Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur le Tram Val de Seine et le développement des transports en commun de banlieue à banlieue, à Issy-les-Moulineaux le 1er juillet 1997.

Prononcé le 1er juillet 1997

Intervenant(s) : 

Circonstance : Inauguration du Tram Val de Seine à Issy-les-Moulineaux le 1er juillet 1997

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le préfet de région, président du Syndicat des transports parisiens,
Mesdames, Messieurs les maires,
Messieurs les présidents,

Les Français ont décidé d’élire une majorité de députés de gauche. Un nouveau Gouvernement s’est mis en place depuis un mois. Nous savons tous que les exigences, les attentes sont fortes. Elles sont à la mesure d’une société qui produit toujours plus de richesse et dans le même temps laisse sur le bas-côté toute une part de l’humanité vouée au chômage, à l’exclusion, à la précarité, à la misère.

Continuer dans cette voie où la seule course à la rentabilité devient toujours plus meurtrière pour les plus faciles, où la logique financière prévaut sur toute autre considération, ce n’est pas assurer l’avenir de la Nation, c’est tout au contraire la mettre en péril et avec elle ses valeurs républicaines qui sont notre bien commun.

Vous le voyez, je ne veux pas sous-estimer la tâche qui est devant nous, mais indiquer dans la durée, la visée qui est la mienne. Changer la méthode pour gouverner autrement fait aussi partie de mon objectif. Personnellement, je veux privilégier le dialogue, la concertation, la transparence afin que les choix, car gouverner c’est faire des choix, soient les meilleurs possibles, les plus compréhensibles pour tous, les populaires donc. Car vous le comprenez bien, c’est véritablement de la vie de nos concitoyens au quotidien dont nous devons nous occuper avec le souci constant d’être plus efficace et mieux encore à leur service.

Savoir écouter pour les gouvernants, être sûr d’être entendus par les gouvernés, sortir des seuls cercles des connaisseurs et des experts, non pour ignorer leurs compétences qui sont dans tous les secteurs incontournables, mais pour croiser leurs avis, leurs propositions avec celles des usagers, des collectivités, des citoyens.

C’est à ce travail d’élaboration constructive que j’entends m’atteler avec confiance – car je suis sûr que c’est possible, pourvu qu’on veuille bien considérer cette aptitude démocratique à inventer ensemble – qui conduit, c’est vrai, à sortir des solutions toutes faites.

Je crois que nous avons soufferts, que la France a souffert et souffre encore de ces vérités toutes faites qui ne supportent aucune discussion, du genre de celles que l’ultralibéralisme a voulu établir comme des lois intangibles. Ainsi, la Nation serait-elle désormais dépassée et archaïque face aux enjeux de la mondialisation ? Ainsi, hors de la privatisation, il n’y aurait point d’avenir pour l’entreprise publique et la déréglementation serait le « nec plus ultra » de la compétitivité ?

Eh bien, il vaut mieux que cela se sache, cette pensée-là n’est pas la mienne ; il n’y a, vous vous en doutez, aucune chance de me convertir à cette pensée « unique » qui conduit partout où elle est à l’œuvre à des dégâts considérables.

Et je dis précisément cela aujourd’hui en inaugurant ce tramway Val-de-Seine qui associe à la fois l’État, la région, le département des Hauts-de-Seine, et aussi deux entreprises publiques, la RATP et la SNCF, comme quoi il y a des coopérations franco-françaises qui marchent, et de ce point de vue, je pense vraiment que nous sommes loin, très loin d’avoir épuisé le sujet.

Mesdames, Messieurs, une inauguration est toujours un moment de satisfaction. Mais, avec ce tramway Val-de-Seine que nous inaugurons aujourd’hui, il y a, pour l’élu d’une ville de l’agglomération parisienne que je suis, un motif supplémentaire : il s’agit d’une liaison de banlieue à banlieue et je sais que cela correspond à une forte attente de nos concitoyens comme le confirme le succès du tramway Saint-Denis-Bobigny que je connais bien et pour la réalisation duquel nous avons dû mener une vraie campagne d’utilité et de modernité, avec le président Valbon.

Pour l’avenir, vous comprendrez que je ne vous annonce pas la décision de projets sans que ne soit au préalable engagé, avec tous les acteurs de la région, un dialogue et une réelle concertation. C’est là une méthode de travail que je souhaite privilégier. Ensemble, il nous faudra discuter des propositions à retenir, des tracés, du choix des modes, des problèmes d’insertion et de partage de la voirie qui, comme vous le savez, sont souvent difficiles.

