Texte intégral
Réponse du ministre de la défense à une question orale de M. Martin Malvy, député du Lot
ATF
Q. : Monsieur le ministre de la défense, vous faites confiance au marché pour commander les appareils de l’armée. Personne ne peut comprendre que, quarante-huit heures après l’annonce par le président de la République d’une réforme de notre défense, on puisse annoncer que la France ne participera pas au programme de développement de l’avion de transport futur.
Au mois de juin dernier, un haut responsable de la défense aérienne française déclarait qu’il faudrait ou soixante-deux appareils de transport futur européen, ou cent-vingt Hercule américain et qu’en plus, nous devrions louer de grands transporteurs. L’Europe a mal réagi. Votre homologue allemand a d’ailleurs vivement critiqué, dans un article paru dans le magazine « Der Spiegel » la position de la France, l’incohérence des annonces françaises qui ne prenaient pas en compte la position européenne.
Pensez-vous que l’industrie aéronautique française, qui peut créer 7 000 emplois, et que l’industrie aéronautique européenne, qui peut en créer 30 000 dans les années qui viennent, puissent développer le programme de l’avion de transport futur, appareil réclamé par l’armée française ainsi que par les armées européennes – il s’agirait de 360 avions pour ce qui concerne ces dernières –, si la France ne participe pas au financement des premières études et au lancement dudit programme ?
R. : Monsieur le député, l’armée française a quatre missions : la dissuasion, la prévention, la protection et la projection. Il est bien évident que, pour pouvoir assurer sa mission de projection, l’armée française a besoin d’une capacité aérienne comparable à celle qu’elle a aujourd’hui. Il n’empêche que les capacités budgétaires de la France ne permettent pas d’inscrire une ligne budgétaire de 6 milliards de francs pour les années 1997-2002 sans avoir une double assurance :
Première assurance : le prix de l’avion de transport futur devra baisser de manière significative. Cela nous paraît possible si l’ATF est construit dans un cadre européen et d’une manière concertée entre toutes les industries aéronautiques européennes. C’est la raison pour laquelle la France met tout en œuvre pour favoriser la constitution d’un pôle français qui fera partie d’un groupe européen de l’aéronautique.
Seconde assurance : il faut partir des conditions de fabrication des avions civils actuels pour pouvoir mettre en œuvre un avion militaire, ce qui nous permettra de dégager des économies quant au développement et à l’industrialisation.
Je réaffirme une nouvelle fois que nous souhaitons acheter européen mais nous souhaitons aussi qu’au préalable, les industriels et les gouvernements tiennent compte des deux points que je viens d’évoquer, étant, bien entendu, que l’ATF n’est pas un programme européen et que nous n’avons remis en cause aucun programme européen, ni aucun programme franco-allemand.
Réponse du ministre de la défense à une question orale de M. Gilbert Baumet, député du Gard (5 mars 1996, Assemblée nationale)
Cogema (démantèlement de l’usine de Pierrelatte)
Q. : Le président de la République a annoncé dernièrement les nouvelles orientations qu’il souhaitait donner à la défense nationale. Parmi celles-ci, il a confirmé l’arrêt de l’activité de l’usine d’enrichissement COGEMA de Pierrelatte. Les 1 000 salariés qui travaillent actuellement sur ce site sont très inquiets pour leur avenir, car il semblerait qu’un emploi sur deux soit directement menacé.
La décision d’arrêt ayant été prise, il s’agit, aujourd’hui, de savoir dans quelles conditions va s’opérer le démantèlement de l’usine. Bien entendu, la solution favorable à l’emploi des salariés de cette entreprise consisterait à permettre à la COGEMA, et à elle seule, de réaliser ce démantèlement qui occuperait alors environ 500 salariés. Encore faudrait-il que la décision de démanteler soit prise très vite et qu’elle suive sans délai l’arrêt définitif de l’activité de l’usine. Dans le cas contraire, les répercussions sur l’économie de notre région et sur l’emploi seraient très graves. De plus, nous verrions surgir des conflits sociaux que nous aurions tous du mal à maîtriser.
Monsieur le ministre, quelle direction souhaitez-vous emprunter pour trouver une solution à ce problème très important pour la vie économique et l’emploi dans notre région ?
R. : Monsieur le député, comme vous l’avez rappelé, le président de la République a décidé la fermeture de l’usine d’enrichissement d’uranium de Pierrelatte. Une fois cette décision prise, il convient de répondre aux questions que se posent nos concitoyens, et je vais le faire d’une manière aussi claire que possible :
Première question : pourquoi fermer Pierrelatte ? Cette usine avait pour objectif d’enrichir l’uranium et de produire les matières fissiles nécessaires à notre force de dissuasion. Or, nous détenons aujourd’hui des stocks de matières fissiles suffisantes pour les cinquante ans à venir et nous savons recycler les matières utilisées dans les armes qui pourraient être démantelées, ce qui nous permettra de poursuivre l’équipement de notre force de dissuasion au-delà de cette période de cinquante ans. Nous pouvons donc répondre à cette première question.
