Texte intégral
CLAUDE SERILLON
L'ancien président de la République, Valéry GISCARD d'ESTAING, fondateur de l'UDF, veut éviter la catastrophe à la droite aux prochaines élections européennes. Dans un point de vue publié par le journal LE MONDE, monsieur GISCARD d'ESTAING préconise une seule liste à droite et affiche sa préférence pour Philippe SEGUIN à sa tête.
VALERY GISCARD D'ESTAlNG, FONDATEUR DE L'UDF
Imaginez la réaction de l'opinion publique sur un sujet où je vous répète, depuis 93, on a gouverné ensemble, les mêmes, se présenter, présenter 4 listes et dire aux gens : vous allez choisir, en sachant qu'aucune d'entre elles ne peut être devant la liste socialiste. Imaginez le dommage politique fait en France. Je crois que les centristes, comme les autres, ce sont des gens qui veulent l'intérêt national. Si Philippe SEGUIN, comme il parait le dire, est conscient qu'il doit conduire une campagne qui représente la position médiane de sa liste, eh bien à ce moment là, il n'y a pas de raison d'avoir des objections en ce qui concerne sa personne.
CLAUDE SERILLON
Donc François BAYROU, bonsoir, vous conduisez la droite à la catastrophe ?
FRANCOIS BAYROU
C'est formidable la politique et, j'allais même dire, c'est génial parce que, dans la situation où nous sommes, on a réfléchi longtemps pendant des mois, à ce qui permettrait de donner aux Français le signal que la France était européenne et qu'il y avait une rénovation de l'opposition. Dans cette réflexion là, le président GISCARD d'ESTAING a joué un rôle très importent et il a dit avec force, plusieurs fois, qu'il n'était pas possible d'admettre pour notre famille politique, la sienne, la famille européenne de l'opposition en France. Il n'est pas possible d'admettre d'avoir l'homme qui a été le porte drapeau du non à Maastricht.
CLAUDE SERILLON
Il dit une liste unique doit être conduite par un pro Maastricht, c'était en novembre 98.
FRANCOIS BAYROU
Ah, oui, j'en ai 5 ou 6 mais enfin, je vais lire une phrase d'abord pour sourire et ensuite...
CLAUDE SERILLON
Une phrase de monsieur GISCARD d'ESTAING...
FRANCOIS BAYROU
Ouvrez les guillemets : « Il va de soi qu'une liste unique de l'opposition ne peut être conduite que par une personnalité qui a une position claire en faveur de la construction européenne et qui n'a pas voté contre Maastricht ».
CLAUDE SERILLON
Alors qu'est-ce qui se passe, il a perdu la tête, il veut votre place, qu'est-ce qui se passe ?
FRANCOIS BAYROU
Et c'est à partir de cela, de déclarations comme celle là, monsieur GISCARD d'ESTAING, c'est le fondateur de notre famille politique.
CLAUDE SERILLON
C'est un peu votre papa, c'est lui qui vous a guidé dans l'UDF.
FRANCOIS BAYROU
Disons que j'ai beaucoup de respect et d'affection pour lui.
CLAUDE SERILLON
Donc VOUS tuez le père, là maintenant ou pas ?
FRANCOIS BAYROU
C'est à partir de déclarations comme celle-là que l'UDF toute entière, à l'unanimité, 2 500 personnes présentes, a décidé qu'il fallait aller jusqu'au bout. Alors qu'est-ce que ça veut dire tout ça au fond...
CLAUDE SERILLON
Donnez moi votre interprétation.
FRANCOIS BAYROU
Au fond, eh bien ça veut dire deux choses. Une première chose, des responsables politiques, des mouvements politiques ne veulent pas qu'il y ait des débats sur l'Europe en France.
CLAUDE SERILLON
C'est qui ça, c'est qui, quand vous dites des responsables ?
FRANCOIS BAYROU
Je ne sais pas, dans l'opposition tout se passe comme si on ne voulait pas de débat sur l'Europe. C'est la grande question de notre avenir et on propose de mettre, sur la même liste, ceux qui sont pour, ceux qui sont contre, ceux qui s'opposaient et ceux qui, au contraire, construisaient.
CLAUDE SERILLON
Pardon, Monsieur GISCARD d'ESTAING écrit dans le journal LE MONDE qu'au fond, vous n'avez pas de divergence sur le fond, vous avez géré le pays même ensemble, donc il n'y a pas de raison de ne pas y aller ensemble.
FRANCOIS BAYROU
Franchement, entre ceux qui ont voulu l'euro et qui l'ont fait, et ceux qui se sont opposés à l'euro et qui ont essayé d'empêcher de le faire...
