Interview de M. Alain Krivine, porte parole de la LCR, dans "Le Midi libre" du 30 novembre 1998, sur la préparation des élections européennes de 1999, notamment la stratégie électorale de la LCR, l'accord avec Lutte ouvrière et les relations avec le PCF.

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Média : Le Midi Libre - Midi libre

Texte intégral

Midi Libre :
On constate un certain regain de l'extrême-gauche en France ? A quoi l'attribuez-vous ?

Alain Krivine :
Au nouvel esprit de résistance développé au cours des grèves de 1995. Des mouvements très radicaux se manifestent un peu partout. Malheureusement, ils sont orphelins d'un débouché politique car ils se reconnaissent de moins en moins dans la gauche traditionnelle. Ceci explique le regain de l'extrême-gauche constaté aux régionales.

Midi Libre :
Cet élan, vous espérez le poursuivre lors des européennes en faisant liste commune avec Arlette Laguiller ?

Alain Krivine :
Nous sommes en train de nous mettre d'accord pour faire quelque chose ensemble, au-delà de nos désaccords. Les sondages nous donnent entre 6 et 7% : c'est du jamais vu ! Imaginez que l'on fasse presque autant que le PC : cela fera réfléchir la gauche. Car nous voulons peser sur la gauche pour enfin changer de politique.

Midi Libre :
Pour faire quelle politique ?

Alain Krivine :
D'abord répondre aux revendications immédiates de relèvement des minima sociaux. Mais aussi pour faire une véritable loi des 35 heures qui forcerait le patronat à créer des emplois. Également, il est nécessaire d'interdire tous les licenciements collectifs. Sur tous ces sujets, la gauche plurielle évolue dans le cadre fixé par la droite avec les yeux fixé sur le marché, la bourse et l'Europe de Maastricht.

Midi Libre :
Quelle Europe défendez-vous ?

Alain Krivine :
Notre vision de l'Europe est sociale et non monétaire. Nous voulons une Europe de la diminution du temps de travail, de la libre circulation des hommes, du droit de vote des immigrés, de la régularisation des sans-papiers, une Europe pour les femmes et pour l'environnement.

Midi Libre :
Vous auriez pu être d'accord avec le PC…

Alain Krivine :
En effet, mais le problème de Robert Hue, c'est qu'il est contre l'Europe de Maastricht et qu'en même temps, il soutient le gouvernement Jospin contre vents et marées.

Midi Libre :
Le PC vous a récemment réhabilité. Que vous inspire ce geste ?

Alain Krivine :
Ils ont mis 34 ans à le faire. C'est trop tard ! Pour la petite histoire, je rappelle que j'avais été exclu en 1964 pour avoir refusé d'appeler à voter Mitterrand à la présidentielle. Ce qui m'importe, c'est qu'il y ait en France une vraie gauche radicale et anticapitaliste.

Midi Libre :
Être révolutionnaire en 98, cela veut dire quoi ?

Alain Krivine :
Être révolutionnaire, c'est un type normal. Par exemple, c'est se demander pourquoi tous les matins sur les radios, on diffuse le bulletin de santé de la bourse alors que cela intéresse 0,5% des gens. C'est considérable que nous vivons dans un monde cinglé dans lequel, en quelques minutes, des milliards partent en fumée et des centaines de milliers d'emplois sont supprimés en Asie.