Texte intégral
Le débat qui s'amorce dans notre pays en perspective des élections européennes du 13 juin 1999 sera-t-il de nature à relancer un dynamique, à dessiner une ambition ? Le pire serait sans doute que tout cela finisse en eau de boudin dans un bon vieux débat franco-français dont notre pays a le secret !
Notre contribution d'éducateurs syndicalistes à ce débat doit en tout cas porter sur trois terrains :
– le terrain de l'Europe d'abord, dont nous voulons qu'elle change de cours et réussisse ce passage nécessaire d'une construction avant tout économique et monétaire à une dimension politique et sociale. Cette Europe que nous voulons sera donc d'abord citoyenne ou ne sera pas. Le déficit citoyen actuel – déficit démocratique avant tout – est pour nous insupportable. Il interdit l'émergence de cette conscience européenne que nous appelons de nos voeux. Si notre vote du 13 juin a un sens, il impose donc un renforcement du rôle du Parlement européen et conduit à la construction à terme d'un gouvernement européen de plein exercice ;
– sur le terrain de notre pays, ensuite de la place qu'il doit tenir dans cette Europe en devenir. Notre patrimoine historique prend sa source dans la démocratie d'une République laïque et sociale. Cette construction originale est un atout pour l'Europe. Sans hégémonisme mais sans complexe, la France doit contribuer à l'édification de la maison commune en faisant entendre la voix issue du siècle des Lumières et de la Révolution française ;
– le terrain du « modèle social européen », enfin, dont nous portons l'ambition avec la Confédération européenne des syndicats. Alors que les signes de désagrégation sociale s'amplifient un peu partout en Europe, il n'est pas d'autre urgence que d'en traiter les causes et d'abord la première, le chômage, et l'exclusion dont il est l'antichambre. Se résigner à une Europe de 18 millions de chômeurs, c'est admettre une société fracturée où le bien-être du plus grand nombre se construirait sur la désocialisation de tous les autres. L'Europe est riche de ses capacités de formation et de recherche, elle est riche de son dynamisme économique. La richesse produite doit bénéficier à tous, aux plus démunis en particulier.
L'Union européenne rassemble aujourd'hui quinze nations qui ont en partage la démocratie, un haut niveau de protection sociale et – l'Euro est désormais une réalité – les outils d'une unité économique. Elle a besoin d'un projet, d'une ambition, d'une identité. Elle a surtout besoin de ne pas refermer sur elle les portes d'une prospérité en devenir ; il lui faut, au contraire – sa générosité, son intérêt, sa sécurité l'exigent – s'ouvrir aux démocraties naissantes qui, à l'Est, frappent à sa porte. Qui attendent de cet arrimage, au-delà d'un développement économique auquel elles ont droit, la pérennité d'une liberté récemment conquise et, combien fragile. N'oublions jamais que d'autres Bosnie et d'autres Kosovo peuvent se déchirer demain à notre porte.
Une réponse inadéquate.
Au Kosovo, le pire est peut-être en train d'arriver. Face au dictateur Miloševic, les frappes de l'OTAN ne sont pas la réponse adéquate ; elles risquent de fédérer un peu plus l'ultranationalisme serbe et encourager la plus atroce des répressions. Seule, une force d'interposition, sur place, pourrait protéger la population kosovare et imposer l'application des accords de Rambouillet. Les démocraties occidentales auront-elles ce réalisme et ce courage ? Pour l'Europe, après la tragédie bosniaque, ce serait son honneur et un commencement d'existence politique.
(source : http://www.fen.fr, le 8 avril 1999)