Texte intégral
En annonçant qu'il veut absolument limiter à 3 % le déficit budgétaire en 1997 et ce pour répondre aux critères de Maastricht, le gouvernement annonce 60 milliards de francs d'économies en 1997.
Parallèlement, on nous explique que la réduction des déficits n'est pas seulement une exigence européenne, mais une contrainte nationale de bonne gestion.
Ainsi, la dette publique serait insupportable, tant dans son montant global que dans ses remboursements annuels. Et de la comparer à une famille.
De quoi parle-t-on ?
En 1996, le Produit intérieur brut de la France (PIB-les richesses produites) atteindra 8 400 milliards de francs (selon les prévisions).
L'endettement global s'élève quant à lui à 3 500 milliards.
Les remboursements de la dette s'élèveront, quant à eux, à 226 milliards de francs sur un budget de l'État de 1 640 milliards.
Tout cela est-il vraiment insupportable, comme on tend à nous le faire croire ?
La réponse n'est pas démonstrative.
D'abord, rapporté à une famille, cela correspond à des charges de remboursement de 840 francs, sur un salaire de 6 000 francs !
Si tous les ménages dans ce cas étaient considérés comme surendettés, ils seraient majoritaires.
Ensuite, peut-on comparer le budget d'une famille au budget de l'État, ni aux richesses produites (le PIB). La France, dont on vante le 4e rang mondial, serait-elle proche du dépôt de bilan ? Le patrimoine de la France est-il convertible en monnaie, que vaut alors la création artistique, la langue française, notre histoire…
Tout cela n'est ni sérieux, ni honnête, il s'agit de conditionnement. D'ailleurs, la France arrive encore à emprunter sur les marchés internationaux, sans problème apparent, les contraintes de l'Europe en la matière autorisant 60 % d'endettement public par rapport au PIB.
Enfin, si la charge des remboursements augmente, c'est avant tout parce que les taux d'intérêt sont élevés et que la croissance économique est faible, c'est la conséquence de la politique économique restrictive.
Car si la croissance était plus forte, ainsi que la consommation, les recettes fiscales rentreraient mieux et la charge des remboursements diminuerait.
Tout le discours sur la dette relève du conditionnement psychologique, de la méthode Coué.
Il vise surtout à justifier la politique économique mise en œuvre ainsi que les réformes annoncées.
Ce fut le cas avec la Sécurité sociale, c'est encore le cas avec les pistes envisagées pour la réforme de l'État.
Là encore, l'histoire de la dette sert à justifier la mise en place d'un État minimal, soumis au « libre jeu des forces du marché ». C'est l'application en France de la méthode Thatcher au Royaume-Uni dans les années 80.
Au travers d'un glissement du service public sur le service universel, de l'association du privé à la gestion du service public, c'est l'égalité de traitement des citoyens et usagers sur l'ensemble du territoire qui est profondément remise en cause.
La réforme de l'État n'est pas uniquement un problème de statut des personnels : c'est aussi la remise en cause des fondements et principes républicains, du « pacte » qui relie entre eux les citoyens.
On ne joue pas sans danger avec les principes républicains.
C'est d'ailleurs pourquoi la dernière Commission exécutive confédérale a appelé ses syndicats de la fonction publique, du secteur public et nationalisé et du secteur privé à se mobiliser si le gouvernement maintenait ses orientations.
Le vrai problème de la dette n'est pas financier, c'est celui d'une dette des pouvoirs publics vis-à-vis des principes républicains.