Interview de M. Charles Millon, président de La Droite, à TF1 le 25 octobre 1998, sur les relations entre La Droite et le Front national, la gestion politique de la région Rhône-Alpes, la parution de son livre intitulé "La paix civile" et sur la menace de fermeture pesant sur les chantiers navals du Havre.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Public - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

MICHEL FIELD
Bonsoir à toutes, bonsoir à tous. Merci de rejoindre « Public ». Charles MILLON, bonsoir. Merci d'avoir accepté mon invitation. Vous êtes, comme je le disais tout à l'heure dans l'annonce de l'émission, l'un des personnages les plus contestés aujourd'hui de la vie politique française. Président du conseil régional de Rhône-Alpes, on en parlera très longuement dans la deuxième partie de l'émission, fondateur d'un nouveau mouvement qui s'appelle La Droite, qui tiendra sa convention les 7 et 8 novembre, c'est ça, d'ici quinze jours. Vous publiez chez Odile-Jacob un livre qui s'appelle « La paix civile ». Ce sera l'objet de la seconde partie de l'émission d'aller regarder dans ce livre comment vous justifiez vos choix politiques actuels, comment vous rappelez aussi votre parcours. C'est vrai que pour ceux qui vous connaissent, certains sont étonnés de vous voir arriver où vous êtes aujourd'hui avec cette alliance ou non alliance, enfin ça vous nous l'expliquerez, avec le Front National, en tout cas ce qui est vécu par beaucoup de nos concitoyens comme une alliance avec le Front National. Et nous parlerons évidemment de la vie politique régionale dans votre conseil. Vous vous dites victime d'un maccarthysme à la française, donc je voulais juste vous dire que les victimes du maccarthysme en général, elles n'étaient pas invitées à la première émission politique d'une télévision dans un pays. Est-ce que ce n'est pas un peu excessif quand même,

CHARLES MILLON
Je n'ai jamais employé le mot de maccarthysme...

MICHEL FIELD
Ah teut, teut, teut ! page 45 !

CHARLES MILLON
Non mais pour ce qui est de ma personne. Je dis simplement qu'actuellement, il y a une campagne avec manifestations, invectives, injures, qui sont assez exceptionnelles dans la vie politique française et qu'on peut s'interroger si on est dans une période de paix civile car on essaie d'empêcher la tenue de réunions, on fait des pressions sur ses proches, on essaie d'empêcher la tenue de réunions du conseil régional, on envahit un certain nombre d'enceintes. Je crois que c'est des faits graves qui démontrent à l'évidence qu'il y a un problème dans la vie politique française.

MICHEL FIELD
Et vous ne vous sentez aucune responsabilité dans ce désordre-là. Vous n'avez pas le sentiment que c'est vous qui l'avez peut-être causé

CHARLES MILLON
Ah pas du tout, non, je pense que j'ai posé une question, très forte, par mon acte du 20 mars ; mais j'ai posé une question, je demande qu'on débatte avec moi et je vous remercie de me recevoir d'ailleurs pour ce faire, parce que je crois que ça mérite débat et qu'il convient de s'interroger en France sur pourquoi depuis maintenant près de quinze ans, inéluctablement, on voit la montée des extrêmes. Est-ce qu'on va laisser en fait la France prise en mains par cette montée, avec un jour un choix impossible pour les Français entre une gauche arrogante et une extrême-droite conquérante, avec une droite qui aura, elle, complètement disparu, qui se serait évanouie, que c'est le problème que je pose. Est-ce que la droite française va rester complètement paralysée devant en fait cette montée de l'extrême-droite.

MICHEL FIELD
Eh bien on a une heure pour en parler et pour en parler ensemble. Tout mérite débat en effet. Une page de pub et on démarre.

 - PAUSE PUBLICITAIRE -

MICHEL FIELD
Retour sur le plateau de « Public ». Mon invité est Charles MILLON, président du conseil régional Rhône-Alpes, fondateur de La Droite. Nous parlerons dans la deuxième partie de l'émission, de son livre « La paix civile », paru chez Odile-Jacob, et évidemment des problèmes politiques que soulève son élection au conseil régional de Rhône-Alpes. Mais tout de suite, un rappel des principaux faits de l'actualité de la semaine, la semaine en images.

- AGENDA DE LA SEMAINE -

MICHEL FIELD
Voilà. Charles MILLON, le dernier thème, accord entre Israël et Palestine, avec un scénario qu'on a l'impression d'avoir déjà beaucoup vu, à savoir ce sont les faucons, les ultras, qui disent finalement ne jamais négocier, qui peuvent quelquefois être les principaux artisans d'un processus de paix ou d'une reprise du processus de paix.

CHARLES MILLON
Je crois que la paix est plus forte que la guerre, une fois de plus on le constate et que même des faucons, après être arrivés au pouvoir, constatent que les peuples ont une irrésistible envie d'avoir une paix pour pouvoir voir leurs enfants élevés normalement, voir leur famille s'épanouir dans un cadre classique et normal. Je suis très heureux de cet accord. Il va droit dans la ligne qu'avait défini le président Jacques CHIRAC et je dois dire que je suis un peu ému parce que j'ai été envoyé par Jacques CHIRAC quand j'étais ministre de la Défense, rencontrer le ministre de la Défense MORDERAI (phon), que j'avais transmis de la part de Jacques CHIRAC un message qui... j'allais dire, préludait à ces accords. Je crois que c'est aussi une victoire de toute la politique diplomatique de la France.

MICHEL FIELD
Oui enfin toujours est-il que, sauf le respect que je lui dois, ce n'est pas le président CHIRAC qu'on voit, c'est le président CLINTON, c'est plutôt un succès diplomatique américain.

CHARLES MILLON
C'est évident. Mais il y a aussi des efforts préalables qui ont été faits par toutes les chancelleries et que le gouvernement français a effectivement dans ce domaine-là, pesé de tout son poids. J'ai pu le constater en tant que ministre de la Défense. Et puisque ça n'a pas été fait, je voudrais rendre hommage à Jacques CHIRAC qui a pesé de tout son poids depuis des années pour qu'on arrive à un accord entre Israéliens et Palestiniens.

MICHEL FIELD
Vous lui rendez hommage parce que vous aimeriez qu'il vous traite mieux, le président de la République ?

CHARLES MILLON
Vous savez, personnellement, je ne me sens pas maltraité par Jacques CHIRAC. J'ai pour Jacques CHIRAC une amitié très forte...

MICHEL FIELD
Il y a eu un petit coup de froid quand même dans votre amitié, non ?

CHARLES MILLON
On peut avoir des appréciations différentes, ça n'enlève rien à l'amitié. Comme je ne suis pas le genre d'homme à reprendre mon amitié quand je l'ai donnée, je souhaite conserver ces relations d'amitié.

