Article de M. Bernard Stasi, vice-président de Force démocrate, dans "Le Figaro" du 6 mai 1997, sur la responsabilité des troupes de Laurent-Désiré Kabila dans l'extermination de réfugiés rwandais au Zaïre et sur "l'attitude irresponsable des grandes puissances" notamment des États-Unis et l'Union européenne face aux crises internationales, intitulé "Les responsabilités de l'Europe".

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Les accusations des organisations humanitaires ne sont plus aujourd’hui contestées par personne : le chef des rebelles zaïrois est directement responsable de l’extermination, au cours des dernières semaines, de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés rwandais.

Cela dit, en dénonçant aujourd’hui les crimes commis par les forces armées de Kabila, les pays européens et les États-Unis ne doivent pas s’exonérer à bon compte de leurs propres responsabilités dans ce drame.

En novembre 1996, la France et la Belgique avaient réussi à convaincre leurs partenaires de l’union et les États-Unis de la nécessité d’envoyer au Zaïre une force d’intervention internationale, destinée à secourir et à protéger les centaines de milliers de réfugiés qui avaient dû quitter leurs camps, à la suite de l’offensive des troupes de Kabila. Et l’ONU avait accepté d’accorder son patronage à cette opération. Quelques jours après avoir donné leur accord, les États-Unis, alléguant des informations qui se révélèrent par la suite fantaisistes, selon lesquelles tous les réfugiés étaient, soit en lieu sûr, soit de retour dans leur foyer rwandais, décidèrent de renoncer à toute intervention.

Bien entendu, suivant leur fâcheuse habitude, les pays européens s’alignèrent aussitôt sur la position américaine, malgré les cris d’alarme et les protestations indignées de la commissaire européenne Emma Bonino et des organisations humanitaires.

Et comme, s’agissant du Zaïre, il est difficile à la France d’agir seule, les soldats de Kabila purent se livrer, sans être dérangés par quiconque, à l’extermination de tous les malheureux qui encombraient les routes et freinaient leur marche en avant.

On commence à découvrir, aujourd’hui, les tragiques conséquences de l’attitude irresponsable des grandes puissances.

Le Zaïre, après la Yougoslavie

Après les tergiversations et les lâchetés européennes en ex-Yougoslavie, la crise du Zaïre vient de témoigner, une fois de plus, que l’Union européenne est encore bien loin d’être une puissance majeure, déterminée à s’imposer sur la scène internationale, autrement qu’à la remorque des États-Unis.

Au moment où, dans la campagne électorale française, le débat européen se limite trop souvent au problème de la monnaie unique, il faut rappeler à nos concitoyens que l’Europe que nous voulons construire doit être aussi, doit être surtout, une Europe politique  c’est-à-dire, une communauté de pays unis par des valeurs communes et décidés à agir ensemble, dans le monde, pour les défendre.

C’est cette Europe-là que le Président Jacques Chirac appelait de ses vœux dans la déclaration par laquelle, le 21 avril dernier, il annonçait sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale.

Renforcés par un succès lors des législatives, et assurés de la durée, le président et le gouvernement français disposeraient alors de l’autorité nécessaire pour entraîner l’Union européenne dans cette voie.

Donner à la France les moyens d’accomplir sa mission d’inspiratrice de l’Union européenne, au moment où celle-ci doit tout à la fois réformer ses institutions, se préparer à accueillir une dizaine de nouveaux membres et s’affirmer davantage dans le monde, tel est un des enjeux essentiels de la consultation électorale en cours.

Les tragiques événements du Zaïre nous interdisent de l’oublier.