Article de M. Bernard Stasi, premier vice-président du CDS, dans "La Croix" le 17 février 1995 et publié également dans "Démocratie moderne" le 23, sur le refus de tout compromis avec le Front national en dépit des accusations de complaisance contre M. Balladur, candidat à l'élection présidentielle 1995, intitulé "Balladur et le Front national".

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Média : DEMOCRATIE MODERNE - La Croix

Texte intégral

Quand Jean-Marie Le Pen cherche à affaiblir celui qui paraît aujourd'hui le mieux placé dans la compétition présidentielle, en le créditant d'une attitude complaisante à l'égard du Front national, c'est de bonne guerre et il ne faut pas s'en étonner.

Mais que des supporters d'un concurrent portant les couleurs de la majorité utilisent cette manoeuvre pour attaquer Édouard Balladur, ce n'est pas de bonne conduite. Et ce n'est pas bon signe pour la suite de la campagne.

On peut s'étonner, d'ailleurs, de voir certains s'ériger aujourd'hui en procureurs. Si Jacques Chirac, quant à lui, a toujours fait preuve d'une intransigeance sans faille vis-à-vis du Front national et de ses thèses, en revanche, parmi ceux de ses lieutenants qui font aujourd'hui semblant de s'étrangler d'une sainte indignation à la pensée que le Premier ministre entretiendrait des relations équivoques avec le Front national, certains ne s'étaient guère manifestés jusqu'ici par leur pugnacité dans le combat contre l'extrême droite. C'est le moins que l'on puisse dire.

Peu importe, en vérité, la plus ou moins grande crédibilité des accusateurs. L'accusation est absurde et doit être dénoncée comme telle.

Le CDS, qui n'a jamais flanché dans le refus de toute alliance et de toute compromission avec le Front national, et qui est fier d'avoir entraîné l'ensemble de la majorité sur une ligne de fermeté, aurait-il décidé, à la quasi-unanimité de ses militants, de soutenir Édouard Balladur, si celui-ci était, si peu que ce soit, soupçonnable du moindre laxisme dans ce domaine ?

C'est vrai, le Premier ministre a reçu Jean-Marie Le Pen à Matignon chaque fois qu'il a jugé bon de consulter les responsables de toutes les formations politiques de notre pays. On peut le regretter. On peut aussi considérer que le Front national étant un parti légal, il doit, suivant la tradition républicaine, être traité comme les autres partis.

Certains peuvent aussi regretter quelques concessions inutiles à ce que l'on appelle l'idéologie sécuritaire dans les mesures prises pour rassurer l'opinion. Mais, avec l'appui notamment de Simone Veil et de Pierre Méhaignerie, le Premier ministre s'est toujours opposé aux mesures qui auraient pu paraître inspirées par des arrière-pensées xénophobes.

Ceux qui connaissent Édouard Balladur savent aussi que ses convictions religieuses dont, par pudeur, contrairement à d'autres, il ne fait guère état, l'empêcheront toujours de manifester la moindre complaisance à l'égard de thèses qui sont à l'opposé de l'humanisme chrétien.

Les Français que cette polémique ridicule aurait pu inquiéter peuvent être rassurés. Le CDS, dans la future majorité présidentielle, sera le garant, un garant vigilant et exigeant, de la fidélité à un certain nombre de valeurs qui ont toujours été au coeur de son combat politique.