Texte intégral
Le Figaro : Dix-sept mois après la dissolution, où en est aujourd'hui le RPR ?
Nicolas Sarkozy : Il y a un an et demi, le mouvement était divisé, en perte d'identité, nombreux étaient ceux qui pariaient sur sa disparition, voire sur son éclatement. Aujourd'hui, son unité a été reconstruite, il joue un rôle essentiel dans l'opposition, les problèmes de communication entre le président de la République et le RPR ont été résolus. Chacun ayant désormais trouvé sa place et sa partition, l'efficacité de notre combat politique s'affirme un peu plus chaque jour. Tout n'est pas résolu. Je ne fais pas d'optimisme béat, mais je mesure l'étendue du chemin que nous avons parcouru. Cela va mieux, beaucoup mieux.
Le Figaro : Le RPR progresse-t-il ou bénéficie-t-il des divisions de ses adversaires et des difficultés du gouvernement ?
Nicolas Sarkozy : Encore une fois, je ne fais aucun triomphalisme. Quel que soit l'effet d'optique, je constate que le RPR se renforce. Notre intérêt est que nos partenaires de l'opposition en fassent autant, car nous ne gagnerons pas seuls. Je suis parfaitement conscient que la confusion qui règne dans le gouvernement et dans la majorité ne suffira pas. Il faut que l'opposition retrouve la confiance de ses électeurs. Pour cela nous devons tenir un discours décomplexé et sans outrance. Défendre nos idées sans nous préoccuper du « qu'en dira-t-on socialisant ». C'est ce que nous avons fait sur le PACS, sur les faux emplois Aubry dans la fonction publique, sur l'hérésie des 35 heures. Le temps des discours fades, mous, inodores et sans saveur est derrière nous.
Le Figaro : Comment le RPR peut-il se forger une identité s'il lui faut suivre les discours-programme du président de la République ?
Nicolas Sarkozy : Il n'y a aucune contradiction. Le RPR doit s'opposer, se rassembler, afin de retrouver l'électorat qui l'a quitté aux législatives de juin 1997. En cela, nous aidons le président de la République, auquel nous voulons redonner une majorité législative. Soutenir Jacques Chirac fait partie de notre premier devoir d'opposant. Nous sommes parfaitement conscients qu'il va nous falloir accélérer le calendrier de présentation de nos propositions. Nous avons commencé à le faire avec l'inconstitutionnalité de la rétroactivité fiscale, les allocations familiales à points dans les familles où existent des mineurs délinquants, la création de fonds de pension, le service minimum dans les services publics les jours de grève, la transformation du RMI en RMA – revenu minimum d'activité –, afin que le travail soit récompensé et privilégié.
Le Figaro : Ce discours « décomplexé » n'est-il pas, parfois, caricatural ?
Nicolas Sarkozy : La meilleur façon de ne pas être caricatural, c'est de se battre pour ses convictions. Le vrai risque de ringardisation, c'est le discours faussement consensuel. Que la droite fasse son travail et elle récupérera ses électeurs. Qu'elle défende ses idées et l'extrême droite sera rangée au rayon des accessoires définitivement délaissés.
Le Figaro : N'est-il pas risqué de vouloir mobiliser le RPR sur une élection européenne ?
Nicolas Sarkozy : Tout ce que nous avons entrepris avec Philippe Séguin depuis dix-sept mois était risqué. Tenir sur deux jours une convention sur l'Europe l'était. Cela s'est pourtant passé de la meilleure manière. Les élections européennes seront un rendez-vous difficile, mais j'ai la conviction que cela le sera moins pour nous que pour la majorité. Pour ces premières élections nationales depuis les législatives de 1997, notre ambition doit être de devancer largement la liste socialiste. Il nous faut mettre le maximum d'atouts de notre côté. L'union de l'opposition n'est pas le moindre de ces atouts.
Alors que la majorité s'apprête à se diviser, que le Front national implose, l'opposition a tout intérêt à faire entendre sa différence unitaire. Choisir cette stratégie est une opportunité que nous devons saisir.
Le Figaro : Les centristes rechignent à l'idée de suivre Philippe Séguin sur une liste unique de l'opposition…
Nicolas Sarkozy : Dans le contexte politique actuel, Philippe Séguin est la meilleure tête de liste possible pour l'opposition. L'idée européenne a progressé. Nombre de nos compatriotes qui avaient voté « non » à Maastricht – et c'était leur droit –, souhaitent maintenant, sept années plus tard, participer à l'aventure européenne. Que l'idée européenne rassemble aujourd'hui, alors qu'elle divisait il y a sept ans, devrait réjouir tous ceux qui croient sincèrement à l'Europe. Dans l'exercice des responsabilités gouvernementales, nous avons toujours été unis sur l'idée européenne. Ce n'est pas pour nous diviser dans l'opposition.
Le Figaro : La meilleure nouvelle pour l'opposition ne vient-elle pas du Front national, de ses divisions ?
Nicolas Sarkozy : C'est une bonne nouvelle pour l'opposition. Le comportement de Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret devrait convaincre tous ceux qui ne comprenaient pas pourquoi nous ne voulions pas d'accords avec ce parti. Sans parler des idées, le spectacle donné par la direction du FN, qui se dévore et s'assassine, condamne toute stratégie d'alliance. François Mitterrand et les socialistes sont honteusement exploité le Front national. Mais ayons le courage de reconnaître que le Front national est apparu parce que la droite avait pour partie renoncé idéologiquement. Le retour de la droite a diminué l'espace de l'extrême droite. Cet espace diminuant, ses dirigeants se sont entre-déchirés. Bien loin de nous exonérer de l'effort entrepris, la crise au Front national doit renforcer notre volonté de renouveler notre discours et de tenir nos engagements à l'endroit d'électeurs qui étaient les nôtres.
Le Figaro : Jugez-vous, comme certains élus de l'opposition, que Bruno Mégret est plus fréquentable que Jean-Marie Le Pen ?
Nicolas Sarkozy : Ne nous livrons pas à de subtils distinguos. Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret ont les mêmes convictions. Ils s'expriment de façon différente, mais dans le même registre. Ils ne s'opposent pas aujourd'hui sur des choix idéologiques. C'est une banale et violente querelle de pouvoir. Ne recommençons pas l'erreur de nous déterminer par rapport à nos adversaires. Préoccupons-nous de ce que nous avons à dire et des électeurs à convaincre. Pour le reste, laissons-les s'entre-déchirer.
Le Figaro : Envisagez-vous d'accueillir les militants, cadres et élus déçus du FN ? Y mettez-vous des conditions ?
Nicolas Sarkozy : N'allons pas plus vite que la musique. Si des électeurs ou des militants du FN souhaitent se détourner de cette formation pour nous rejoindre, nous les accepterons. Je parle des militants et sympathisants. Pour le reste, nous verrons l'évolution des choses. L'opposition doit poursuivre son travail de reconquête, loin de ce qui se passe au FN, qui est une caricature de démocratie.
Le Figaro : Quel candidat le RPR soutiendra-t-il à la prochaine élection du président de la région Rhône-Alpes ?
Nicolas Sarkozy : D'abord, ce qui se passe au FN signe l'échec de la stratégie Millon. Il nous expliquait qu'on pouvait travailler avec le FN. Le comportement de Mégret et Le Pen prouve le contraire. Notre stratégie est claire. Nous ne voulons pas que la gauche dirige la région Rhône-Alpes. Nous ne voulons pas d'une alliance, fût-elle tacite, avec le Front national. Dans l'union avec nos partenaires de l'Alliance pour la France, nous soutiendrons celui qui pourra le mieux remplir ces deux conditions.