Interview de M. Hervé de Charette, président du PPDF et président délégué de l'UDF, à RMC le 22 décembre 1998, sur la situation politique israélienne, les bombardements américano-britanniques en Irak, la cohabitation et la stratégie de l'UDF pour gagner la présidence de la région Rhône-Alpes avec la candidature d'Anne-Marie Comparini.

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Q - Israël : le gouvernement de M. Nétanyahou a été censuré, hier, par son parlement et le Premier ministre est donc résigné à  des élections anticipées dans quelques semaines. Est-ce qu'il s'agit d'un tournant au Proche-Orient ? Je vous pose la question parce que vous avez rencontré Nétanyahou.

« Oui, je le connais, mais je ne suis pas sûr que ce soit un tournant. Il faut en tout cas savoir que la situation institutionnelle israélienne est très compliquée. Il n'y a guère de pays au monde qui aient une telle constitution, des plus compliquées. Mais on ne sait pas dans quelle mesure cela aura des conséquences sur le poste de Premier ministre. D'autre part, Israël souffre chroniquement d'une absence de majorité cohérente. Il est tombé parce qu'en réalité il avait une majorité dans laquelle il y avait, disons, des extrémistes de droite et puis des modérés. Il n'est pas sûr qu'il y ait, demain, une majorité claire - soit d'une droite modérée, soit d'une gauche modérée - pour conduire le destin du pays. C'est assez ennuyeux pour tout le monde parce que pour faire la paix il faut des gouvernements, et notamment il faut en Israël un gouvernement qui la veuille. »

Q - Mais une majorité travailliste pourrait revenir à  cette occasion aux élections ?

« Oui, c'est possible, mais il ne faut pas imaginer que cela va aller de soi. »

Q - Donc cela peut changer quand même pas mal de choses dans les négociations ?

« C'est créer une situation d'instabilité au Proche-Orient pour les mois qui viennent. Vous avez observé sur quels sujets le gouvernement israélien est tombé ! C'était sur une proposition qu'il faisait sur de nouvelles conditions pour l'application des accords de Wye Plantation. Et c'est sur ce sujet qu'il y a eu une alliance - un peu contre nature, il faut le dire - entre les socialistes qui étaient contre et l'extrême droite qui trouvait que ce n'était pas assez. Entre ceux qui trouvaient que c'était trop et ceux qui trouvaient que ce n'était pas assez. C'est vous dire dans quelle situation on se trouve ! »

Q - Vous savez cela arrive souvent en politique.

« Nous, nous avons des institutions qui marchent. Nous n'avons pas la majorité qui convient, mais nous avons des institutions qui marchent. »

Q - Est-ce que vous avez été satisfait de la position de Paris dans la crise avec l'Irak ?

« Oui, c'était une position fixée par le Président de la République, et qui je crois était sage. Certes, elle reposait sur une condamnation, une absence d'accord sur les initiatives prises de façon unilatérale par les Etats-Unis et leurs amis britanniques. Mais, en même temps, elle était principalement tournée sur la sortie de la crise : qu'est-ce qu'on peut faire puisque cette décision est prise, inexorablement, de bombarder l'Irak de façon regrettable, qu'est-ce qu'on peut faire pour sortir de cette situation ? Et c'est là  où nous sommes maintenant puisque les frappes ont duré quatre jours. On ne sait toujours pas d'ailleurs pourquoi ! C'est-à -dire quel était le but poursuivi, qui n'a jamais été clairement défini par les Etats-Unis. De sorte qu'une fois que c'est terminé on a l'impression qu'on recommence comme avant. C'est évidemment impossible : on ne peut pas recommencer comme avant. »

Q - Pourtant les Américains demandent le rétablissement de l'Unscom dans sa forme ancienne.

« C'est inconcevable. Voyez bien, cela fait sept ans que l'Onu s'organise pour détruire les armes de destruction massive que possède, qu'a possédé, ou que possède encore l'Etat irakien. Sept ans ! Au bout de sept ans, on sait d'abord que, dans le domaine nucléaire, il n'y a plus rien. Cela a été dit par l'organisme dont c'est le métier de faire ce type de contrôle. Ensuite on dit : oui, mais il reste peut-être des armes bactériologiques et des fusées. Alors fusées ? On a vérifié, il n'y en a plus. Armes bactériologiques ? Peut-être en reste-t-il. Mais ce n'était pas la peine de faire tous ces bombardements si ce n'était pas pour achever la destruction présumée de ce qui devait rester caché dans un coin. Donc, maintenant on ne peut plus considérer qu'on est dans cette phase numéro un fixée à  l'origine par la résolution du Conseil de sécurité consistant à  cette destruction. On va entrer dans la phase numéro deux qui consiste à  dire : c'est fini, maintenant il nous faut un système permanent de contrôle qui assure la sécurité et la stabilité de la région. »

Q - Vous avez une phrase pour qualifier la politique américaine dans cette affaire ?