CLAUDE SERILLON
Mais enfin monsieur BAYROU, vous même, quelquefois vous avez changé... il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, monsieur SEGUIN, il a peut être changé.
FRANCOIS BAYROU
Sur ce sujet je n'ai pas changé parce que les convictions sont plus importantes que tout. Je vais vous dire une des raisons : si on veut chercher, ensemble, les raisons pour lesquelles les Français ne votent plus, ne participent plus, s'abstiennent, il ne faut pas chercher plus loin. Lorsque des responsables politiques de premier plan, majeurs, pas des animateurs, des responsables politiques majeurs, disent le contraire à intervalles de ce qu'ils avaient dit la veille : « l'euro c'est la fin de la France et puis l'euro, c'est la chance de la France soyons européens ».
CLAUDE SERILLON
Mais, en même temps, on a le droit d'évoluer, monsieur BAYROU, non ?
FRANCOIS BAYROU
Lorsque les mêmes vous disent : l'opinion européenne de l'opposition a besoin d'une liste et puis lorsqu'ils vous disent : il ne faut plus faire cette liste, eh bien les gens, le contrat de confiance est rompu, ils ne peuvent plus faire confiance à la parole politique.
CLAUDE SERILLON
Alors, très concrètement est-ce que vous irez à la réunion, à une réunion que souhaite monsieur GISCARD d'ESTAING et monsieur SEGUIN, au fond vous êtes peut être un peu calé, on dit toujours que les centristes Ils sont mous et qu'au bout d'un moment, Ils calent, ils ne vont pas jusqu'à l'affrontement.
FRANCOIS BAYROU
Eh bien, peut-être on découvrira que ce n'est pas une règle sans exception.
CLAUDE SERILLON
Car vous n'allez pas à la réunion.
FRANCOIS BAYROU
Je vais vous dire, ça fait 20 ans que chaque fois que quelque chose de nouveau veut apparaître en France, dans l'opposition, ça fait 20 ans que l'on s'arrange, les uns prennent un bout de la corde, les autres prennent l'autre bout et, au bout du compte, on a toujours les mêmes appareils, toujours les mêmes visages, toujours les mêmes habitudes et les mêmes comportements. Eh bien, je vais vous dire, il est temps que ça change, mais il y a une inspiration immense dans l'opinion, à une rénovation des comportements, à ce que les politiques, quand Ils disent oui, ce soit oui et quand ils disent non, ce soit non. Eh bien nous portons, eh bien je porterai dans cette élection, les couleurs de ceux qui sont franchement européens et, franchement, pour la rénovation de l'opposition et...
CLAUDE SERILLON
C'est juré, vous ne renoncerez pas.
FRANCOIS BAYROU
…et franchement européen, franchement rénovateur de l'opposition et le reste...
CLAUDE SERILLON
Donc c'est juré, vous n'irez pas sur une liste où vous seriez, par exemple, le second de monsieur SEGUIN.
FRANCOIS BAYROU
Ce sont des manoeuvre d'appareil et Il est temps que les manoeuvres d'appareil cessent.
CLAUDE SERILLON
Vous ne voulez pas me répondre, parce que l'on arrive à la fin de cet entretien, est-ce que vous serez le second de monsieur SEGUIN sur une liste d'union ?
FRANCOIS BAYROU
Il est temps, me semble-t-il, que des hommes politiques qui ont tout de même un âge certain, arrêtent de se réfugier le dimanche sous l'aile de monsieur CHIRAC, le mardi sous l'aile de monsieur GISCARD d'ESTAING...
CLAUDE SERILLON
J'ai bien compris.
FRANCOIS BAYROU
Et qu'ils acceptent enfin de se battre sur leurs idées : quel projet pour l'Europe…
CLAUDE SERILLON
Vous ne voulez pas répondre...
FRANCOIS BAYROU
Non, mais c'est très clair, je proposerai notre projet pour l'Europe, la grande union européenne dont nous avons besoin pour que l'Europe ne soit pas ridiculisée comme au Kosovo, on vient de le voir l'instant...
CLAUDE SERILLON
Monsieur BAYROU, vous n'irez pas à cette réunion et vous ne serez jamais le second de monsieur SEGUIN sur une liste européenne.
FRANCOIS BAYROU
Je porterai notre projet sous nos couleurs.
CLAUDE SERILLON
Vous n'irez pas à la réunion, vous ne serez jamais le second, c'est bien ça, j'ai bien compris.
Merci monsieur BAYROU.