Texte intégral
Q : Sur le fond et sur la forme, comment avez-vous trouvé le Premier ministre ce matin, sur RTL ?
Je dirais que L. Jospin semble avoir inventé un nouveau produit qui est le socialisme allégé. C’est-à-dire que c’est moins toxique, bien entendu, que le socialisme des années 80 mais je crois que ça reste quand même assez toxique. Quels sont les problèmes de notre pays ? Premièrement la France est en Europe, et dans les pays développés, celui qui a le plus de dépenses publiques. Il est aussi celui qui a le plus d’impôts et il est enfin celui qui a le plus de chômage. C’est du bon sens, il y a manifestement quelque chose qui lie ces trois éléments. Par conséquent, si on veut s’attaquer à ces trois maux, et notamment au troisième qui est le principal, le chômage, je pense que la recette s’impose toute seule : c’est moins de charges – notamment moins de charges pour les entreprises – ; c’est aussi une façon de favoriser les investissements et c’est aussi la façon de créer des emplois, des emplois productifs et pas simplement des emplois publics. Donc L. Jospin se trouve devant un défi. Je me réjouis – parce que je crois que l’opposition doit toujours être équilibrée, et pas systématique – qu’il ait maintenu les engagements de la France sur le plan européen.
Q : Vous, opposition, vous l’attendez surtout sur le budget 98. Ce matin, le Premier ministre a dit qu’il allait tailler dans les dépenses de l’Etat pour tenir ces fameux 3 %.
C’est juste, c’est pour ça que je parle d’un défi à relever parce que c’était la tâche du gouvernement Juppé, ça reste la tâche du gouvernement responsable. Il y a, en effet, des charges publiques, des administrations en générale et du secteur public, qui restent trop lourdes. Il faut bien sûr traiter ce problème avec humanité, parce qu’il y a des personnes derrière ce problème, amis on ne peut pas durablement continuer à avoir un secteur public qui pèse aussi lourd.
Q : Est-ce que vous pensez, compte tenu des diverses contraintes qui existent, que le Gouvernement pourra éviter d’augmenter les impôts ?
Il faut absolument éviter d’augmenter les impôts. Je le disais à l’instant.
Q : Est-ce qu’il pourra faire ? Parce que la marge de manœuvre de L. Jospin est affreusement étroite.
Je crois qu’il ne dit pas le faire, qu’il ne pourra donc pas le faire s’il est logique avec ce qu’il a dit ce matin. S’il veut tenir l’engagement de 3 % et pas plus de déficit – il a donné d’excellentes raisons, qui sont non seulement notre engagement européen, mais aussi le fait que c’est une obligation de bonne gestion – l’augmentation des charges fiscales, alors que nous avons déjà des records, est une voie qui ne doit pas être empruntée. La seule solution c’est, par conséquent, celle de la réduction de la dépense publique en générale. Compte tenu des alliés qui sont ceux du Gouvernement, il est clair que politiquement cela posera des problèmes.
Q : Vous parliez de socialisme allégé tout à l’heure, mais pensez-vous que L. Jospin tombe un peu sous la coupe du réalisme gouvernemental ?
Certainement. D’ailleurs il faut observer que dans aucun pays d’Europe, le socialisme n’est plus utilisé en tant que produit. Ça n’est pas un hasard ! Je ne parle même pas de la politique qui est menée par T. Blair en Grande-Bretagne qui nous paraît, à nous Français, extrêmement libérale, mais même dans les autres pays, dont les gouvernements sont situés à gauche, ces gouvernements ont tous exclus les méthode socialistes – la création d’emplois publics et l’alourdissement des charges fiscales.
Q : Mais est-ce que, jusqu’à présent, la méthode Jospin ne vous coupe pas un peu l’herbe sous le pied, à vous, opposition parce que vous n’avez finalement, pas beaucoup de critiques à émettre ?
Il y a sûrement un certain nombre de points, mais il n’y a pas que ce sujet-là. Encore une fois, je crois que le Gouvernement a été nommé il y a peu de temps, il faut lui laisser le temps de prendre la mesure des problèmes, d’amorcer sa politique. Je crois que les rendez-vous sont pour les mois qui viennent, les semaines qui viennent puisque l’élaboration du budget 98 va être un rendez-vous très important. C’est à partir de là qu’il faudra objectivement se prononcer et non pas, par principe, critiquer systématiquement. Quand il y a de bonnes choses, il faut le dire ; quand il y en a de mauvaises, il faut le dire aussi et quand on peut prévenir, ce que nous essayons de faire, il faut le faire aussi.
Q : Est-ce que, franchement, vous n’êtes pas surpris par la facilité avec laquelle L. Jospin s’est glissé dans les habits d’un Premier ministre alors qu’il ne s’y attendait pas lui-même ?
Non, c’est un homme qui a une expérience gouvernementale, qui a fait la preuve qu’il était un leader politique capable de mener son camp à la victoire ; par conséquent il a des qualités, c’est évident, personne ne le niera. Mais ce n’est pas sur la personne qu’il faut se prononcer ; c’est sur la politique et sur les résultats. C’est là-dessus que nous l’attendons.
Q : La reconstruction de l’opposition est-elle en marche ?
Eh bien elle est en marche et j’espère qu’elle sera rapide parce que je crois que nous avons besoin, nous aussi, de tirer les leçons de ce qui s’est passé et de faire en sorte – ça, ça me parait très important – qu’à l’avenir nos concitoyens ne soient pas seulement amenés à voter contre les gens qui sont en place à un moment donné, mais qu’ils puissent voter pour quelque chose.