Interview de M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, à France-inter le 12 juin 1997, sur les relations du Gouvernement et du Parlement, le travail gouvernemental, la cohabitation et la composition des cabinets ministériels.

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Média : France Inter

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France Inter : Première séance, aujourd’hui, de la 11e législature de la Ve République. Vous êtes ministre des Relations avec le Parlement. Qu’attendez-vous de cette nouvelle Assemblée ?

Daniel Vaillant : Eh bien, qu’elle fasse son travail, dans le respect de ses prérogatives. Le Gouvernement veillera à ce que le Parlement soit respecté, que ce soit le Sénat et bien sûr l’Assemblée nationale. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui, en réunissant les ministres, Lionel Jospin veut, d’une part sur le fond, établir le programme de l’action gouvernementale mais en même temps veiller – c’est ce qu’il m’a demandé – à ce que, que ce soit dans les délais, dans les procédures, le Parlement soit respecté et qu’il puisse travailler pour légiférer sur la base des projets de loi gouvernementaux ou des propositions de loi émanant de l’Assemblée nationale.

France Inter : Respect du Parlement, revalorisation du rôle du Parlement. À vrai dire, on entend ça souvent, à chaque fois, à chaque nouveau Gouvernement. Qu’est-ce qui nous dit que ça va vraiment changer ?

Daniel Vaillant : C’est vrai, on le dit souvent. Alors, encore faut-il le faire. Je crois que Lionel Jospin a démontré souvent dans le passé, et je crois déjà depuis qu’il est à Matignon, qu’il faut absolument rééquilibrer la démocratie française. On n’élit pas des députés un dimanche, deux dimanches et puis ensuite, ça serait le Gouvernement qui déciderait de tout. Non à, je dirais, des députés godillots, notamment s’agissant de la majorité. Et en même temps – comme l’a dit Jean-Marc Ayrault hier, le président du groupe socialiste –, il n’est pas non plus question que le Parlement, notamment dans sa majorité, soit un contre-pouvoir, mais un équilibre, une délibération. Et je peux vous dire notamment qu’en matière de méthode, les ministres devront présenter des projets aux parlementaires – dans un délai raisonnable – et un projet discuté, au sein du Gouvernement bien sûr mais en même temps avec les commissaires, dans les différentes commissions de l’Assemblée nationale, pour éviter l’impréparation, les effets de surprise. Par exemple l’article 49-3 qu’il faut vraiment maintenant, essayer de remiser le plus possible.

France Inter : Les droits de l’opposition, dans cette nouvelle Assemblée vont-ils être eux aussi revalorisés ?

Daniel Vaillant : Écoutez, ça c’est un des engagements que nous avons pris. On ne va pas tout faire toute de suite mais je pense qu’il est souhaitable que, dans les mois qui viennent, on puisse légiférer pour que, en matière de rénovation de la démocratie, d’équilibre des pouvoirs, du statut de l’opposition, on puisse avoir effectivement un dispositif législatif qui organise, d’une certaine manière, le rôle des uns et des autres et évidemment celui de l’opposition. Pour l’instant, l’opposition, c’est à elle de s’organiser. Je crois qu’elle commence à le faire. Cela n’est pas le problème de la majorité et du Gouvernement.

France Inter : On a vu la méthode Jospin quand Lionel Jospin était dans l’opposition : une méthode de concertation, puis de décision. Comment est-ce que cette méthode va pouvoir se transposer maintenant à Matignon où tous les pouvoirs sont concentrés, d’autant plus en période de cohabitation ?

Daniel Vaillant : Oui, il est évident qu’en période institutionnelle de cohabitation, le Premier ministre a en charge les grands dossiers du pays. La méthode, elle se révèle aujourd’hui : réunion des ministres, réunion de travail pour délibérer, pour préparer les orientations du Gouvernement, pour préparer le calendrier notamment celui de la session parlementaire ou des sessions parlementaires s’il y avait par exemple session extraordinaire, de manière à ce que chacun puisse s’exprimer avant, et qu’il y ait ensuite cohérence dans le travail et dans l’expression. Je souhaite, en tant que ministre chargé des Relations avec le Parlement, que les ministres travaillent avec leur cabinet, avec leurs experts – c’est bien normal – sur la base, je dirais, de ce que nous allons décider en termes d’orientation aujourd’hui. On a pour cela nos engagements devant le pays, ça c’est la base, bien évidemment, qui doit fournir le guide du travail. Et en même temps, que les ministres veillent à associer les parlementaires en amont, avant que les textes n’arrivent à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

France Inter : Certains ont fait remarquer que les méthodes n’avaient pas beaucoup changé et que Lionel Jospin avait lui-même désigné les directeurs de cabinet de certains de ses ministres. On remarque aussi qu’il y a beaucoup d’énarques.

Daniel Vaillant : Je me sens peu concerné. Enarque : il faut qu’on arrête aussi de vilipender celles et ceux qui ont fait des études, quel que soit leur cursus. Je ne me sens pas concerné parce que je ne suis pas énarque. Je pense que Lionel Jospin n’a pas désigné les directeurs de cabinet, simplement, il a demandé aux ministres de constituer leur équipe et de faire en sorte que l’équipe qu’ils ont soit en adéquation entre les besoins nécessaires de fonctionnement et en même temps, qu’on n’ait pas, comme dans le passé, des équipes restreintes au départ et puis, ensuite, une inflation de conseillers qui viennent se rajouter à l’équipe du départ. Lionel Jospin laisse chaque ministre travailler dans sa responsabilité et en même temps, collectivement, nous devons fonctionner comme une équipe, tout simplement, à la tête du pays.

France Inter : Travail d’équipe, dites-vous, pour le gouvernement Jospin : certaines sources font état d’une grogne de Jean-Pierre Chevènement à propos de la régulation annoncée de plusieurs milliers de sans-papiers.

Daniel Vaillant : On va bien voir s’il y a grogne ou pas. Au moins, il y a dialogue direct. Ce matin, nous verrons bien. Je pense qu’il était légitime, à partir du moment où on est confronté à des manifestations ou à des gens qui, légitimement, après des mois et des mois de situation instable, viennent vers Matignon, de les faire recevoir et de prendre les décisions qui s’imposent entre Matignon et le ministre de l’Intérieur. Je ne crois pas qu’il y ait couac gouvernemental, contrairement à ce que je lis ici ou là ce matin.

France Inter : Un mot sur le fonctionnement de la cohabitation, à propos de cette vraie-fausse crise sur l’Europe. Jacques Chirac a semblé donner son aval aux initiatives du Gouvernement. Vous êtes optimiste pour le sommet d’Amsterdam ?

Daniel Vaillant : Oui, je pense que nous pouvons être optimistes. Cela veut dire aussi que quand la France, et notamment par la voix du Premier ministre, fait des demandes, s’exprime, elle est en capacité d’être entendue et je me réjouis que le Président de la République appuie la démarche gouvernementale qui vise à ajouter un volet social, un volet croissance, un volet emploi au fameux pacte de stabilité.