Mais dès aujourd’hui, je souhaite être très clair sur le fait que le douzième plan devrait renforcer, de façon significative, la priorité aux transports collectifs, notamment pour rattraper les retards dans la réalisation de rocades. En disant cela, je ne cherche pas à nier les avantages de la voiture : sa souplesse d’utilisation, le confort qu’elle offre à l’automobiliste et la liberté qu’elle lui donne. Encore que la somme de ses avantages individuels de déplacement finit, comme vous le savez, par produire des effets contraires lorsque la saturation conduit à l’asphyxie routière plus prosaïquement appelée « bouchon ». Mais dans le bilan pour la collectivité, il faut aussi intégrer les nuisances occasionnées par ‘usage intensif de la voiture : la pollution atmosphérique, le bruit, les effets de coupure dans nos villes et bien sûr les accidents de la circulation. On ne peut donc, comme hier, continuer à privilégier le tout-routier. Il faut favoriser la complémentarité et travailler à un équilibre plus harmonieux.

Vous le savez, le onzième plan a été marqué par les opérations « majeures » que constituent Météor et Éole qu’il faut terminer, mais aussi par des opérations qui vont plus dans le sens des priorités actuelles : les liaisons plus légères de banlieue à banlieue, comme le Trans-Val-de-Marne, le tramway Saint-Denis-Bobigny qui sera prolongé vers Noisy-le-Sec et le tram Val-de-Seine qui va relier le secteur de la Défense, un des grands pôles nationaux de transports en commun, à la banlieue Sud, à la station d’Issy-Val-de-Seine.

Je lisais récemment un article paru dans la « Vie du rail » qui confirme l’inadéquation entre l’offre et la demande de transport en banlieue. Les journalistes spécialisés de ce journal ont établi un classement entre plusieurs grandes villes : le système de transports en commun parisien est arrivé troisième, devant Londres et New York, mais après Tokyo et Berlin. Pourquoi n’était-il pas premier ? À cause de l’offre insuffisante entre banlieues où, pour des raisons liées à la dispersion croissante de l’habitat et des emplois, la demande évolue très vite : au cours des vingt dernières années, le nombre de déplacements motorisés dans Paris ou entre Paris et la banlieue n’a pratiquement pas varié ; il a en revanche augmenté de plus de 40 % pour les déplacements de banlieue à banlieue. C’est bien là la question à laquelle il faut s’attaquer.

Il faut adapter l’offre de transport à la demande et aux besoins d’aménagement du territoire. TVS répond bien à cette préoccupation. J’ajoute qu’il s’agit d’une liaison, à caractère régional, qui est naturellement amenée à se développer au Nord vers Bezons et Sartrouville et au Sud vers la Porte-de-Versailles, afin d’assurer un maillage avec le métro.

Enfin, je voudrais souligner que, si cette réalisation peut voir le jour, c’est grâce, bien sûr, aux financeurs, à savoir l’État, la région et le département des Hauts-de-Seine, mais aussi à la coopération entre les entreprises qui permet aujourd’hui à des tramways de la RATP de rouler sur une infrastructure ferroviaire rénovée par la SNCF.

Je souhaite également rappeler que le développement des modes de transport plus légers offre des opportunités qui méritent d’être soulignées compte tenu des contraintes financières. À investissement égal, il est en effet possible de créer davantage de sites propres en banlieue, pour des tramways, bien sûr, mais aussi pour des autobus.

C’est en considérant ces questions que, tout récemment, la RATP a décidé une opération d’ingénierie financière faisant intervenir un investisseur étranger. Cette opération porte sur certaines rames de RER. Elle devrait permettre un gain, selon la RATP, de 200 millions de francs. Je sais que cette décision a suscité de l’émotion auprès des élus du personnel et des organisations syndicales. Face à ce dispositif financier nouveau, je comprends leurs interrogations. C’est pourquoi j’ai demandé que toutes les garanties soient apportées afin que le matériel roulant reste propriété de la RATP et qu’il n’y ait aucune ambiguïté de ce point de vue.

Pour les entreprises de transport, le matériel roulant qui ne bénéficie pas de financement public, représente un coût économique et financier important. Pour cette raison, la RATP a engagé une politique de modernisation de son matériel roulant à mi-vie afin d’allonger sa durée de vie permettant ainsi de réduire le coût de son capital. Cette modernisation représente une charge de travail importante et je me félicite qu’il ait été décidé d’engager une réflexion visant à réduire la sous-traitance, ce qui ne manquera pas d’être favorable à l’emploi dans les ateliers de maintenance de la RATP qui bénéficient d’un personnel hautement qualifié.

