Interviews de M. Brice lalonde, président de Génération écologie, dans "Le Figaro" des 4 et 14 août 1997, sur la réorganisation de la droite, les relations entre le RPR et l'UDF, et l'arrêt de Superphénix.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

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LE FIGARO : 4 août 1997

Le Figaro : Faut-il fermer Superphénix ?

Brice Lalonde : A-t-on décidé de « fermer » Superphénix, comme le dit Dominique Voynet, ou « d’abandonner » le principe des surgénérateurs, comme semble le vouloir Lionel Jospin ? Si on arrête Superphénix, je le pleurerai d’autant moins que sa transformation en réacteur de recherche pour éliminer le plutonium n’avançait guère. Mais il faut réfléchir à la meilleure façon de s’en séparer, sans perdre d’informations, sans mettre brutalement des milliers de personnes au chômage, sans créer de risques par son remplacement par Phénix.

Le Figaro : Phénix vous semble plus dangereux que Superphénix ?

Brice Lalonde : Il m’inquiète beaucoup plus. Il risque de devenir le vrai problème de la sécurité nucléaire en France. Son confinement est moindre, son âge dépasse déjà sa durée de vie prévue, son cœur est affaibli par un système de fixation particulier, il a subi en 1989 et 1990 des variations de réactivité que l’on n’a jamais pu expliquer.

Le Figaro : Avez-vous moins peur des réactions classiques ?

Brice Lalonde : Mieux vaut un troupeau paisible de réacteurs éprouvés délivrant sans interruption leur électricité que des prototypes ombrageux et fragiles. Le temps est venu d’un bilan sérieux des vingt dernières années pour définir notre politique future. Cela pourrait conduire à la conclusion d’un armistice entre écologistes et pronucléaires.


LE FIGARO : 14 août 1997

Le Figaro : La réorganisation de la droite vous intéresse donc ?

Brice Lalonde : Je ne suis certes pas autorisé à intervenir, moi, le modeste militant d’un modeste parti. Mais je trouve sympathique que quelqu’un se donne du mal pour faire bouger les choses dans le bon sens. Génération Écologie est prête à apporter sa contribution. Personnellement, je pense que la France a besoin d’acteurs authentiquement libéraux. Le clivage le plus intéressant à faire vivre est celui des libéraux contre les étatistes

Le Figaro : Mais tous les UDF et RPR sont-ils libéraux ?

Brice Lalonde : Non. Mais on ne distingue plus nettement le courant libéral UDF du courant gaulliste ou bonapartiste RPR – même s’il est vrai que Philippe Séguin ressemble davantage que son prédécesseur à l’idée qu’on pouvait se faire de ce mouvement. À gauche, les libéraux ont disparu. Michel Rocard, que j’aimais bien, et à la demande de qui j’étais entré dans un gouvernement de centre gauche, a été écarté. On retrouve les éternels donneurs de leçon. Or je crois qu’il nous faut… peut-être pas une Margaret Thatcher, mais un Tony Blair.

Le Figaro : Vous seriez donc prêt à abandonner votre différence pour fusionner ?

Brice Lalonde : Je ne vois pas pourquoi les libéraux ne seraient pas écologistes. Dans mon esprit, les entreprises, comme les citoyens, peuvent être nos parfaits ambassadeurs. Qui va défendre la planète ? Les États-Unis ? Non, c’est nous, les Français, qui devons être les Rastignac de l’écologie, « A nous deux le monde ! ».
Jacques Chirac sent bien cela. Mais il s’appuie un peu trop sur les mécanismes de l’État. C’est dommage. Il avait de l’or dans les doigts. Mais le libéralisme avec lui est resté tabou : il y a une élite, une nouvelle noblesse, qui tient son pouvoir des prélèvements obligatoires et qui fait campagne, avec de puissants relais, contre un libéralisme jugé par elle « vulgaire ».

Le Figaro : La gauche a-t-elle mieux compris les écologistes ? Tout ce que Dominique Voynet obtient de Lionel Jospin – l’arrêt de Superphénix et du canal Rhin-Rhône –, Corinne Lepage l’avait réclamé à Alain Juppé.

Brice Lalonde : Corinne Lepage s’est trompée : il ne faut pas penser comme Dominique Voynet. Il faut s’allier aux entrepreneurs, aux agriculteurs, à tous ceux qui aspirent à un art de vivre, à une beauté permanente et joyeuse. Superphénix n’est pas le problème. Le vrai problème, c’était Phénix. Ce n’est pas en bourrant le crâne des gens qu’on vivra mieux. La France ne pourra se développer que par l’élévation de chacun de ses concitoyens. Voilà pourquoi je suis prêt à m’engager dans une croisade libérale.