Interview de M. Philippe Séguin, président du groupe RPR à l'Assemblée nationale, dans "La Lettre de la Nation magazine" du 20 juin 1997, sur sa candidature à la présidence du RPR et ses idées pour l'évolution du parti.

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Circonstance : Conseil national du RPR le 11 juin 1997. Assises extraordinaires le 6 juillet

Média : La Lettre de la Nation Magazine

Texte intégral

La Lettre de la Nation Magazine : Le 6 juillet, lors des assises extraordinaires de notre mouvement, vous serez candidat à sa présidence. Quel est le principal message que vous voudriez adresser aujourd’hui aux compagnons du Rassemblement ?

Philippe Séguin : Celui d’une exigence politique absolue : notre unité. Au-delà de la vie même de notre Rassemblement, l’enjeu est crucial pour les valeurs que nous défendons. Nous devons, en conséquence, nous organiser pour assurer, puis dépasser nos contradictions internes qui ne sont jamais que les contradictions de la société française tout entière. De notre diversité naîtrons ainsi les réponses les plus adéquates aux problèmes qui se pose à notre pays. Mais je le redis, cette unité n’aura de sens que si nous la vivons dans un mouvement réconcilié, rénové et ouvert.

La Lettre de la Nation Magazine : La défaite des élections législatives est un moment difficile pour le Mouvement. Comment lui redonner sa capacité à convaincre et à rassembler les Français ?

Philippe Séguin : Une défaite politique aussi sévère que celle que nous venons de subir est un moment difficile pour chacune et chacun d’entre nous. Mais là encore, il nous faut relever le défi de l’avenir et ne pas céder au découragement. Il nous appartient de réfléchir aux causes profondes de cet échec. Nous ne ferons pas l’économie d’une remise en question fondamentale. Notre capacité propre à nous ressourcer déterminera les chances d’une politique alternative suffisamment convaincante.

La Lettre de la Nation Magazine : L’ancienne majorité, qui a essuyé un échec sévère, est-elle en cause ?

Philippe Séguin : Non, bien évidemment ! Le message est limpide et clair : nos compatriotes ont exprimé avec force, jusque dans le vote pour le Front national ou par l’abstention, leur manque de confiance dans le système politique tout entier. Son incapacité à tracer de réelles perspectives donne aux Français le sentiment que les institutions tournent à vide, qu’elles n’ont plus de prise sur le réel.

Notre démocratie est à un tournant. Si nous n’y prenions garde, si nous n’agissons pas, il se pourrait bien qu’elle se retrouve définitivement dans l’impasse. L’avertissement du 1er juin nous invite à réagir au plus vite.

Ajouterai-je que cet avertissement ne s’adresse pas qu’à nous ? Nos adversaires ne semblent pourtant pas avoir compris qu’ils ont moins gagné que nous n’avons perdu…

La Lettre de la Nation Magazine : Alors, les gaullistes n’ont-ils pas le devoir d’être exemplaires ?

Philippe Séguin : Nous autres gaullistes avons vocation à ne pas baisser les bras devant l’épreuve. A rejeter le soi-disant fatalisme de toutes les décadences. Ainsi nous pouvons, en effet, être exemplaires. Cessons donc de perdre un temps précieux en de stériles et interminables querelles qui n’intéressent personne. Ne donnons surtout pas aux Français l’impression que notre Rassemblement est devenu un parti comme les autres, avec des règlements de comptes et des révolutions de palais… Si cette idée s’installait, elle nous serait fatale. Et les électeurs auraient tôt fait de nous le faire comprendre !

La Lettre de la Nation Magazine : Le mouvement gaulliste va entrer dans une nouvelle phase de son histoire. Comment va s’accomplir cette métamorphose ?

Philippe Séguin : La page que nous ouvrons ne sera ni la première, ni la dernière. Nous n’avons d’avenir qu’ensemble. Chaque compagnon doit apporter sa pierre à l’ouvrage et contribuer à la refondation du gaullisme. Je souhaite que nous sachions faire de notre mouvement le fer de lance du renouveau, le creuset d’une force politique démocratique, décentralisée, au sein de laquelle pourront se reconnaître, dialoguer, concourir toutes celles et tous ceux qui partagent avec nous la même idée de l’homme, la même passion de la France, les mêmes valeurs de la République.

La Lettre de la Nation Magazine : Vous dites que 1997 n’a pas effacé 1995. Comment allons-nous apporter notre soutien à l’action du président de la République, Jacques Chirac ?

Philippe Séguin : Les perspectives tracées en 1995 restent actuelles car elles correspondent plus que jamais aux besoins réels d’adaptation de notre pays. Il nous revient d’y rester fidèles.

Quelle que soit la légitimité du nouveau gouvernement, nous défendrons avec fermeté et constance la pleine étendue de toutes les prérogatives présidentielles. Aujourd’hui comme hier, notre rôle essentiel sera d’appuyer et de relayer les initiatives et interventions du président de la République. Car au-delà de l’affection et du respect que nous portons à Jacques Chirac et de l’espoir qu’il représente, le chef de l’État est pour nous le symbole vivant de la Ve République. Il assure le fonctionnement régulier de nos institutions. Il incarne cette République qui est le cœur de notre combat.

La Lettre de la Nation Magazine : Le RPR est la principale force politique de l’opposition. Comment celle-ci doit-elle, selon vous, exercer son rôle ?

Philippe Séguin : Sans ambiguïté. Notre opposition doit être forte, résolue, cohérente, structurée. C’est-à-dire capable de proposer aux Français une véritable alternative politique, un projet fort et cohérent.

Contrairement aux apparences, je n’exclus pas une cohabitation rude, peut-être même difficile. Il faudra donc se battre non seulement pour convaincre, mais aussi pour défendre opiniâtrement et sans relâche les intérêts vitaux de la France en Europe et dans le monde.

La Lettre de la Nation Magazine : Nous voulons tous que le Rassemblement redevienne la première force du pays. Cela n’implique-t-il pas l’existence, au sein de notre mouvement, d’un débat constant et vivant ?

Philippe Séguin : L’unité indispensable de notre mouvement n’exclut en rien sa formidable diversité qui est aussi notre principale richesse. Nous sommes forts de nos différences et unis sur l’essentiel. Notre mouvement a toujours été, tout au long de son histoire, et il le restera, un formidable rassemblement d’énergies.

En Europe, le temps des patries n’est pas fini ! Plus que jamais la France a besoin d’un mouvement gaulliste puissant et résolu qui ne transige pas avec son inspiration première. Car aucun mouvement politique ne connaît aussi bien que le nôtre le lien indissoluble qui unit le peuple de France à son Histoire.