Texte intégral
RFI : La France reconnaît-elle la République démocratique du Congo ?
Hervé de Charrette : Vous savez, la France a une attitude qui est tout à fait permanente. Nous reconnaissons les États. Nous ne reconnaissons pas les gouvernements. Il y a eu un changement de pouvoir à Kinshasa, très bien, nous en prenons acte. Il va de soi que la France continue à dialoguer avec les autorités de Kinshasa, quelles qu’elles soient.
RFI : Deux Français ont été assassinés à Kinshasa. Où en est l’enquête ? Selon vous, s’agit-il d’un acte crapuleux ou d’un règlement de comptes à caractère politique ?
Hervé de Charrette : Il est difficile de prendre position en réponse à votre question tant que l’on n’a pas tous les éléments d’information, mais l’impression qui prévaut aujourd’hui est qu’il ne s’agit pas d’un acte dirigé spécifiquement contre la communauté française.
RFI : La communauté française n’est pas menacée ?
Hervé de Charrette : Il semble qu’en tout cas, les conditions de la sécurité à Kinshasa soient en train de s’améliorer, que l’atmosphère se détende, mais nous avons, bien entendu, fait savoir aux autorités de Kinshasa qu’elles sont responsables de la sécurité des ressortissants étrangers qui résident sur place.
RFI : Pourtant, la France a décidé de maintenir son dispositif militaire à Brazzaville. Estimez-vous que la situation à Kinshasa n’est pas totalement stabilisée ?
Hervé de Charrette : Je ne porte pas de jugement à cet égard, simplement, en effet, nous n’avons pas encore pris de décision de retrait.
RFI : Un haut fonctionnaire du Quai d’Orsay est attendu à Kinshasa, quelle est sa mission exacte ?
Hervé de Charrette : Sa mission est de rencontrer les représentants de la communauté française, d’apprécier la situation qui prévaut en ce qui concerne cette communauté, je pense qu’il aura aussi l’occasion de parler avec les autorités de Kinshasa.
RFI : Depuis quelques jours, on sent un certain embarras à Paris à l’égard de Laurent-Désiré Kabila. Qu’en est-il ? Estimez-vous que monsieur Kabila n’est pas l’homme de la situation ?
Hervé de Charrette : Non, ne posez pas de questions comme celle-ci. Je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous parlez d’embarras. Nous avons soutenu pendant la période précédente le plan de paix adopté par le Conseil de sécurité, comme il va de soi, puisque c’est une résolution du Conseil de sécurité. Le fait est que les choses se sont passés autrement, nous en avons pris acte et je le répète, nous souhaitons aujourd’hui pouvoir dialoguer avec les nouvelles autorités. Nous avons, à cette occasion, rappelé ce que sont les préoccupations de la France. D’abord, concernant la sécurité de nos ressortissants, ensuite, concernant la nécessité que le processus démocratique permette aux Zaïrois de choisir eux-mêmes leurs dirigeants ; nous pensons que des élections doivent avoir lieu le plus vite possible sous le contrôle des institutions internationales, enfin, s’agissant de la situation dramatique des réfugiés dont vous savez que, hélas, beaucoup ont été victimes de cette période tragique. En dépit des appels français réitérés à de nombreuses reprises, je constate que nous n’avons pas été entendus, je crois que maintenant le temps est venu, à la fois d’enquêter sur les faits et de permettre aux organisations internationales d’être présentes sur place et de porter secours enfin à ces malheureux. Je vous rappelle que plusieurs dizaines de milliers, probablement plusieurs centaines de milliers de personnes, ont été victimes de cette tragédie dans des conditions épouvantables. Nous allons parler de tout cela avec nos partenaires de l’Union européenne et naturellement, probablement le moment venu, avec les autorités de Kinshasa. Je vous le répète, la France souhaite que, dans les meilleurs délais, les institutions démocratiques se mettent en place à Kinshasa.
RFI : Sur la formation du gouvernement, le principal opposant civile, monsieur Tshisekedi ne fait pas partie de la nouvelle équipe, cela répond-il aux vœux de Paris d’un gouvernement de large union ? Ou estimez-vous que c’est un gouvernement trop resserré ?
Hervé de Charrette : Vous savez qu’il n’appartient pas au gouvernement français de s’ingérer dans les conditions de la vie politique interne de quelque pays que ce soit. Pour autant, la communauté internationale, et pas seulement la France, a souhaité que soient créées les conditions d’un véritable rassemblement de l’ensemble des forces politiques à Kinshasa. J’espère que tout cela se mettra en place. À l’heure actuelle, en tout cas, nous n’avons connaissance que d’un gouvernement qui serait formé et qui n’est que partiel. Nous verrons bien la suite des événements.