MICHEL FIELD
Alors on reviendra tout à l'heure sur le mouvement lycéen avec la télé espagnole qui a porté un regard très différent des télés françaises sur les dernières manifestations lycéennes mais évidemment je voudrais revenir sur ce qui se passe au Havre avec deux témoignages de syndicalistes de la CGT. Jean-Louis JEGADEN, vous êtes secrétaire du Comité d'entreprise des ateliers et chantiers du Havre. On a l'impression qu'il y a eu un énorme coup de bambou sur la région et pourtant cette annonce finalement de la fermeture, ce n'est pas nouveau, en tout cas la menace qu'il y avait sur ces chantiers n'est pas nouvelle.

JEAN-LOUIS JEGADEN
Je crois que la menace qui pesait sur les chantiers n'est pas nouvelle mais quand on vous annonce la fermeture d'un chantier qui fait vivre 2.500 personnes sur Le Havre, c'est toujours un coup de massue qui vous arrive sur la tête, surtout que rien ne prêtait quand même à une décision aussi rapide du gouvernement, alors qu'on avait une échéance jusqu'au 22 minuit nous avait-on dit, il semblerait que PIERRET s'est précipité à 15 h 30 pour lancer un communiqué qui annonçait la fermeture du chantier...

MICHEL FIELD
Alors qu'il y avait des négociations en cours avec un éventuel repreneur.

JEAN-LOUIS JEGADEN
Alors que des négociations étaient en cours avec un éventuel repreneur qui avait annoncé juste avant la sortie du communiqué du gouvernement qu'il était prêt à venir au Havre, il devait se rendre au Havre mardi pour continuer à regarder de quelle manière WERNER pouvait reprendre les chantiers du Havre.

MICHEL FIELD
Mais quand Christian PIERRET dit que depuis 95, il y a 1,8 milliard de francs de soutien des pouvoirs publics et que dans toutes les propositions que le gouvernement a examinées, ce n'était pas très sérieux parce qu'à chaque fois l'aide publique demandée était trop considérable, qu'est-ce que vous répondez à cet argument ?

JEAN-LOUIS JEGADEN
Je crois que la réponse, elle est très simple, dans le sens où les 1,8 milliard sont dépensés. Donc si on ne voulait pas dépenser 1,8 milliard, il fallait réfléchir avant, il fallait dire « ça va coûter trop cher, on ne le fait pas ». Aujourd'hui ils sont dépensés. Est-ce que ça veut dire que les 1,8 milliard, on les a dépensés pour que vive la navale havraise et une fois qu'on est près du but, prêts à enfin livrer les navires, on arrête tout ! C'est vraiment incompréhensible ! D'ailleurs comment comprendre que dans le même temps, le gouvernement français, il a donné il y a très peu de temps 7 milliards de francs à la Corée par l'intermédiaire du FMI qui est en train de se reporter sur les chantiers navals coréens qui font un dumping extraordinaire, c'est eux qui sont la cause de la situation de la construction navale en Europe et donc par voie de conséquence en France. Contre eux, on ne fait rien, tout va bien. Et chez nous, dès qu'on a un problème dans un chantier, l'Europe demande aussitôt, s'il y a des aides au chantier, il faut fermer le chantier. Si c'est ça, il faut qu'il y ait des contreparties y compris au niveau de la Corée parce que sinon ça ne veut rien dire. Et à chaque fois que l'on ferme un chantier en France, à chaque fois que l'on supprime un emploi dans la construction navale en France, on est en train de créer un emploi en Corée. Et si ça continue comme ça, tout notre savoir-faire, tous les navires que l'on faisait chez nous, eh bien on va regarder tous ces navires se faire en Corée, se faire à l'étranger et on les regardera passer au large du port du Havre et ça va se terminer comme ça. C'est impensable. On ne va pas rayer comme ça d'un revers de manche 450 ans d'histoire de construction navale au Havre, c'est impossible ! Et en tout cas, nous, à la CGT, on ne va pas s'y résigner.

MICHEL FIELD
En même temps, quand on sait qu'en vingt ans, de 75 à 95, les effectifs des chantiers civils sont passés de 32.500 à 6.631 personnes, c'est-à-dire moins 80 %, est-ce que vous ne vous inscrivez pas dans une résistance à un processus qui semble néanmoins inéluctable ?

JEAN-LOUIS JEGADEN
On est dans un processus aujourd'hui où en France, dans la construction navale, on est arrivé à minima. On a un grand chantier, Saint-Nazaire, qui est capable de faire de très grands navires ; on a un chantier moyen qui est Le Havre qui fait donc des navires de taille moyenne et on a à côté, Le Rouhelotz (phon) qui fait des navires de plus petite taille. On est dans cette situation aujourd'hui. Si on continue dans le sens où on est parti aujourd'hui, là vraiment on va mettre un terme à la construction navale dans notre pays. Pour qu'une industrie soit vraiment une industrie digne de ce nom, on ne peut pas rester avec un seul chantier dans notre pays, c'est impossible. Il est grand temps aujourd'hui de faire machine arrière, de modifier un peu le processus permanent qui a été celui de dire sans arrêt on ferme, on ferme, parce que la construction navale, ça emploie énormément de salariés – on le voit au Havre, 2 500 personnes – à Saint-Nazaire, c'est 10 000 personnes qui travaillent dans la construction navale. Ce n'est pas pour rien si les Coréens, si les Japonais ont lancé cette industrie avec de très fortes subventions eux aussi, parce que ça crée énormément d'emplois. Le gouvernement dit qu'il veut lutter contre le chômage, eh bien si on veut lutter contre le chômage, l'argent public, il peut servir aussi à créer des emplois et à en maintenir. Il y a 2 500 emplois qui peuvent être maintenus comme ça au Havre. Il faut à tout prix qu'on laisse les Havrais faire ce qu'ils savent faire do mieux, c'est-à-dire construire des navires et pas autre chose.

MICHEL FIELD
Jean-Denis DUPEROUX, vous êtes traceur de coques, membre de la CGT également. Quand le gouvernement parle de reconversion, Christian PIERRET disait – il va d'ailleurs recevoir les élus locaux je crois mardi prochain – il y a une reconversion industrielle envisagée, une redynamisation du site du Havre qui doit rester un grand site portuaire, vous n'y croyez pas ?

JEAN-DENIS DUPEROUX
On ne peut pas dire qu'on y croit, non, parce que l'expérience prouve depuis des années maintenant malheureusement que tout type de reconversion d'un chantier naval est vouée à l'échec, à plus ou moins long terme, c'est un échec. La construction navale, c'est quelque chose de vraiment particulier, avec des moyens techniques aussi particuliers et qui sont très très difficiles à adapter sur site ou à adapter le personnel très compétent dans la construction navale à aller faire autre chose. Donc reconversion... écoutez, moi je suis issu du chantier du Trayes qui a été repris par La Ciotat à l'époque et malheureusement le chantier du Trayes a fermé en 72, La Ciotat a fermé après et donc maintenant au Havre, on veut s'accrocher à ce qui reste de la construction navale et ne pas entendre parler de conversion ou de reconversion qui est quelque chose qu'on ne peut pas accepter.