Deuxième question : savons-nous démanteler une installation nucléaire ? Je réponds oui, trois fois oui. C’est très important car il faut savoir que la France dispose des équipes de cadres, de techniciens et d’ouvriers les mieux préparés à cette tache en Europe, sinon au monde.
Troisième question : la fermeture de l’usine de Pierrelatte va-t-elle provoquer des licenciements ? Non, car les salariés qui y travaillent aujourd’hui verront leurs compétences utilisées et seront parallèlement réorientés vers d’autres activités.
Q. : Combien ça va coûter ?
R. : Vous l’avez bien compris, Monsieur le député, une page de la construction de notre force de dissuasion est aujourd’hui tournée. Le président de la République l’a rappelé : Albion, Mururoa, Fangataufa, Pierrelatte, sont des sites qui ont marqué notre histoire. Aujourd’hui, il est nécessaire de passer à une nouvelle étape. Nous le ferons en respectant les personnels qui ont aussi bien participé à la construction de notre force de dissuasion.
Réponse du ministre de la défense à une question orale de M. Grégoire Carneiro, député de Haute-Garonne (5 mars 1996, Assemblée nationale)
ATF
Q. : Ma question s’adresse au ministre de la défense, et mes collègues députés de Toulouse s’y associent. La presse a fait état de rumeurs concernant le retrait de la France du développement de l’avion-cargo militaire européen, l’ATF-FLA. Cette annonce a été une surprise pour les industriels européens de l’aéronautique, mais également pour les Toulousains, que je représente. Si cet appareil est construit, il donnera à l’industrie européenne les moyens d’être présente sur le marché mondial des gros porteurs. Sur le plan de l’emploi, le programme ATF représente, avec 300 avions à l’horizon 2015, 35 000 emplois pour les partenaires européens, 7 000 pour la France, dont 4 000 pour le Nord toulousain. Les crédits de développement se situent à hauteur de 7 milliards de francs ; motorisation comprise, d’ici à 2005.
Si l’État décidait de ne pas financer la phase de développement, le projet serait donc compromis. Pourtant l’enjeu stratégique, économique et social d’un tel projet est considérable, non seulement pour ma région, mais aussi pour la France et pour l’Europe. Il convient donc d’engager très rapidement une discussion avec les industriels et les gouvernants européens partenaires pour définir les modalités de participation de chacun. Quelle est l’intention de la France pour soutenir la réalisation de cet avion gros porteur ?
R. : Monsieur le député, l’armée, dont une des missions prioritaires est de se projeter là où les situations de crise l’appellent, a besoin de moyens de transport adaptés, chacun en convient. L’avion de transport futur fait partie de ces moyens, et c’est pourquoi, il n’a jamais été question d’abandonner cette capacité européenne, même s’il faut redéfinir les modalités financières de son acquisition.
L’objectif fixé par le président de la République pour le modèle d’armée future est de disposer, malgré une réduction d’environ un tiers du format, d’une capacité de transport aérien comparable à celle dont la France dispose aujourd’hui. C’est pourquoi, les solutions envisagées initialement doivent être révisées. En effet, elles prévoyaient une participation de la France à hauteur de 40 milliards de francs, dont six milliards entre 1997 et 2002. Le financement par l’État de la totalité du développement de l’appareil n’est pas compatible avec la situation budgétaire de notre pays. Il nous faut donc rechercher de nouvelles modalités de réalisation d’un programme européen d’avion de transport futur.
Je retiens avec beaucoup d’intérêt votre proposition visant à engager des négociations entre les différents partenaires du programme. C’est la démarche que le gouvernement entend engager. Il nous faut, en effet, rapprocher les conditions de fabrication des appareils civils avec celles de production des appareils militaires. Cela suppose des concessions et des engagements de la part de tous les intervenants, qu’il s’agisse des gouvernements ou des entreprises.
L’industrie aéronautique française a réussi à se hisser au plus haut des niveaux durant ces quarante dernières années. L’ambition du gouvernement, comme la volonté du président de la République, est de voir se constituer en Europe un pôle fédérateur de l’industrie aéronautique. La première manifestation de cette volonté réside dans les décisions prises, il y a maintenant quinze jours, pour favoriser le rapprochement entre Dassault et Aérospatiale.
Je suis convaincu, Monsieur le député, que nous parviendrons à construire un avion européen de transport futur et que, dès lors, les conditions seront définies pour que la France puisse acquérir ce type d’appareil.
