Texte intégral
La rénovation est à l’ordre du jour des partis politiques, je ne suis pas certain qu’elle soit à l’ordre du jour des préoccupations des Français. Pourquoi ? Il y a deux façons de concevoir la rénovation, l’une est technique, l’autre est intellectuelle. La tendance des structures partisanes consiste à privilégier la première. On délibère dès lors à perte de vue sur le fonctionnement interne et sur une meilleure répartition des équilibres, ou pire encore sur les intitulés et les titulaires.
Je ne suis pas sûr que cela soit l’essentiel. Lorsque Ernest Renan écrit « La réforme intellectuelle et morale », il s’agit bien pour lui d’accomplir des réformes de structures mais au service de ladite réforme intellectuelle et non d’espérer que de la réforme des structures surgiront les solutions géniales. Comment peut-on croire une seule seconde que les Français éprouvent le moindre intérêt pour les exercices de reproduction en forme de parthénogénèse qui sont la marque de l’UDF ?
Cette confédération est fondée notamment sur un message simple : être un parti pro-européen. Tandis qu’on la voit sombrer dans un nombrilisme byzantin il est clair que la politique européenne sur laquelle nous visions jusqu’à présent est en train d’imploser. La conférence intergouvernementale de 1996 sera peut-être l’occasion d’un « ressaisissement » mais quel parti est aujourd’hui capable d’en fédérer les prémisses ?
Il est donc clair que la rénovation est souvent un cache-sexe. Même au Parti socialiste où le nouveau « système Jospin » masque mal cette réalité, le Parti socialiste n’est pas capable à l’heure actuelle de fournir une alternative crédible et il compte pour 1998 bien moins sur son programme que sur les divisions, voire les échecs de la majorité en corollaire avec l’émergence du Front national. De la même façon je m’interroge : le CDS veut masquer ses références aux valeurs de la démocratie chrétienne. Dans le désarroi actuel, n’était-ce pas plutôt le moment d’affirmer l’inverse ?
* Une identité libérale
Il est évident que les partis politiques français souffrent d’un cruel déficit d’identité. Il est non moins évident que ce déficit fait le jeu du seul parti idéologiquement marqué, le Front National.
Voilà pourquoi j’estime que la rénovation du PR passe d’abord par l’affirmation de son identité libérale.
Cette double exigence s’est traduite dans le grand questionnaire que nous avons proposé à l’ensemble de nos militants. La presse a bien voulu noter le côté iconoclaste de certaines questions. C’est qu’on ne pourra pas rester longtemps dans le ron-ron des petites prudences et des auto-satisfactions proclamées. J’ai souhaité porter le scalpel là où ça fait mal.
Lors du Conseil national du Parti républicain le 18 novembre dernier, plusieurs orateurs ont souligné que la rénovation du PR n’était pas un exercice solitaire à usage interne mais qu’elle répondait à une double exigence. Une nécessité pratique : tous les partis et donc le nôtre ont besoin de se remettre en cause ; mais aussi une nécessité éthique : la France a besoin de consolider sa démocratie grâce à des partis politiques rénovés.
En ce sens notre démarche s’inscrit aussi dans la rénovation de la France. Et, dans les deux cas, on retrouve la nécessité de ne pas oublier les bonnes vieilles recettes libérales, qui sont à la base de toute politique gouvernementale réussie.
Le libéralisme n’est pas une doctrine désincarnée, c’est un pragmatisme.
Ce n’est pas la France qui doit s’adapter au libéralisme, c’est à nous, les libéraux français, d’adapter le libéralisme à la France.
* Un élan manque au gouvernement
C’est vrai pour la réforme de la sécurité sociale. Remplacer une oligarchie syndicale par l’État, c’est bien. Mais attention de ne pas sombrer dans l’étatisation de la protection sociale.
Responsabiliser les agences régionales et leurs dirigeants constitue à terme l’objectif que l’on doit se fixer. C’est vrai pour les universités en crise. Depuis 1968 les universités réclament plus de moyens. Quand se décidera-t-on à mettre en œuvre une véritable autonomie universitaire ?
L’État doit être le gardien de la qualité des diplômes, il doit cesser d’être le grand dispensateur de la manne budgétaire centralisée. C’est aux collectivités territoriales et à la sphère privée d’assurer les moyens d’une politique universitaire digne de ce nom. Je pourrai multiplier les exemples qui montreraient que le libéralisme n’est pas une simple technique liée à l’économie de marché – sur l’efficacité de laquelle il n’y a plus guère de débats – mais une façon de gouverner au plus près des citoyens, en leur rendant le pouvoir d’initiative et de responsabilité.
Sans conteste, cet élan manque au gouvernement. Il nous appartient de le réveiller. Le rôle des parlementaires PR lors de la discussion budgétaire est allé dans ce sens.
Les premiers résultats du questionnaire ont montré que les militants du PR plaçaient la réflexion politique en tête des préoccupations qu’ils assignent à leur parti. C’est excellent. L’élaboration du projet républicain constituera une étape décisive sur ce point. De là viendra toute vraie rénovation.
* La rénovation plébiscitée
Consultés pour la réunion du conseil national du Parti républicain, 80 % des adhérents du PR ont estimé que la rénovation de leur parti est « indispensable », 13 % jugent qu’il s’agit d’un « vœu pieux qui ne sera pas suivi d’effets » et 7 % y voient un simple « thème à la mode ». Les militants sont en général sévères sur le positionnement politique de leur parti (libéral, social et européen), 74 % d’entre eux pensent qu’il n’est pas bien compris par l’opinion, 96 % des adhérents ressentent une crise du militantisme dans leurs rangs.
Ils considèrent qu’ils « ne sont pas régulièrement consultés sur les grandes orientations », 63 % sont de cet avis (37 % contre). En revanche, ils estiment que le PR est « un parti qui s’occupe surtout des élections » (64 % contre 36 %) et où « l’important est d’être au pouvoir » (71 % contre 29 %). Enfin, 69 % des adhérents du PR ne souhaitent pas que les différentes composantes de l’UDF se fondent dans un parti unique et ils se prononcent à 75 % pour le maintien d’une confédération.