Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Monsieur le député-maire,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Pour un ministre qui a décidé de faire du rééquilibrage entre Paris et la province l’une des priorités de son action, l’exposition Joseph-Bernard Artigue, présentée à Muret constitue un beau sujet de méditation.
Voici, d’abord, un artiste au parcours singulier. Il est né à Muret. Ayant perdu très tôt son père, il rejoint ses grands-parents maternels à Toulouse, où il passera son enfance et son adolescence. C’est à Toulouse qu’il commence ses études artistiques, dans cette école des Beaux-Arts qui, aujourd’hui encore, est la seule de toute la région à délivrer des diplômes nationaux et qui attire donc des étudiants venus de très loin.
Il y fréquence d’ailleurs des gens éminents, puisque ses condisciples seront, par exemple, le toulousain et futur cadurcien Henri Martin ou le montalbanais Antoine Bourdelle. Il achève sa formation à l’École supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il y retrouve ses amis, son maître toulousain Jean-Paul Laurens, et y fait la connaissance de Toulouse-Lautrec, de Pierre Louys, d’André Gide et de Charles Péguy.
C’est alors, au tournant du siècle, qu’ayant épousé une jeune blayaise de vingt ans sa cadette, il décide de se fixer à Blaye-les-Mines, dans le Tarn. Il y passera près de la moitié de son existence, jusqu’à sa mort en 1936.
S’agit-il d’un artiste, comme on dit, « régional » ? Ce serait faire peu de cas de ses innombrables séjours parisiens, de sa participation à trois éditions du salon des artistes Français, de sa conférence sur le paysagisme prononcée dans le cadre de l’exposition universelle de Paris en 1900. Ce serait ignorer la consécration suprême de son exposition de 1928 à la galerie Georges Petit, l’une des plus célèbres du Paris de l’époque.
Toute sa vie et toute son œuvre témoignent cependant de l’authenticité de son attachement à ses racines et aux paysages de sa région natale, qui sont sa principale source d’inspiration ; il exposera, ainsi, à Castres et à Albi ; il fondera même une école albigeoise de peinture.
L’œuvre d’Artigue fascine, en cela que le précieux témoignage ethnologique sur la vie rurale dans le Tarn s’y trouve sublimé par d’éminentes qualités esthétiques et une sensibilité véritable, lesquelles rehaussent à leur tour et magnifient l’intérêt documentaire de l’œuvre.
Cet hommage rendu, ici, à l’enfant du pays me paraît par ailleurs très significatif des efforts consentis désormais, partout en France, par les collectivités locales en faveur de leur patrimoine.
Il y a quelques heures à peine, j’inaugurais à Toulouse le musée d’histoire de la médecine, qui présente des collections passionnantes sur l’histoire médicale toulousaine. Il s’agit d’un tout autre domaine. Comment ne pas voir que le souci est le même, de sauver et de mettre en valeur un patrimoine régional, pour lequel le regain d’intérêt est aujourd’hui spectaculaire ?
Je pourrais bien entendu, sans quitter la région, vous citer d’innombrables exemples de cette aspiration nouvelle, du musée archéologique d’Eauze dans le Gers à l’écomusée de la montagne noire à Labastide-Rouairoux dans le Tarn ou, si vous le permettez, à la rénovation du Musée pyrénéens de Lourdes.
Il faut rappeler que cette exposition résulte d’une collaboration efficace entre diverses collectivités ; d’abord montée au musée Maurice et Eugénie de Guérin du Cayla, par la conservation départementale des musées du Tarn, avec la participation de la commune de Blaye-les-Mines et un soutien financier de la DRAC, la voici maintenant présentée à Muret. Elle s’enrichit, à cette occasion, de quatre esquisses offertes à la ville de Muret par la veuve de Joseph-Bernard Artigue et conservées au musée Clément Ader de Muret.
L’intérêt documentaire de cette exposition, ses qualités esthétiques évidentes, les partenariats qui l’ont rendue possible, tout cela n’illustre-t-il pas la célèbre remarque d’un ethnologue portugais qui disait – je le cite – « …l’universel, c’est le local sans les murs » ?
Je ne saurais conclure sans rappeler que la ville qui accueille cette exposition a déjà à son actif quelques réalisations culturelles de grande qualité. Je songe à la très belle salle de spectacle, récemment construite avec le soutien de l’État, de la région et du département – une vraie réussite architecturale et scénographique, et un bel outil au service prioritairement du jeune public.
J’évoque aussi les rencontres cinématographiques de Muret, remarquable collaboration entre le cinéma de Muret, la cinémathèque de Toulouse et la centrale de détention de Muret, saluée par les plus grands noms du cinéma français. Ici encore, voilà un beau séjour de réflexion sur les possibilités de coopération culturelle entre l’État, la métropole régionale, une ville moyenne telle que Muret.
Je sais, Monsieur le Maire, tout l’intérêt que vous portez au développement culturel de votre commune ; je connais la grande compétence de Roger Jeanmarie, votre adjoint à la culture ; je sais aussi que vous avez des projets autour de la bibliothèque, du musée Clément Ader ou de l’école de musique, de danse et d’art dramatique.
Parce que le ministère de la Culture a fait, de l’aménagement culturel du territoire, une de ses priorités, parce que la ville de Muret a fait la preuve qu’elle sait nouer, avec les autres collectivités territoriales, les relations de partenariat que sa situation géographique rend indispensables, je n’imagine pas un instant que, le moment venu, ces projets puissent nous laisser indifférents. C’est bien cela qui nous réunit, ici et maintenant.