Réponse du ministre de la défense à une question orale de M. René Chabot, député de l’Indre (7 mars 1996, Assemblée nationale)
Gendarmerie nationale (transfert du service de l’information et de la diffusion à Limoges)
Q. : Je voudrais appeler votre attention sur votre décision de transférer à Limoges le service de l’information et de la diffusion générale de la gendarmerie, actuellement située à Rosny-sous-Bois. En effet, le gouvernement précédent avait décidé de transférer ce service au Blanc, dans l’Indre, lors du comité interministériel du 20 septembre 1994. Je tiens d’ailleurs à votre disposition, la lettre cosignée par M. Charles Pasqua et M. Daniel Hoeffel.
Cette décision avait été présentée comme génératrice d’économies pour l’État, puisque le regroupement de ce service au sein du centre administratif de la gendarmerie nationale installé au Blanc évitait de nombreux échanges coûteux. Je ne comprends pas cette discontinuité de l’État qui fait qu’un gouvernement puisse remettre en cause une décision arrêtée par ses prédécesseurs au sein d’une instance interministérielle, alors que le ministre me l’avait notifiée et qu’elle a été publiée.
En outre, il s’agit là d’une décision contraire à l’esprit de la loi d’orientation pour l’aménagement du territoire, confortée par les mesures annoncées récemment et qui font état du classement de toute la circonscription Le Blanc-Valençay en zone de revitalisation rurale.
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir reconsidérer votre position sur cette affaire, afin de redonner aux habitants du Blanc et de sa région, la sérénité sur l’avenir du CAGN. Dans le déficit de confiance actuel, le moindre grain de sable dans les rouages fait redouter le pire. Le bruit court –certainement alimenté par l’opposition, je suppose – que cela pourrait bien cacher un démantèlement de l’existant.
R. : Monsieur le député, comme vous l’avez fort justement rappelé, le transfert au Blanc, à l’horizon 2000 du service de diffusion générale de la gendarmerie nationale avait été décidé lors du comité interministériel d’aménagement du territoire, réuni à Troyes, le 20 septembre 1994.
Les restructurations entreprises dans les armées ont offert l’opportunité d’installer ce service dans des conditions financières plus avantageuses pour la nation et pour la défense en réutilisant des structures existantes sur la base aérienne de Romanet, à Limoges.
Mais il n’est pas question de revenir sur l’engagement pris à l’égard du Blanc. C’est la raison pour laquelle, afin de respecter les engagements de l’État, je vous annonce le transfert, toujours à l’horizon 2000, du laboratoire photographique central de la gendarmerie, actuellement installé à Rosny-sous-Bois. Ses effectifs sont sensiblement équivalents à ceux de l’organisme initialement prévu pour Le Blanc.
Tels sont les éléments que je tenais à vous communiquer. Je suis convaincu que cela répondra à l’attente de votre collègue Forissier, de vous-même et de la population qui souhaite la revitalisation du tissu de la commune du Blanc. Je tiens enfin à préciser, pour les élus de Rosny-sous-Bois, que l’effectif de 1 200 personnes employées actuellement par la gendarmerie n’est pas appelé à diminuer, en dépit du départ annoncé du laboratoire photographique dont je viens de parler.
Entretien du ministre des affaires étrangères avec « France 2 » (Extraits) (7 mars 1996, Jérusalem)
Relations franco-israéliennes
Q. : Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous êtes depuis quelques heures en Israël, vous venez de rencontrer Monsieur Peres, de quel message êtes-vous porteur ?
R. : D’abord, je suis venu, en effet, en Israël, accompagné de parlementaires de l’assemblée et du Sénat pour apporter un message de solidarité, d’amitié, de fraternité, avec le peuple d’Israël qui se trouve à un moment extraordinairement difficile, déjà perclus d’épreuves, avec une épreuve nouvelle qui est évidemment très lourde.
C’est d’abord cela que je suis venu faire et en même temps, proposer aux Israéliens et aussi aux Palestiniens, d’aider les uns et les autres à renforcer dans toute la mesure du possible l’efficacité de la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes. La France sait ce que c’est que le terrorisme, c’est pourquoi elle est, depuis toujours, résolue à lutter contre lui et prête à travailler avec ceux qui, aujourd’hui, doivent y faire face.
Q. : Qu’est-ce que Monsieur Shimon Peres demande de précis à la France, est-ce que, sur tel ou tel point, il attend quelque chose de plus de nous ?
R. : Nous avons parlé de questions techniques, j’allais dire professionnelles, dans les domaines de la sécurité et naturellement, je lui ai promis que les moyens nécessaires où la coordination entre les services pouvait être renforcée – elle existe – seraient renforcés. Je ferai de même dans moins de deux heures auprès de Yasser Arafat. Je crois qu’au point où nous en sommes, ce qui est important, c’est de faire en sorte que le processus de paix, même s’il est interrompu pendant quelques semaines parce qu’on est entré dans une période législative en Israël et que, par conséquent, de grandes décisions ne peuvent pas se prendre, que ce processus ne soit pas menacé, alors que de toute évidence, la situation est ressentie comme très grave par le peuple israélien et par tout le monde.