MICHEL FIELD
Charles MILLON, à la fois comme président d'un conseil régional et puis aussi comme ancien ministre de la Défense, j'imagine que ce dossier ne vous laisse pas indifférent ?

CHARLES MILLON
Ce que je ne comprends pas très bien dans ce dossier, c'est la précipitation du gouvernement pour annoncer la fermeture. Alors peut-être que la fermeture est inéluctable, peut-être que les analyses économiques démontrent qu'il n'est pas possible de maintenir ce chantier, mais je ne comprends pas du tout la précipitation et je vais même dire que je suis choqué par le manque de considération vis-à-vis des salariés. J'ai été amené en tant que ministre de la Défense à organiser et à diriger la restructuration de l'industrie de l'armement et nous nous imposions de présenter en même temps les restructurations industrielles, un plan de conversion, un plan de reclassement, un plan de formation et on négociait préalablement avec les syndicats et avec les représentants du personnel pour pouvoir prendre en compte les situations particulières car il est bien évident qu'au Havre comme à Saint-Nazaire comme dans un certain nombre de sites, il y a peu d'autres activités aux environs et pour mener une reconversion, c'est difficile...

MICHEL FIELD
Surtout dans une région comme Le Havre où déjà le taux de chômage est extrêmement important.

CHARLES MILLON
Je crois utile, surtout que si j'ai bien compris, le gouvernement annonce une fermeture dans deux ans... qu'il y a en fait tout un plan à négocier avec les syndicats, avec les élus locaux, avec le conseil régional local pour qu'il n'y ait pas une rupture j'allais dire sociale, affective, supportée par les salariés et je comprends en partie l'étonnement sinon même la révolte de certains. Autant je crois qu'il va falloir faire une analyse économique approfondie car on ne peut pas continuer des entreprises qui sont subventionnées à hauteur de 1,8 milliard continûment, autant je pense qu'il y a une méthode à mettre en oeuvre qui respecte les hommes.

MICHEL FIELD
Jean-Louis JEGADEN, un mot, les échéances prochaines... des jours prochains ?

JEAN-LOUIS JEGADEN
Je crois que les échéances prochaines pour nous, ça va être des échéances qui vont être des échéances de lutte, on ne va pas quand même laisser disparaître le chantier havrais comme ça mais on va s'arranger aussi pour que la personne continue à travailler. Il faut qu'on fasse la démonstration que le chantier havrais, il est bien vivant, il est en train de travailler, on va se battre pour que le chantier vive mais en même temps, on va être, nous, dans cette stratégie-là parce que c'est impensable qu'on fasse autre chose que de la construction navale au Havre.

MICHEL FIELD
Merci de votre témoignage. Je le disais à l'instant, la télé française et les médias français ont plutôt suivi les dernières manifestations lycéennes en insistant sur le fait qu'elles s'étaient mieux passées, qu'il y avait eu moins de casse, le préfet de Police, Monsieur MASSONI, a même été félicité par le Premier ministre. C'est donc assez intéressant de regarder un sujet de la télé espagnole qui a elle, rendu compte de la dernière manifestation lycéenne en étant encore extrêmement choquée par les violences qu'elle y a vu. On regarde.

- REPORTAGE -

MICHEL FIELD
Charles MILLON, Claude ALLEGRE s'est-il sorti du guêpier lycéen comme nous semblions l'indiquer tout à l'heure ?

CHARLES MILLON
Les manifestations ont l'air de se calmer mais maintenant c'est à Claude ALLEGRE de démontrer qu'il a compris car ce n'est pas un problème d'argent comme il l'a dit je crois ici la semaine dernière. C'est un problème de réforme de fond car si j'ai bien entendu les lycéens, je crois les avoir entendus puisque je les ai reçus encore vendredi dernier à Lyon au conseil régional : ils souhaitent des aménagements d'horaires, ils souhaitent des 6 programmes plus adaptés, ils souhaitent surtout qu'on prenne en compte la situation particulière de chacun et ceci va exactement à l'inverse de la centralisation du système éducatif que l'on connaît en France depuis des décennies. Alors il va falloir prendre le problème en mains. C'est l'autonomie des établissements qu'il faudra reconnaître, c'est des parcours personnalisés pour chaque élève avec en encadrement qui soit adapté, c'est le traitement différencié d'un lycée à l'autre car on ne peut pas traiter le lycée Henri-IV et le lycée de la Seine-Saint-Denis de la même manière, les publics scolaires sont différents, les soutiens éducatifs du milieu familial dans un cas et dans l'autre sont aussi différents et qu'à partir de ce moment-là, il faudra peut-être donner plus à un lycée qui a des cas scolaires plus difficiles à résoudre qu'à un autre lycée qui a des cas scolaires plus faciles à affronter, que là, c'est tout le problème de la réforme du système éducatif qui est posé. J'en parle en connaissance de cause puisqu'il y a dix ans, j'en parle dans le livre que j'ai écrit, il y a dix ans au conseil régional Rhône-Alpes, on a lancé une très grande consultation, j'ai rencontré plus de six mille parents d'élèves ; avec les proviseurs, les quatre cents proviseurs, on a réfléchi et on a lancé un programme qui s'appelle « Permis de réussir » où on avait déjà prévu la réhabilitation des internats, les bureaux des professeurs, la mise en place des foyers lycéens et aussi des projets pédagogiques spécifiques pour chaque lycée, qui étaient définis par la communauté éducative, avalisés par le rectorat et financés par la région. Je crois que nous sommes à l'ère non pas de la décentralisation et de la déconcentration, mais à l'ère de l'autonomie des établissements pour prendre en compte la situation de chaque élève.

MICHEL FIELD
Alors puisque vous parlez de votre région, on ne l'a pas mise dans « La semaine en images » par charité, mais vous avez été mis en minorité vendredi, c'est l'un des faits de l'actualité de la semaine. Vous avez été mis en minorité vendredi dans votre conseil régional : seize dossiers rejetés sur vingt-trois. Donc quand vous dites finalement ça marche en Rhône-Alpes, l'exécutif fonctionne etc., est-ce que vous n'essayez pas un petit peu de... je ne sais pas, la méthode COUE ? Est-ce que vous n'arrivez pas aujourd'hui à une vraie situation de blocage dès lors que vos alliés ou les gens qui vous soutiennent, à un moment donné, vous refusent leurs voix ?

CHARLES MILLON
Alors quelques chiffres préalables d'abord...

MICHEL FIELD
Pas trop.

