Interview de M. Edouard Balladur, député RPR, dans "Le Parisien" du 23 octobre 1998, sur l'organisation du système scolaire français, la nécessité de déconcentration, le problème des retraites et le gouvernement Jospin.

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Média : Le Parisien

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Q – À droite, les avis sont très partagés sur le style de Claude Allègre et sa façon de gérer le dossier éducation…

Edouard Balladur – Il faut distinguer apparences et réalités. Seules m'intéressent les réalités. Première observation : l'effort désormais important consenti par la nation pour l'enseignement n'a cessé d'augmenter depuis une dizaine d'années, aussi bien en crédits qu'en nombre d'enseignants. Or, en même temps, le nombre des élèves demeurait stable, voire diminuait un peu. Seconde observation : notre système d'enseignement, centralisé, est mal organisé.

Q – Comment répondre à cela ?

– Certainement pas en donnant quelques milliards supplémentaires, payés d'ailleurs par les régions, ou quelques milliers de postes publics de plus, sous la forme d'emplois jeunes. Il faut, une fois pour toutes, changer le système. M. Allègre nous parle de déconcentration : c'est totalement insuffisant. Il faut transférer aux régions l'essentiel du pouvoir, des compétences, des responsabilités et des financements en matière d'enseignement.

Q – Est-ce à dire que l'État doit être dépossédé de tous ses pouvoirs ?

– Certainement pas. C'est à lui qu'il appartient de fixer le statut des personnels et le contenu des diplômes. Cela étant, tout ce qui peut être transféré aux régions comme pouvoirs doit l'être…

Q – Claude Allègre est donc, à vos yeux, un conservateur…

– Exactement ! D'ailleurs, j'ai tendance, de façon générale, à penser que les socialistes sont des conservateurs.

Q – Hier, les retraités étaient dans la rue…

– La durée de la vie s'allonge, la démographie s'affaiblit. Nous aurons de plus en plus de retraités et de moins en moins d'actifs. Il faut donc préparer l'avenir si on veut éviter un effondrement du système des retraites. Or le Gouvernement n'a absolument rien fait. Il faut se décider à mettre enfin en place les fonds de pension, qui sont indispensables pour apporter des compléments de retraite. Cela, bien entendu, sans remettre en cause pour autant la retraite par répartition, qui doit demeurer la base de notre système.

Q – Souhaitez-vous une liste commune de la droite pour les élections européennes de juin 1999 ?

– Oui. Les Français ne comprendraient pas que nous mettions en place l'Alliance et que, dans le même temps, nous nous divisions sur l'échéance européenne.

Q – Les débats récents du RPR vous ont-ils rendu plus optimiste ?

– Oui.

Q – Quel jugement portez-vous sur Lionel Jospin ?

– Ce Gouvernement a eu, au départ, beaucoup plus de chances qu'il ne le croyait, parce qu'il a trouvé une situation économique et budgétaire bien meilleure qu'il ne l'avait dit. Sa responsabilité, grave, est de n'avoir pas profité de cette chance et d'avoir mené une politique de facilité et d'immobilisme : retraites, assurance maladie, fiscalité, décentralisation… Ou bien en ayant recours à des formules purement artificielles et inefficaces, comme les 35 heures ou les emplois jeunes. Or il n'est pas certain que l'année qui vient nous offrira autant de chances pour le développement économique de la France que celle qui vient de s'écouler.