Je souhaite que le développement de l’offre de transport en banlieue puisse également s’appuyer sur les projets de « tangentielles » en réutilisant, pour partie, les emprises ferroviaires existantes de la SNCF. Ces opérations s’inscrivent dans ce que doit être le projet stratégique des transports en commun en Île-de-France, par l’utilisation de technologies variées et adaptées, à la fois, aux besoins de déplacements, au terrain et aux contraintes financières.

Il y a d’autres projets actuellement en discussion, en débat, tel le projet Muse qui concerne le département des Hauts-de-Seine. Dès mon arrivée au ministère, j’ai trouvé ce dossier. Là aussi, j’ai souhaité engager le dialogue et la concertation.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que le projet de tronçon mixte – route et transport collectif – qui relie Issy à Clamart soit retiré de l’ordre du jour du prochain conseil d’administration du Syndicat des transports parisiens.

Ensemble, nous allons apprécier l’opportunité de retenir ou non ce projet, étant entendu qu’une décision sera prise à l’automne prochain.

De manière générale, les choix d’investissement que nous serons amenés à prendre devront résulter d’analyses raisonnées : les scénarios étudiés seront multimodaux et les différents projets seront passés au crible, en comparant leurs avantages économiques « classiques » tels les gains de temps, mais aussi leurs impacts sur l’urbanisme, l’environnement, ou encore sur la cohésion sociale afin de concourir à la requalification urbaine.

Les projets doivent être adoptés dans un esprit de large concertation avec tous les acteurs du transport, c’est-à-dire les représentants des collectivités territoriales, des entreprises de transport et des usagers. Et toutes les conditions doivent être mises en œuvre pour que les décisions soient prises dans la transparence la plus totale.

Cela signifie qu’il faut que nous ayons à notre disposition des outils et méthodes d’évaluation performants qui permettent la mise en œuvre d’une véritable efficacité économique et sociale dans les transports urbains.

Je considère comme également prioritaires les investissements qui contribuent à améliorer la qualité de la vie quotidienne des Franciliens, par exemple la régularité des trains et des bus, l’information avec notamment le système Altair, développé par la RATP, qui permet aux voyageurs d’être informés de l’heure d’arrivée du prochain bus ou encore le confort des véhicules et des espaces publics de transport, ce qui suppose une rénovation des gares et des lieux d’échanges.

La semaine dernière, j’étais au carrefour du Prédit et j’ai pu apprécier combien l’amélioration de la qualité de service offert à l’usager était un enjeu de la recherche.

J’attache aussi une importance particulière à la présence humaine dans les gares, les stations de métro, pour l’information des voyageurs, mais aussi parce que c’est un moyen de faire reculer l’insécurité. Chacun sait qu’à certaines heures de la journée, dans quelques secteurs sensibles, le sentiment d’insécurité est fort. Je souhaite que les actions déjà engagées visant à développer la présence humaine soient poursuivies.

C’est aussi un moyen pour les entreprises de transport de regagner du trafic.

Un autre enjeu stratégique du transport public est l’amélioration des correspondances entre les réseaux : entre les réseaux de transport public, mais aussi le transport collectif et la voiture. La complémentarité est une demande prioritaire des usagers que nous devons prendre en considération.

La prise en compte de ces enjeux et leurs traductions en dispositions concrètes au bénéfice des usagers pourront bénéficier du nouvel « outil » qu’est le plan de déplacements urbains de l’Île-de-France élaboré à l’initiative de l’État avec le concours des différents acteurs des transports. Il devra contribuer à définir des objectifs de caractère général tel le développement urbain ou plus ciblés en considérant la maîtrise des coûts du système, la garantie d’une bonne accessibilité, la réduction de la pollution. Les objectifs devront conduire à des actions identifiées sur le système de déplacements. Je pense en particulier à la réduction du trafic automobile dans la zone centrale, au développement des transports collectifs, à l’aménagement et l’exploitation du réseau principal de voirie d’agglomération et à l’organisation du stationnement.

Vous l’avez compris, je suis un partisan convaincu d’un effort prioritaire en faveur des transports collectifs pour l’agglomération parisienne. Leur développement particulièrement en banlieue est évidemment compatible avec une politique favorisant dans le même temps la complémentarité avec l’automobile. Nous sommes véritablement confrontés à un problème de société et il est de l’intérêt de tous de faire converger nos efforts afin d’améliorer la vie quotidienne.

Voilà pourquoi je vous invite à un dialogue, à la concertation afin que nous puissions développer, dans la région capitale, un réseau de transport performant, adapté à la demande de nos concitoyens et qui constitue un atout majeur pour affronter les enjeux de demain.