aujourd'hui. M. Tiberi peut mieux faire, à  la fois dans l'application de la loi et le respect de son esprit. Les Parisiens ont décidé que la mairie centrale de droite et les mairies d'arrondissement de gauche devraient cohabiter, conformément à  la loi. La cohabitation, je sais ce que c'est au niveau national : chacun respecte les prérogatives de l'autre. Cela doit être la même chose à  Paris. J'ai rappelé à  M. Tiberi que nous étions élus, qu'il devait davantage tenir compte de nos légitimes préoccupations.

Le parisien :
On vous prête l'ambition d'être candidat à  la mairie de Paris en 2001. Vous ne démentez pas ?

Daniel Vaillant :
L'heure n'est pas à  désigner les candidats. En tant qu'élu parisien, je serais prêt à  prendre ma place dans ce combat collectif que mène Bertrand Delanoë à  l'Hôtel de Ville. Mais je n'ai pas d'autre chose en tête aujourd'hui que mon mandat de maire du XIXe.

Le parisien :
Vous savez que personne ne vous croit lorsque vous dites cela ?

Daniel Vaillant :
Dès que j'exprime une pensée, on me prête une arrière-pensée, c'est vrai. Mais l'heure n'est pas à  désigner les candidats. En outre, cela nous divise et nous fait du mal. Le moment venu, il faudra désigner le ou la meilleure d'entre nous pour le combat central.

Le parisien :
Vous imaginez que ce chef de file ne sorte pas des rangs parisiens ?

Daniel Vaillant :
Nous avons été capables de gagner six arrondissements en 1995, ce serait ridicule de dire qu'on n'est pas capables de gagner Paris en 2001 ! Ce sera une équipe parisienne. Les Parisiens n'attendent pas un homme providentiel.