Interview de M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à France-Inter le 29 août 1997, sur sa carrière, ses positions politiques et la situation du commerce extérieur français.

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Média : France Inter

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France Inter : Bientôt trois mois que vous êtes au gouvernement, comme tous les autres membres du gouvernement. Comme faites-vous pour qu’on ne parle jamais de vous ?

J. Dondoux : Eh bien, on ne parle jamais de moi à Paris, parce qu’on parle de moi en Rhône-Alpes et en Ardèche dont je suis l’élu.

France Inter : Vous êtes maire de Saint-Agrève ?

J. Dondoux : Je suis maire d’une grosse ville de 2 700 habitants, Saint-Agrève, à plus de 1 000 mètres.

France Inter : Mais comme secrétaire d’État, on n’a pas trop entendu parler de vous, pour l’heure ?

J. Dondoux : Mais pour le moment, c’est assez normal puisqu’on n’a publié les résultats du Commerce extérieur, depuis que je suis nommé, que hier. On a eu les résultats du mois de juin, je peux quand même difficilement parler d’une manière lyrique des résultats de mon prédécesseur, M. Galland.

France Inter : Vous avez choisi le profil bas quand même, apparemment ?

J. Dondoux : J’ai choisi le profil bas. Mais je peux, la situation est bonne.

France Inter : C’est l’occasion en tout cas ce matin de faire connaissance, on va parler un petit peu plus tard des bons chiffres effectivement du Commerce extérieur. Qui êtes-vous, J. Dondoux ?

J. Dondoux : Je suis un fonctionnaire qui a fait toute sa carrière aux PTT et plus exactement à France Télécom où j’ai fait le cursus complet, depuis ingénieur de recherches pendant 18 ans jusqu’à patron des télécommunications françaises. Cela a été sans doute le plus beau moment de ma vie.

France Inter : Vous arborez d’ailleurs ce matin une magnifique cravate avec le sigle des PTT ?

J. Dondoux : De La Poste.

France Inter : C’est un cadeau ?

J. Dondoux : La Poste est un service qui fonctionne bien et qui ne coûte rien au porte-monnaie et au fisc. Je crois que c’est quand même important de dire qu’il y a des grands services qui marchent bien.

France Inter : Vous avez 65 ans, bientôt 66, vous avez effectué donc l’essentiel…

J. Dondoux : Mais ne me vieillissez pas, je n’en ai que 65 !

France Inter : Bientôt 66 ! Vous avez effectué l’essentiel de votre carrière dans les télécommunications, comment avez-vous atterri dans un ministère de la gauche plurielle ?

J. Dondoux : Je suis, disons, un homme qui aime le service public et en même temps l’efficacité. Donc, je suis forcément proche de la gauche et je suis dans la gauche plurielle parce que c’est très difficile d’être d’un parti politique et, dans la gauche plurielle, on admet les gens comme moi qui sont divers-gauche, qui aiment la gauche, qui sont fidèles à la gauche mais qui ne veulent pas être encartés.

France Inter : Vous n’êtes pas au Parti socialiste d’ailleurs, vous êtes radical.

J. Dondoux : Je suis radical.

France Inter : C’est une nouvelle curiosité en ce qui vous concerne. Pourquoi est-ce qu’on choisit le parti radical socialiste ?

J. Dondoux : Je suis radical parce que les radicaux ont bien voulu me donner l’investiture aux dernières élections législatives et comme ils m’ont donné l’investiture et que les socialistes ont été d’accord, je me suis présenté. D’ailleurs, j’ai quand même fait une petite performance. Le Nord-Ardèche était une circonscription qui, depuis 1924, n’avait jamais eu de divers-gauche comme représentant. Alors, de 1924 à 1997, cela fait quand même 73 ans pendant lesquels ils ont eu toujours un représentant de droite, même au moment du Front populaire, même dans les grandes poussées à gauche. Et ils m’ont élu. Et ils m’ont élu pour une raison, je le dis quand même : c’est parce que j’ai fait un discours peu politique et j’ai dit : il faut faire des nouvelles technologies.

France Inter : Et ça, ce n’est pas politique comme discours ?

J. Dondoux : Non. Je crois que c’est apolitique et on le voit bien aux États-Unis où les démocrates ont proposé de faire des nouvelles technologies, les républicains ont dit non et maintenant eux-mêmes se mettent à faire un effort étatique en faveur des nouvelles technologies, de manière à ce que la société américaine soit compétitive.

France Inter : Pour être tout à fait honnête, on a quand même parlé de vous en début de semaine car vous avez activement participé à la création en France du Minitel lorsque vous étiez directeur général des télécommunications. Sauf que si l’on a rappelé cette paternité, c’est parce que Lionel Jospin a dit en substance qu’il fallait remplacer le Minitel par Internet, pas de chance ?