CHARLES MILLON
La région Rhône-Alpes a engagé les trois quarts de son budget ; la région Île-de-France arrive à peine à 27 %. La région Rhône-Alpes a un budget ; la région Centre n'a toujours pas de budget, elle est gérée par le préfet. Je vous précise que la région Île-de-France est présidée par un socialiste, la région Centre aussi. Troisièmement, la région Rhône-Alpes a vu 99 % de ses dossiers votés en commission permanente vendredi dernier que les dossiers dont vous parlez, c'est les dossiers qui avaient déjà été refusés et que j'ai représenté une seconde fois...

MICHEL FIELD
Ce n'est pas rien, la politique de soutien à la rénovation sociale régionale, c'est quand même un grand thème, non ?

CHARLES MILLON
On va en parler, on va en parler, Donc ça, c'est déjà la situation. Je pense que la région Rhône-Alpes est aujourd'hui l'une des régions qui marchent le mieux en France. Ça, c'est le premier point. Deuxième point, je n'ai jamais eu de majorité, depuis dix ans. Depuis dix ans, j'ai des majorités de projet car compte tenu du mode de scrutin qu'aucun homme politique n'a eu le courage de réformer, eh bien vous n'avez pas de majorité, d'ailleurs aucune région n'a une vraie majorité à part peut-être la région Pays de la Loire. Eh bien à partir de ce moment-là, vous ne pouvez qu'avoir des majorités de projet. Eh bien sur certains projets, vous assistez à des collusions assez étonnantes d'ailleurs entre le Parti Socialiste et le Front National qui vous refusent.

MICHEL FIELD
C'est un peu facile comme argument. Le PS a décidé de voter systématiquement contre toutes vos propositions.

CHARLES MILLON
Eh bien c'est intelligent ! Pour les Rhône-Alpins, c'est bien ! Pour les jeunes Rhône-Alpins, les jeunes qui veulent partir à l'étranger pour faire leurs études, comme le Parti Socialiste refuse tout pour des raisons politiciennes, le jeune Rhône-Alpin, il n'a pas de cursus universitaire. Quand il y a des jeunes qui veulent aller s'insérer dans de l'action sociale, eh bien comme le Parti Socialiste refuse tout, la personne reste au chômage de longue durée !

MICHEL FIELD
Et pourquoi il refuse tout le Parti Socialiste, à votre avis ?

CHARLES MILLON
Il refuse tout parce qu'il est vexé de ne pas avoir la direction de la région, parce que lui, il croyait qu'en choisissant son adversaire, il avait décidé que c'était lui qui était majorité à la région. Eh bien non ! Ce n'est pas comme ça, parce qu'il y a une majorité d'élus qui ont décidé que c'était moi qui devais être président, parce que mon groupe est majoritaire et en sièges et en voix.

MICHEL FIELD
En voix, ce n'est pas dit, si on regarde les résultats vraiment des élections.

CHARLES MILLON
Eh bien vous regardez !

MICHEL FIEL
J'ai regardé ça attentivement.

CHARLES MILLON
Vous pouvez faire le calcul !

MICHEL FIELD
Est-ce que oui ou non, les listes socialistes sont passées devant vous ?

CHARLES MILLON
Bien sûr que non !

MICHEL FIELD
590.000 voix... je parle des élections...

CHARLES MILL ON
Attendez, attendez...

MICHEL FIELD
Non, mais j'ai les chiffres. Non, non, mais c'est parce que c'est un de vos arguments de dire que vous êtes majoritaire en voix. Moi d'après mes calculs, mais j'ai toujours été assez mauvais en calcul, j'ai pu faire une erreur de retenue, il semble que quand même en ajoutant les listes socialistes à la liste iséroise des Verts, on arrive à 8.042 voix à l'avantage des listes de gauche par rapport aux vôtres et aux divers droites.

CHARLES MILLON
Attendez, il faut faire toute la région. Vous prenez toute la région et puis vous faites la somme et vous verrez !

MICHEL FIELD
Vous maintenez que vous êtes majoritaire en voix ?

CHARLES MILLON
Bien sûr, je suis majoritaire en voix et majoritaire en sièges. Et si bien même vous aviez raison...

MICHEL FIELD
Ah !

CHARLES MILLON
Non, je mets un « si »...

MICHEL FIELD
Parce que moi je maintiens mes chiffres...

CHARLES MILLON
Si bien même vous aviez raison, il y a une majorité de conseillers régionaux qui ont préféré le programme que je présentais au programme que présentait...

MICHEL FIELD
Dont 35 membres du Front National...

CHARLES MILLON
Dont 35 conseillers régionaux élus sur des listes du Front National, effectivement, mais je l'assume totalement ! Ils ont choisi mon programme. Mon programme, c'est mon programme !

MICHEL FIELD
On va en parler après la pub parce que c'est tellement de ça qu'on a envie de parler et sur quoi on a envie de vous entendre parler. Une page de pub et on y va.

- PAGE PUBLICITAIRE -

MICHEL FIELD
Retour sur le plateau de « Public ». Charles MILLON est mon invité. Le président du conseil régional Rhône-Alpes sort un livre chez Odile-Jacob, « La paix civile » où il explique ses choix politiques, il parle aussi de son parcours et puis aussi des propositions qui vont être celles de son mouvement. Mais puisqu'on en était à l'élection, on fait un petit retour en arrière, l'un des thèmes de votre livre, c'est de dire finalement, la gauche fait régner une sorte d'ordre moral ; elle décide de ce qui est bien et de ce qui est mal, elle me « victimise » mais moi j'ai eu l'impression que ce n'était pas seulement à gauche que vous étiez critiqué, c'était quand même aussi dans l'opposition et pas n'importe quelle voix de l'opposition. Un petit retour en arrière, écoutez.

RAYMOND BARRE (22 MARS 1998)
L'acceptation des voix du Front National est une faute politique grave. Du fait de l'importance de la région et de la personnalité de son président, elle offre au Front National une reconnaissance inespérée de respectabilité démocratique et cela au lendemain d'une campagne électorale où a été proclamée par les candidats du RPR et de l'UDF le refus de toute alliance avec le Front National.

JACQUES CHIRAC (23 MARS 1998)
Les circonstances actuelles me conduisent à sortir de la réserve qu'exige ma fonction, parce que j'ai le sentiment que l'on est en train de perdre le sens des choses, parce que j'ai le sentiment que les passions se substituent à la raison, parce que j'ai le sentiment que l'on risque d'abîmer la France, ses valeurs, son image. A la droite républicaine, je voudrais dire qu'elle peut convaincre sans se renier. Elle a pris des engagements maintes fois répétés aux termes desquels elle n'accepterait aucune compromission avec l'extrême-droite. Ces engagements doivent être respectés dans la lettre mais aussi dans l'esprit. Si je tiens à rendre hommage à tous ceux qui ont fait preuve de courage et de clairvoyance, je ne peux que désapprouver celles ou ceux qui ont préféré les jeux politiques à la voix de leur conscience. Cette attitude, même si elle répond à la volonté de faire barrage à l'adversaire, n'est pas digne, et elle peut être dangereuse.

