Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Le Figaro" du 23 avril 1999, sur la stratégie de la liste commune MPF Pasqua intitulée "Le rassemblement pour la France", sa position sur l'Europe fédérale et ses relations avec les partis de l'opposition.

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LE FIGARO. — Après la démission de Philippe Séguin de la présidence du RPR et la persistance d’une liste autonome de l’UDF, comment analysez-vous la situation politique dans l’opposition ?

Philippe de VILLIERS. — Charles Pasqua, et moi-même avons en face de nous deux listes fédéralistes qui défendent du reste le même programme… fédéraliste que la liste du Parti socialiste.

LE FIGARO. — Et pourtant, ils ne constituent pas une seule liste…

Philippe de VILLIERS. — Seules les querelles d’hommes et d’étiquettes les ont empêchés de faire une seule liste. Mais Sarkozy fait campagne contre Bayrou, Le Pen fait campagne contre Mégret, Cohn-Bendit fait campagne contre Chevènement. Nous, nous faisons campagne contre l’Europe fédéraliste et socialiste. Notre liste a deux caractéristiques : la cohérence et la rupture. Nous rassemblons des gens qui pensent la même chose, au contraire de la plupart des autres listes, qui sont des salmigondis d’appareils.

LE FIGARO. — Mais seul François Bayrou se revendique de l’Europe fédérale…

Philippe de VILLIERS. — C’est exact. François Bayrou se revendique de l’Europe fédérale. Mais il y a aussi Daniel Cohn-Bendit, qui est le fils spirituel de Valéry Giscard d’Estaing.

LE FIGARO. — En tout cas, la liste RPR-DL de Nicolas Sarkozy, elle, ne défend pas une conception fédérale de l’Europe et juge le débat dépassé…

Philippe de VILLIERS. — J’ai effectivement entendu Nicolas Sarkozy dire qu’il était hostile au fédéralisme. Je suis tombé de ma chaise. Il y a deux mois, il votait des deux mains avec enthousiasme le traité d’Amsterdam, qui est l’instrument juridique du fédéralisme en matière de justice et d’immigration. Entre la liste de François Bayrou, qui proclame son fédéralisme, et la nôtre qui propose l’Europe des Etats-nations, Nicolas Sarkozy n’a pas de place. Je crains pour lui qu’il ne termine avec un os de poulet. Il faudra qu’il explique aux militants gaullistes les conceptions libre-échangistes d’Alain Madelin, ses votes en faveur du Pacs, et ses positions pour la liberté de l’immigration et la dépénalisation des drogues douces. De toute manière, la grande différence entre les militants du RPR et Nicolas Sarkozy — et c’est ce qui me fait penser qu’ils préfèreront voter pour nous — c’est qu’eux aiment la France alors que Sarkozy aime la politique.

LE FIGARO. — Votre alliance avec l’ancien ministre de l’intérieur a mis quelques mois à se mettre en place. Charles Pasqua voulait ratisser à gauche. Jusqu’à votre accord, les piques de part et d’autre n’ont pas manqué.

Philippe de VILLIERS. — Il y a un temps pour semer et un temps pour récolter. Aujourd’hui, notre alliance paraît naturelle et évidente à tous nos militants. Ce qui me frappe dans la vie quotidienne de notre campagne avec Charles Pasqua, c’est qu’il a un amour charnel avec la France, et que son accent vient du cœur. Il est habité par l’idée de la grandeur de la France.

LE FIGARO. — Depuis quelques jours, les sondages sont flatteurs pour votre liste. Si cela se confirme le 13 juin au soir, que ferez-vous le 14 au matin ?

Philippe de VILLIERS. — Notre liste s’appelle le Rassemblement pour la France, RPF, ce n’est pas seulement un nom de liste. C’est à la fois un signal et un appel. C’est-à-dire un signe fort, adressé, à l’occasion de cette campagne, à toutes celles et à tous ceux qui désespèrent de la vie politique, aujourd’hui livrée aux divisions, aux querelles et à l’insignifiance. Notre liste est un point de départ. C’est un appel pour un large mouvement de refondation de la vie politique française à partir de repères, de valeurs qui, demain, redonneront ainsi u n sens à l’engagement civique, un espoir à tous les Français attachés à l’idée française.