J. Dondoux : Je ne pense pas que M. Jospin – j’ai lu son discours, il a été préparé par un ami, J.-N. Tronc – ait dit qu’il fallait le remplacer. Il a dit qu’il fallait faire évoluer le Minitel vers Internet, ce qui est assez différent. Je crois qu’il y a un avantage considérable dans le Minitel actuellement, c’est qu’il y a un dispositif, dont je suis le père, qui s’appelle le kiosque, qui permet de rémunérer celui qui fournit l’information. Je crois qu’on ne peut pas rester dans des systèmes dans lesquels l’information est complètement gratuite. Cela veut dire qu’elle sera à ce moment-là, payée par la publicité ou par d’autres moyens mais ça n’est pas complètement sain. Il faut que, quand on achète de l’information comme quand on achète un kilo de pêches, on paie.

France Inter : Ce n’est pas un peu vexant quand même d’être au gouvernement sans que l’on parle de vous ? Il n’y a pas une pression de votre famille, de vos amis : alors, on ne t’entend jamais ?

J. Dondoux : Non, du tout. Non, parce que j’ai quand même été à la tête des télécoms et on parlait de moi, on disait même – je crois que c’est faux – que j’étais un des fonctionnaires les plus puissants de France. Et je deviens pénible quand j’ai le sentiment que je suis important. Donc, pour le moment, la famille est très contente que je n’ai pas évolué mal.

France Inter : On va quand même parler de votre secteur, le commerce extérieur. C’est la grande forme. Au premier semestre 97, un excédent record de près de 19 milliards de francs.

J. Dondoux : Au mois de juin, c’est le plus gros excédent qu’il y ait eu et il est essentiellement dû à la progression de nos exportations. Je crois que l’économie française va bien. Nous exportons dans le domaine agricole bien sûr, mais nous exportons aussi magnifiquement dans le domaine de l’automobile. Je suis un peu surpris : en France, les voitures se vendent mal alors qu’elles se vendent très bien dans le reste de l’Europe. Ce qui montre que nous avons d’excellents produits.

France Inter : Pourquoi ne se vendent-elles pas en France ?

J. Dondoux : Parce qu’il y a une inquiétude. Il y a eu un passage à gauche qui traduisait l’inquiétude des Français et je crois qu’il est important que le gouvernement actuel travaille avec réflexion – c’est ce qu’on essaie de faire aussi bien dans le commerce extérieur qu’ailleurs – et qu’il y ait une relance de la consommation. Car, ce qui est ennuyeux dans la situation de notre commerce extérieur, c’est que si les exportations progressent bien – elles progressent quand même de manière considérable puisqu’on exporte 10 % de plus que l’année passée, au premier semestre 97 part rapport au premier semestre 96…

France Inter : Il y a quand même eu 10 Airbus de vendus, ce qui dope le résultat.

J. Dondoux : Oui, mais il y a pas mal de matériel américain dans les Airbus. Je crois qu’il faut quand même rééquilibrer. Donc, on vend des Airbus mais on vend aussi d’autres choses. Nous avons une progression des gens qui font de l’électronique professionnelle, du matériel électrique, des produits pharmaceutiques. L’effort que je souhaite mener c’est que, fondamentalement, nous soyons comme en Padanie. Vous savez qu’en Padanie, deux entreprises sur trois exportent ; qu’elles aient cinq employés ou qu’elles en aient cinq cents, elles exportent toutes. Je crois que le problème de la France, c’est qu’on aille non pas seulement vers des exportations de grands producteurs automobiles ou autres mais il faut que toutes les PME et PMI de France soient dans des conditions fiscales, dans des conditions techniques où elles ont le goût d’exporter.

France Inter : Il y a un petit bémol que vous avez-vous-même souligner avant que je ne vous interrompe, c’est que les importations continuent à fléchir et ça n’est pas un très bon signe de la demande intérieure.

J. Dondoux : Ce n’est pas bon, surtout qu’avec l’appréciation du dollar – qui est revenu à la parité des pouvoirs d’achat – nous avons un déficit énergétique qui est montée. Malgré cette augmentation de nos achats d’énergie, il y a infléchissement des importations. Ce n’est pas bon !

France Inter : Vous êtes sous la tutelle directe de D. Strauss-Kahn. Est-ce que cela se passe bien ?

J. Dondoux : Cela se passe très bien. Moi, je trouve que M. Strauss-Kahn est un ministre extrêmement intelligent. En plus, vous avez dit que j’étais dans la mouvance des radicaux-socialistes, je pense que D. Strauss-Kahn n’est pas complètement loin de cette conception.

France Inter : Sans le savoir, alors.

J. Dondoux : Oh, je crois qu’il le sait, finalement. C’est quelqu’un qui est soucieux d’une économie de liberté mais en même temps d’une économie solidaire. Je crois que c’est ce qui caractérise la gauche modérée.

France Inter : Vous parlez bien, je ne comprends pas qu’on ne vous invite pas plus souvent sur les médias.

J. Dondoux : Je ne vous empêche pas de m’inviter à nouveau, même quand il y a un pépin.

France Inter : Vous avez un plan médias pour les prochains mois, Monsieur le secrétaire d’État ?

J. Dondoux : Il y a un plan médias. Nous allons faire un effort. Ce soir, il y a M. Lebranchu au Téléphone sonne. Avec M. Lebranchu, qui est chargée des PME et qui est du Finistère, comme moi qui suis chargé des exportations et qui veut pousser les efforts des PME, nous allons nous efforcer, déjà, de sensibiliser nos deux départements à cette mission qui est de rejoindre la Padanie.

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