MICHEL FIELD
Ce n'est pas rien quand même une intervention du président de la République quasiment ad hominem. Vous étiez quelques-uns à être concernés mais vous aviez bien vu que c'était de vous qu'il parlait ?

CHARLES MILLON
Il parlait de moi et d'autres mais je crois que le président de la République a omis de distinguer les électeurs, les élus et l'appareil...

MICHEL FIELD
Ça, c'est votre grand thème.

CHARLES MILLON
Bien sûr que c'est mon grand thème ! On ne va quand même pas dire qu'en France, il y a quatre millions de fascistes, xénophobes, racistes, antisémites, ce n'est pas vrai. Ça je dis, ce n'est pas vrai ! C'est faux !

MICHEL FIELD
Les accords que vous passez, ce n'est pas avec les électeurs de base, c'est avec le secrétaire général du Front National...

CHARLES MILLON
Vous me laissez finir...

MICHEL FIELD
Non, mais je vous dis que Bruno GOLLNISCH n'est pas le militant de base ou l'électeur de base désorienté qui voterait pour le Front...

CHARLES MILLON
Vous me laissez finir, je vais jusqu'au bout. Je parle des électeurs. Il n'y a pas quatre millons d'électeurs qui ont le couteau entre les dents et qui veulent installer le fascisme en France. Parmi les élus, il y a une grande masse d'élus qui sont venus là aussi parce qu'ils ont été rejetés par les partis politiques traditionnels avec leur petit jeu d'appareil et qu'ils sont allés s'engager là parce qu'ils considéraient que la droite traditionnelle ne prenait pas en compte les problèmes de sécurité, les problèmes d'éducation, les problèmes d'urbanisme, tous ces problèmes-là, et puis ils sont allés, oui, au Front National, non pas pour adhérer à des thèses qui sont totalement inacceptables et que je combattrai toute ma vie, mais simplement pour pouvoir porter certaines réformes qu'eux jugent utiles.

MICHEL FIELD
Alors quelles sont ces thèses inacceptables que vous combattez ?

CHARLES MILLON
Les thèses inacceptables, c'est les thèses que porte Jean-Marie LE PEN, je n'ai jamais accepté que Jean-Marie LE PEN fasse ses commentaires sur la Shoah, ait des comportements à la Wafen-SS etc., je l'ai dit, je l'ai répété !

MICHEL FIELD
Mais est-ce que vous avez l'oreille assez fine pour avoir entendu Bruno GOLLNISCH qui est votre interlocuteur, manifester le moindre désaccord avec les propos de son président ?

CHARLES MILLON
Mais Bruno GOLLNISCH est un conseiller régional de Rhône-Alpes qui a mis son bulletin pour accepter mon programme. Est-ce que je vais refuser que mon programme soit mis en oeuvre parce qu'une voix arrive de tel ou tel personnage ?! Je n'ai passé aucun accord, je n'ai fait aucune compromission et je n'applique que mon programme ! Vous l'avez vous-même démontré tout à l'heure puisque vendredi dernier, si j'avais passé un accord, si j'avais eu un programme de gouvernement, vendredi dernier, ils auraient voté pour moi ! C'était bien évident !

MICHEL FIELD
C'est un petit peu rhétorique comme argument ! Non, le Front National vous soutient comme la corde soutient le pendu et puis de temps en temps il serre un peu pour vous rappeler que vous êtes entre ses mains.

CHARLES MILLON
Mais pas du tout parce qu'il sait très bien qu'à la fin de l'année, j'aurai un budget, que dans mon budget, il y aura tout le programme et que si jamais il ne le vote pas ou si jamais les socialistes ne le votent pas, il exista un article qui s'appelle 49-3 qui me permet en fait d'imposer mon programme.

MICHEL FIELD
Et vous continuez à affirmer que vous n'avez pas négocié avec le Front National avant votre élection ?

CHARLES MILLON
Bien évidemment !

MICHEL FIELD
Vous savez que Bruno GOLLNISCH ne cesse de répéter le contraire !

CHARLES MILLON
C'est ma parole contre la sienne.

MICHEL FIELD
Eh bien on va le réécouter, ce matin même.

BRUNO GOLLNISCH
Lors de l'entretien approfondi qui a précédé l'élection de Monsieur MILLON et que nous avons eu lui et moi, dans son bureau, entretien qu'il s'était engagé d'ailleurs à rendre public, nous avons discuté naturellement des points de convergence qu'il y avait entre son programme et le nôtre. C'est sur six points qui sont notamment la sécurité dans les transports, dans les lycées, la baisse des impôts, une formation professionnelle plus concrète, une politique culturelle plus enracinée, eh bien c'est parce que nous sommes tombés d'accord sur ces six points de convergence que j'ai retiré ma candidature et appelé mes colistiers à voter pour Charles MILLON en plein accord avec la ligne dégagée par notre bureau politique et notre président Jean-Marie LE PEN. Monsieur MILLON, Vous donnez parfois l'impression de vous excuser d'avoir eu le soutien du Front National et de critiquer ses cadres ou ses dirigeants. Ne pensez-vous pas, dans la campagne de diabolisation que vous subissez comme nous-mêmes nous l'avons subie, qu'il serait plus clair, plus efficace et plus courageux de vous en prendre à vos véritables adversaires et de faire tomber avec nous ce mur du mensonge et de la violence qui doit tomber demain comme est tombé hier le mur de Berlin ?

MICHEL FIELD
Bonne question, répondez !

CHARLES MILLON
A la première ou à la seconde ?

MICHEL FIELD
A la seconde... La première, ce n'est pas une question, c'est une affirmation. Il dit le contraire de vous. Il dit que la veille de l'élection, il était dans votre bureau et qu'il négociait...

CHARLES MILLON
Est-ce que vous pensez que j'ai attendu Bruno GOLLNISCH pour introduire la sécurité dans mon programme...

MICHEL FIELD
Non, mais oui ou non... moi je m'en fous... mais oui ou non, y a-t-il eu une réunion dans votre bureau avec Bruno GOLLNISCH avant votre élection ? Vous avez toujours soutenu le contraire et là, il réaffirme l'inverse.

CHARLES MILLON
Non, non, je n'ai pas toujours soutenu le contraire ; j'ai toujours soutenu que je m'étais coordonné avec Monsieur QUEYRANNE qui n'avait pas voulu descendre de son ministère à Lyon, donc je l'ai fait par téléphone et avec Monsieur GOLLNISCH qui est venu me rendre visite dans mon bureau pour préparer la session en tant que président sortant, c'était mon devoir ; mais que je n'ai pas attendu Monsieur Bruno GOLLNISCH ou le Front National pour pouvoir baisser les impôts – je les ai stabilisés depuis cinq ans, donc je n'ai pas besoin d'eux pour pouvoir connaître les orientations à prendre dans ce domaine-là – je ne l'ai pas attendu pour la sécurité, je ne l'ai pas attendu pour l'apprentissage puisqu'on le fait depuis 1983, etc., etc.