« Oh, je ne veux pas dire des choses désagréables, parce que les Américains sont nos alliés. Mais c'est une politique qui manque de clarté. »

Q - La cohabitation a-t-elle fonctionné ? Est-ce que ce n'est pas embêtant pour la France d'être en cohabitation dans des crises internationales ?

« Vous savez c'est très difficile quand on est un homme politique de parler de la cohabitation devant un micro puisque tous les sondages montrent que tout le monde ...»

Q - Approuve.

« Voilà  ! Que tout le monde est content. Excusez-moi de le dire : sauf quelques personnes, dont je fais partie, qui pensent que la cohabitation affaiblit la France en politique intérieure et en politique extérieure. Je vois bien que le Gouvernement et le Président dans beaucoup de domaines s'efforcent de parler d'une seule voix en politique extérieure, c'est bien et le Président de la République a marqué, au cours des 18 derniers mois, que c'était lui le patron de la politique étrangère. Je m'en félicite. »

Q - Election présidentielle anticipée : vous savez que tout le monde en parle beaucoup. Cela vous paraît concevable ?

« On ne peut pas rêver constamment d'élection anticipée. »

Q - C'est vrai qu'on a l'impression que les deux sont en campagne ?

« Vous pouvez avoir cette impression parce que c'est le fruit de la cohabitation. Vous disiez à  l'instant : la cohabitation c'est formidable. Je persiste à  penser que ce n'est pas la meilleure façon de diriger un pays que d'avoir un cheval qui tire dans un sens et un autre qui tire dans l'autre : à  hue et à  dia. Mais, par contre, je suis d'avis que les Français aiment bien que l'on respecte les échéances électorales. Il y a des pays où cela ne marche pas comme ça. Par exemple, en Grande-Bretagne tout le monde est d'accord pour dire : le Premier ministre en place choisit la date des élections. C'est son droit, c'est sa liberté, c'est sa marge de manoeuvre. Mais en France, ça n'est pas comme cela. D'ailleurs, en 97, on s'est aperçu que précipiter les échéances cela ne marche pas toujours. Je ne suis pas pour hà¢ter le cours des événements. »

Q - Rhône-Alpes : vous faites partie de l'Alliance qui se déchire une fois de plus, incapable de se présenter uni derrière le nom de celui qui devrait remplacer C. Millon.

« Non, ne dites pas cela. Je voudrais vous dire ce que nous pensons à  l'UDF. »

Q - Vous avez un candidat. Et vous demandez au RPR de se rallier ?

« Je pense qu'il faut aborder toutes ces échéances électorales avec, je l'espère, un esprit détendu, et l'idée qu'entre l'UDF, le RPR et Démocratie libérale on s'entend bien et l'on est capable de régler ces problèmes. Les choses sont assez simples. Pour les régionales, en mars dernier, les chefs ont dit : les régions UDF restent UDF et les régions RPR restent RPR. On peut avoir d'autres idées sur le sujet. Cela a imposé, à  certains, des sacrifices. Ce qui a été bon en mars reste vrai en décembre. Rhône-Alpes est une région UDF, c'est donc à  l'UDF de choisir son candidat. Nous l'avons choisi, c'est A.-M. Comparini. Voilà , c'est ainsi que cela se passera.»

Q - Millon ne peut pas rester ?

« C'est ainsi que cela se passera pour ce qui concerne notre candidature, et c'est ainsi que l'Alliance doit agir. Nous avons une candidate, en plus c'est une femme très remarquable, Madame Comparini, qui est une collaboratrice de R. Barre ; qui a fait un travail remarquable dans les quartiers difficiles de Lyon comme adjointe au maire de Lyon. Vraiment, c'est une très très bonne candidate. Maintenant, est-ce que nous allons réussir ? Entre le Front national que nous refusons, et le front républicain que nous ne voulons pas, est-ce qu'on peut emporter la région ? ça c'est une autre paire de manche. Ca n'est pas fait. »

Q - Si les voix de la gauche sont nécessaires ?

« Vous m'avez présenté tout à  l'heure comme le président du PPDF, vous avez raison, mais je suis aussi président-délégué de l'UDF. Mais je voudrais dire que J.-F. Humbert, président de la région Franche-Comté, qui fait partie d'une autre formation politique, a démontré en mars dernier, comment dans une situation tout à  fait comparable on pouvait réussir sans se compromettre, en gardant sa ligne, en étant soi-même, en ne se compromettant avec personne, on pouvait l'emporter. C'est ainsi qu'il faut faire. »