Article de M. Nicolas Sarkozy, secrétaire général du RPR, dans "La Lettre de la nation Magazine" du 25 septembre 1998, sur la politique gouvernementale, notamment le budget de 1999, la réduction du temps de travail et l'immigration clandestine, intitulé "Préparer demain".

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Média : La Lettre de la Nation Magazine

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La semaine écoulée a permis à notre mouvement d'offrir l'image de ce que, avec Philippe Séguin, nous voulons qu'il soit tout au long de cette année : uni, mobilisé et combatif.

L'élection du Bureau politique a ainsi démontré à tous que nous avions collectivement fait le choix de la cohésion : pas de succès bâtis sur l'échec des autres, car toutes les richesses de notre famille politique, tous les tempéraments, toutes les sensibilités sont ainsi représentées et rassemblées au sein de la plus haute instance du Rassemblement.

La journée du 19 septembre, consacrée aux 800 cadres du Mouvement - secrétaires départementaux, présidents de comités départementaux, secrétaires de circonscription, délégués à la Jeunesse, à l'Action féminine et aux Sections professionnelle - a ensuite souligné la réelle mobilisation de ces responsables qui doivent être plus que jamais la « colonne vertébrale » du Rassemblement.

Chacun a pu s'exprimer, partager ses préoccupations, se faire l'écho des messages reçus, mais aussi mieux comprendre la ligne politique que nous avons fixée pour mieux l'expliquer dès maintenant localement. Nous avons délibérément tourné la page de toutes les questions qui ont rythmé la mauvaise actualité de l'été, pour nous concentrer sur l'essentiel : l'opposition au Gouvernement socialiste, la volonté de proposer une alternative et le soutien au Président de la République.

Le Rassemblement pour la République doit se considérer comme la première force d'opposition à la pensée unique socialiste.

Opposition, d'abord, à ce premier budget caractérisé par l'explosion des dépenses publiques qui augmentent deux fois plus vite que l'inflation, l'absence d'une véritable réforme fiscale, l'accroissement du rôle de l'État avec les vrais-faux emplois-jeunes et les recrutements dans la fonction publique, au détriment des fonctionnaires eux-mêmes, et le refus de mener une véritable politique de réduction des déficits publics. Comme toujours avec les socialistes, on dépense ce que l'on n'a pas encore gagné. Si la croissance faiblissait, le réveil serait douloureux !

Opposition à la régularisation massive et irresponsable de plus de 100 000 clandestins sur les 150 000 qui se sont déclarés. Qui peut sérieusement contester que la France n'a pas les moyens financiers et sociaux d'intégrer un tel nombre d'étrangers, alors qu'une part trop importante de nos concitoyens vit encore dans des conditions extrêmement précaires et difficiles ? Mais si notre pays ne peut accueillir tout le monde, il doit, par contre, s'attacher à promouvoir une grande politique de coopération et de développement pour que chacun puisse vivre dignement dans sa patrie.

Opposition aux 35 heures : comment ne pas comprendre que la France ne pourra renouer avec la prospérité en travaillant moins ? Partout dans le monde, c'est en recentrant la société autour du travail que l'on crée les richesses qui permettront l'avènement de la société du plein-emploi.

Opposition, enfin, au démantèlement de la politique familiale, qui n'est pas une politique sociale mais qui a pour but de favoriser le renouvellement des générations afin de garantir l'avenir de la Nation. La suppression de l'Aged, la réduction de l'aide consentie pour l'emploi de personnes à domicile, la diminution du quotient familial, représentent une charge importante pour les familles, dont le niveau de vie se trouve réduit d'autant. Il est inacceptable que le Gouvernement, qui déclare n'avoir pas les moyens de maintenir le niveau de l'aide accordée aux familles, propose dans le même temps de donner un certain nombre d'avantages fiscaux dans le cadre du Pacs. Celui-ci est une attaque directe contre la famille, nous devons nous y opposer.

En proposant un budget dispendieux, en refusant de mener les réformes de fond nécessaires à la réduction des déficits, en proposant de travailler moins et en démantelant notre politique familiale, les socialistes compromettent l'avenir.

C'est pourquoi le RPR doit préparer l'alternance du socialisme.

C'est en se libérant du passé que nous y parviendrons, en étant fiers de nos réalisations (réforme des retraites, de la Sécurité sociale, réduction des déficits...) tout en tirant les leçons des difficultés que nous avons rencontrées.

Il nous faut débattre avec l'ensemble des partenaires concernés afin de rétablir un lien de confiance avec nos électeurs. Pour rendre crédibles nos ambitions, il faut que les Françaises et les Français participent à leur conception et y adhèrent.

Il faut dès maintenant annoncer clairement nos choix, nos orientations et les mesures sur lesquelles nous sommes décidés à revenir.

L'opposition se doit aussi d'être plus imaginative et de construire un véritable projet politique qui exprime des idées fortes et novatrices.

La France a de grands défis à relever et il nous appartient d'y réfléchir pour apporter des solutions d'avenir. C'est le cas par exemple pour le statut de la fonction publique qu'il faut réformer, en intéressant financièrement les fonctionnaires à l'amélioration de la productivité de l'Administration. C'est le cas également dans le domaine fiscal : il faut inscrire le principe de l'inconstitutionnalité de la rétroactivité fiscale afin que la parole de l'État ne puisse être remise en cause.

Il nous faut, enfin, être ouverts aux expériences étrangères et savoir s'inspirer de leur succès. Ce qui est ainsi permis à la gauche anglaise, la droite française doit pouvoir le revendiquer : le RMI ne pourrait-il pas, par exemple, être subordonné au suivi d'une formation ou à l'acceptation d'un travail d'intérêt collectif s'inscrivant concrètement dans l'esprit d'insertion prévu à l'origine de cette prestation ?

Voilà quelle doit être notre ambition ! Sachons être à la fois libres d'esprit, unis et imaginatifs, car c'est la condition des succès à venir.