MICHEL FIELD
Vous n'avez besoin d'eux pour rien sauf pour vous maintenir à la présidence.

CHARLES MILLON
Non, j'ai besoin que les gens acceptent mon programme et soutiennent mon programme parce que j'ai été élu par des électeurs pour mettre un programme en place.

MICHEL FIELD
Mais ces électeurs, est-ce que vous les aviez prévenus dans votre campagne, que vous accepteriez les voix des élus du Front National, ce qui est parfaitement votre droit, mais on a l'impression que vous êtes dans la dénégation totale. Il n'a pas tort GOLLNISCH !

CHARLES MILLON
Mais c'est vous qui voulez absolument me mettre sur ce plan-là. Je ne vous réponds pas du tout ça ; je vous réponds, moi, je prends toutes les voix qui me permettent d'appliquer mon programme. Si le Parti Communiste avait donné ses voix, est-ce que vous croyez que je serais là aujourd'hui, est-ce que vous pensez que vous me poseriez ces questions ? Pas du tout ! Mais tout le monde aurait trouvé ça normal, le Parti Communiste fait oeuvre d'ouverture, il soutient le programme de Charles MILLON, tout marche très bien etc. Une grande ouverture, ce serait une grande coalition. Mais tout le monde regardait ça avec intérêt, on ferait d'ailleurs des commentaires dans la presse, comment ça se fait etc. Mais là, parce que c'est des voix... mais les voix, elles ne sentent pas, les voix, elles se comptent ! Eh bien j'ai compté mes voix, il y a plus de voix qui se sont portées sur mon programme que sur le programme de Monsieur QUEYRANNE. Ça, c'est le premier point. Deuxième point, pour répondre à Monsieur GOLLNISCH. Je n'ai pas du tout envie de mener une campagne avec lui. Je ne suis pas d'accord avec lui sur l'Europe, je ne suis pas d'accord avec lui sur la politique économique, je ne suis pas d'accord avec lui sur le traitement de la question de l'immigration. Il y a plein de points sur lesquels je ne suis pas d'accord avec lui.

MICHEL FIELD
Sur quoi êtes-vous d'accord ?

CHARLES MILLON
Je suis d'accord pour mettre mon programme en place.

MICHEL FIELD
Donc vous êtes d'accord pour utiliser le Front National pour rester à la présidence de Rhône-Alpes. Je vous pose cette question parce que ça a quand même été perçu comme ça par beaucoup de gens !

CHARLES MILLON
Ce n'est pas la présidence ! La présidence, c'est un moyen pour pouvoir faire passer une politique ! Ce que je veux, c'est mettre mon programme en place. J'ai fait une campagne électorale. J'ai parcouru les huit départements, j'ai fait des centaines de réunions. Durant ces centaines de réunions, les gens m'ont dit : ne faites pas comme la droite classique, ne venez pas nous faire des promesses et puis le lendemain matin, eh bien vous allez négocier avec je ne sais qui sur je ne sais quoi pour pouvoir faire un programme mi-chèvre mi-chou parce que nous, on ne veut plus ça. On veut bien en fait voter pour vous, mais si vous avez les moyens d'appliquer votre programme, vous appliquerez votre programme, tout votre programme. Eh bien c'est ce que je fais parce que je crois que s'il n'y a pas en France une droite qui applique son programme après avoir été élue par des électeurs avec qui elle a pris des engagements, eh bien à ce moment-là, la droite, elle disparaîtra et on aura ce que je vous disais tout à l'heure, une confrontation entre une extrême-droite qui ricanera et puis une gauche qui sera là et qui dira « c'est parfait, j'ai mon assurance-vie car comme je sais que je diaboliserai cette extrême-droite, je suis au pouvoir éternellement ». Car c'est cela ce qui se passe, c'est que la gauche, elle a très bien compris que pour rester au pouvoir, il fallait qu'elle diabolise, qu'elle dise : ces voix-là, ces voix du Front National, les gens peuvent voter pour eux, parce qu'on ne l'interdit pas le Front National... – j'ai bien écouté tout à l'heure le président de la République – on le traite de xénophobe raciste... mais il y a une loi du 10 juin 1936 qui dit que ce genre de ligue, de parti etc., il faut les condamner dans ce cas-là ! On ne le condamne pas, on ne l'interdit pas, au contraire on lui donne millions de francs. C'est-à-dire qu'aujourd'hui tous les contribuables français, qu'ils soient communistes, socialistes, RPR, UDF ou FN, paient pour pouvoir financer le Front National.

MICHEL FIELD
Une chose est d'accepter le Front National dans le jeu démocratique, autre chose est de faire alliance avec lui, il y a une marge entre les deux quand même.

CHARLES MILLON
Il n'y a pas d'alliance, il y a des voix.

MICHEL FIELD
Moi j'ai beaucoup de mal à vous comprendre... parce qu'au moment où vous dites les trente-cinq membres du Front National qui ont voté pour moi, c'est trente-cinq personnes, les voix ne se pèsent pas, elles se comptent...

CHARLES MILLON
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est François MITTERRAND !

MICHEL FIELD
Moi je me souviens... Eh bien bel exemple de moralité de votre part quand vous citez François MITTERRAND disant à Jean-Pierre SOISSON : quand on a la Bourgogne, on la garde à n'importe quel prix ! Je ne trouve pas que ce soit une grande leçon de morale politique, moi !

CHARLES MILLON
Bien sûr Monsieur FIELD.

MICHEL FIELD
Vous si !?

CHARLES MILLON
Non, non, pas du tout.

MICHEL FIELD
Mais si vous faites de François MITTERRAND votre mentor en morale, c'est intéressant de le savoir.

CHARLES MILLON
Pas du tout, pas du tout. Monsieur FIELD...

MICHEL FIELD
Non, mais répondez-moi !

CHARLES MILLON
Quand Monsieur SOISSON a été élu avec les voix du Front National pour reprendre votre expression, c'est-à-dire avec les voix de conseillers régionaux du Front National en 1992, il n'y a rien eu, la presse n'a rien dit, il n'y a pas eu de commentaires.

MICHEL FIELD
Je n'avais pas encore cette émission mais je vous assure que...

CHARLES MILLON
Non, non, personne n'a critiqué. Il y a même le président de la République qui lui a dit : quand on a la Bourgogne, on la garde...

MICHEL FIELD
Donc quand on a Rhône-Alpes, on le garde, c'est ça l'idée ?

CHARLES MILLON
Non, non, pas du tout. Moi personnellement, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Les partis de gauche ne disaient rien du tout ; Monsieur SOISSON d'ailleurs était ministre d'un gouvernement socialiste, tout le monde trouvait ça normal. Le pauvre Monsieur SOISSON, il fait ça dans une autre conjecture, il fait exactement la même chose, il s'attendait à avoir exactement le même traitement, mais pas du tout, pas du tout ! Alors maintenant c'est le diable. Avant c'était un garçon normal, maintenant c'est le diable.

MICHEL FIELD
Ça a été souvent perçu comme un opportunisme notoire par certains des observateurs politiques.

CHARLES MILLON
C'est là où on voit que c'est pure tactique de la gauche car si la gauche...

MICHEL FIELD
Les gens qu'on a entendus tout à l'heure, Monsieur MILLON, Raymond BARRE, ce n'est pas un gauchiste effréné ! Le président de la République, ce n'est pas quelqu'un de gauche ! C'est ces premières personnes-là qui vous ont condamné.

CHARLES MILLON
Attendez, vous voulez que je leur réponde ? Vous ne m'en avez pas laissé le temps. Alors pour Monsieur Raymond BARRE pour qui j'ai de l'amitié, j'ai passé quinze ans auprès de lui, je le connais très bien.

MICHEL FIELD
Ses propos sont de plus en plus sévères à votre égard. Le week-end dernier, dans un colloque sur les droits de l'homme, il vous a...

CHARLES MILLON
Non, non, il n'a pas parlé de moi. Il a parlé de théorie inacceptable, de doctrine inacceptable, je suis totalement d'accord...

MICHEL FIELD
Il a dit que la vie politique française s'était gangrenée et notamment par les alliances passées...

CHARLES MILLON
Bien sûr. Mais je n'ai pas passé d'alliance !

MICHEL FIELD
Mais vous ne vous vous sentez pas visé ?

CHARLES MILLON
Ah pas du tout !

MICHEL FIELD
Eh bien moi je vous assure que vous l'étiez !

CHARLES MILLON
Eh bien voyez, je suis très à l'aise.

MICHEL FIELD
Parce qu'en lisant ça, j'ai pensé à vous.

CHARLES MILLON
Moi, quand des voix se portent sur mon programme, j'applique mon programme. Je ne suis quand même pas comme ces niais qui vont en fait avoir les mains pures mais...

MICHEL FIELD
Mais comment convaincre les gens, Monsieur MILLON, quand vous dites dans votre livre : les suffrages qui se sont portés sur mon nom, étaient donc ceux de trente-cinq conseillers régionaux et non pas ceux de trente-cinq personnes représentant de façon consubstantielle le Front National en tant qu'entité politique alors qu'on a tous vu en images Bruno GOLLNISCH dire « je demande à mes colistiers et à mes trente-cinq colistiers de voter pour Charles MILLON ». Ça excusez-moi, mais si on était plus familiers, je dirais que c'est de l'enculage de mouche, ce que vous écrivez là ! Personne ne peut être convaincu par ce type d'argumentation.

CHARLES MILLON
Eh bien ne soyez pas convaincu, c'est mes actes qui vont vous convaincre ; puisque j'applique ma politique, toute ma politique, rien que ma politique. Est-ce que vous préférez qu'un autre applique une autre politique, c'est tout, je vous pose une question ?

MICHEL FIELD
Non, mais moi je ne préfère rien, j'essaie de faire surgir les contradictions de votre propos, de votre démarche.

CHARLES MILLON
Mais il n'y a pas de contradiction. J'applique ma politique. Si je n'appliquais pas ma politique, je comprendrais très bien. Si vous voyiez que ma politique a des inflexions... d'ailleurs le Parti Socialiste ne s'y trompe pas parce que tous les jours, depuis le 20 mars, il dit : attendez, demain matin, on va voir le retour de MILLON. Et puis tous les jours, ils ne voient rien. Alors maintenant ils cherchent en fait des moyens, il a trouvé d'ailleurs le meilleur moyen : il s'allie avec le Front National contre moi. Et là d'ailleurs les voix du Front National ne polluent pas du tout le Parti Socialiste, le Parti Socialiste en Haute-Normandie vient de s'allier avec le Front National pour pouvoir éliminer... diminuer l'emprunt de 58 millions de francs. Je n'ai pas vu un titre de journaux là-dessus : le Parti Socialiste et le Front National s'allient pour prendre une délibération en Haute-Normandie. Dans certains cas, ces voix sont des voix qui portent atteinte à la personne qui les reçoit et puis dans d'autres cas, ça ne porte pas atteinte à la personne qui mène un projet. Non, très franchement, il faut que la démocratie retrouve sa sérénité.

MICHEL FIELD
Pourquoi ne pas retourner devant les électeurs, ça ne serait pas plus simple ?

CHARLES MILLON
Je suis totalement d'accord. On provoque la dissolution du conseil régional – je l'ai dit d'ailleurs quinze jours après mon élection – que le gouvernement ait le courage de modifier le mode de scrutin, mais qu'il ne mette pas un mode de scrutin où il nous oblige à des alliances... parce que leur technique, elle est toute simple : la gauche a besoin du Front National ; elle a besoin du Front National car elle souhaite que le Front National soit là pour pouvoir prendre des voix et ensuite elle le diabolise pour qu'on n'utilise pas ces voix. Donc il faut un mode de scrutin qui soit à un tour et qui empêche les alliances et que deuxièmement, après, on provoque la dissolution des conseils régionaux et je suis tout prêt à aller me faire sanctionner par les électeurs soit positivement soit négativement.

MICHEL FIELD
La Droite, le mouvement qui va avoir sa convention le 7 et le 8 novembre, où en seront les limites du côté droite de La Droite puisque la question se pose évidemment par rapport à notre conversation. Est-ce que dans le parti unique de La Droite que vous rêvez de fonder, vous intégrez le Front National ? Vous intégrez ses électeurs et pas ses dirigeants ?

CHARLES MILLON
Attendez, un parti politique, qu'est-ce que c'est ? D'abord on va parler de La Droite, si vous voulez...

MICHEL FIELD
La Droite d'abord et le parti unique ensuite.

CHARLES MILLON
Alors La Droite n'est pas un parti, c'est un mouvement. La Droite a une charte dont j'ai donné les grandes lignes le 6 juin dernier lors de la réunion de sa convention et que je ferai confirmer au congrès du mois de novembre, le 8 novembre. C'est une charte où il y aura un certain nombre de principes : les personnalistes, donc attachés à la personne, dignité de la personne, respect de la personne, égalité de toutes les personnes en droit, etc., etc. Deuxièmement, elle est libérale, elle est attachée à la liberté, liberté d'expression, liberté d'initiative, liberté de création, un rôle de l'État qui est là pour garantir et non pas pour intervenir. Et troisièmement, elle est démocrate. Toute personne qui adhère à La Droite, doit accepter cette charte ; et il n'est pas question qu'il y ait des personnes qui rentrent et qui refusent cette charte.

MICHEL FIELD
Vous savez qu'il y en a déjà qui y sont entrés, mon confrère « Libération » vendredi a fait une liste sur les responsables parisiens, il y a quand même des gens qui sont... bon, moi je n'ai pas d'ostracisme, mais Grégory PONS, membre du GRES et de la revue « Elément », Fabrice LELAY (phono), ancien conseiller de communication de Bruno MEGRET. Est-ce que c'est l'extrême-droite qui fait de « l'entrisme » dans la droite ou est-ce que c'est les premiers convertis à votre nouveau mouvement ?

CHARLES MILLON
Je viens de vous expliquer qu'il y a une charte. Donc les personnes dont vous venez de me parler, elles ont adhéré à la charte et qu'à partir de ce moment-là, c'est clair. Ce que je trouve très étonnant d'ailleurs dans « Libération »...

MICHEL FIELD
Non, mais vous pourriez craindre un entrisme du Front National parce que finalement, ça serait assez astucieux de sa part.

CHARLES MILLON
Mais mon travail, c'est en fait de faire respecter la charte qui préside à mon mouvement et d'ailleurs je peux vous donner des exemples très précis, il y a eu de l'entrisme dans tous les partis. Il y en a eu à Metz, eh bien le lendemain même, le délégué à l'animation du mouvement à La Droite, est allé à Metz, a demandé à la personne de quitter le mouvement, sa carte a été déchirée et c'est nous qui l'avons déchirée, ce n'est pas la personne qui est venue devant la télévision la couper en deux, on a déchiré sa carte et on a désigné un autre animateur qui lui est fidèle à la charte et aux conditions qui sont énoncées. Ça, c'est le premier point. Deuxième point, je voudrais quand même insister sur une affaire. On nous dit toujours : c'est vous qui allez devenir extrêmes. Mais si on veut que la vie politique française devienne paisible, si on veut aller vers cette paix civile, il faudra bien qu'il y ait une grande formation de gauche, une grande formation de droite, qui puissent j'allais dire intégrer des personnes qui aujourd'hui se sont égarées et que notre problème à nous, c'est de dire à celles et à ceux qui sont allés au Front National ou dans des mouvements extrêmes, leur dire : renoncez à ces doctrines qui sont parfois totalement inacceptables et qui sont par certains aspects répréhensibles, et venez chez nous. Nous ferons tout pour défendre vos convictions profondes.

MICHEL FIELD
Donc si je vous comprends bien, vous êtes en France aujourd'hui le meilleur rempart contre la progression du Front National à vos propres yeux.

CHARLES MILLON
J'espère.

MICHEL FIELD
Mais alors ce parti unique de La Droite, une fois La Droite fondée au mois de novembre, comment ça va se passer parce que pour l'instant, l'UDF, bof, le RPR vous critique, le Front National ne veut pas entendre parler de vous structurellement... vous allez vous retrouver un peu petit peu seul, non, pour faire le parti unique ?

CHARLES MILLON
Vous savez, un mouvement qui reçoit tous les jours entre cent et cent vingt adhésions, qui a été créé il y a quatre mois et qui aujourd'hui a soixante mille sympathisants et plus de vingt-un-mille adhérents à peu près sur tout le territoire, je trouve ça déjà pas mal. Mais très franchement, aujourd'hui on a trois objectifs : un, l'objectif, c'est de modifier le comportement politique. Je m'aperçois d'ailleurs que ça commence à marcher puisque les idées que nous lançons à la droite, je m'aperçois peu à peu qu'elles apparaissent dans les discours des autres leaders, donc c'est déjà quand même une influence...

MICHEL FIELD
Lesquelles ?

CHARLES MILLON
Par exemple qu'il faut renoncer à l'arrogance et qu'il faut être modeste en politique, qu'il faut arrêter de donner des leçons aux gens, qu'il faut savoir écouter, les personnes...

MICHEL FIELD
Ça ne fait pas un programme, ça !

CHARLES MILLON
Attendez... Non, mais le comportement en politique, c'est très important, ça c'est le premier point. Deuxièmement, c'est le programme. Oui, le programme. On fait des journées thématiques. Hier, j'étais à Strasbourg. On a réfléchi sur la démocratie. Avant-hier, j'étais à Lyon, on a réfléchi sur l'entreprise et l'économie sociale de marché. Avant avant-hier, j'étais à Paris, on a réfléchi sur la personne et l'éducation. Et vous avez bien vu, déjà, dans le livre que j'ai écrit, qu'il y a un certain nombre d'idées force qui sont actuellement travaillées et reprises par le mouvement La Droite parce qu'il est nécessaire que la droite en France retrouve une autorité, qu'elle soit sans complexe, qu'elle soit fière de ses valeurs, qu'elle ne soit pas une droite qui cherche toujours à se placer par rapport à la gauche et puis qui a peur en réalité des critiques de la gauche.

MICHEL FIELD
Mais vous avez déjà eu un petit rapport avec le suffrage universel à Toulon qui n'a pas été très probant parce que votre candidat s'est quand même ramassé, non ?

CHARLES MILLON
Il n'y avait aucun candidat.

MICHEL FIELD
Non ? Daniel ROURE (phon) qui avait des affiches avec Charles MILLON ?! 1,82 % !

CHARLES MILLON
Mais il fait ce qu'il veut mais il n'y a aucun candidat ! J'ai fait paraître des communiqués dans toute la presse.

MICHEL FIELD
Ah bon ! Il n'a rien à voir avec vous cet homme-là ?

CHARLES MILLON
Non, rien du tout, non.

MICHEL FIELD
Eh bien vous voyez, il était déjà millonnien sans que vous le sachiez.

CHARLES MILLON
Eh bien s'il y a des millonniens sans que je le sache, vous voyez bien que le succès est devant moi !

MICHEL FIELD
1,82 point franchement ! Je vous souhaite mieux !

CHARLES MILLON
Il y a un début à tout. Mais de toute façon, ce n'est pas le candidat de La Droite ; La Droite n'a pas de candidat.

MICHEL FIELD
Est-ce qu'elle en aura aux prochaines élections ?

CHARLES MILLON
Non, c'est un mouvement. Alors je voudrais terminer. Nous nous battrons pour l'émergence, oui, d'un grand parti populaire de droite uni, c'est-à-dire que nous voulons effectivement qu'il y ait un grand parti populaire de droite uni qui apparaisse. Ça nous paraît indispensable car si demain il continue à y avoir la balkanisation de la droite où chaque leader pense plus à sa carrière qu'à défendre des convictions et à résoudre les problèmes des Français, alors à partir de ce moment-là, un jour, on aura le scénario que je crains pour le pays, c'est le scénario de Toulon, une gauche et l'extrême droite.

MICHEL FIELD
Charles MILLON, je vous remercie. « La paix civile », c'est votre livre, qui est paru aux éditions Odile-Jacob. La semaine prochaine, un débat sur les retraites entre Philippe DOUSTE-BLAZY, Marc BLONDEL et d'autres intervenants. Et puis dans un instant, vous avez rendez-vous avec Claire CHAZAL pour le vingt heures. Bonne soirée à tous, au revoir.