Texte intégral
Cette rencontre avec la presse, devenue traditionnelle pour la CGT en cette période de rentrée, est l’occasion de préciser notre appréciation de la situation et d’éclairer nos objectifs au regard des préoccupations essentielles des salariés, des privés d’emploi, des précaires et des retraités.
Les changements politiques intervenus, reflètent une forte attente de changements profonds et d’une modification fondamentale des choix et des orientations suivis jusqu’alors. Cette donne marque et va continuer de marquer l’évolution de la situation.
Pourtant, en dépit de nombreux commentaires pronostiquant un redémarrage des activités économiques, les problèmes affrontés par le monde du travail restent des problèmes lourds. La forte baisse de la consommation en juin dernier, les derniers chiffres publics du chômage, la persistance des réductions d’effectifs dans nombre d’entreprises donnent, maintenant, un caractère d’urgence à la nécessité, pour le gouvernement, de préciser ses intentions pour impulser une nouvelle dynamique de croissance, de développement industriel, de relance de la consommation afin de dégager les moyens d’une véritable reconquête du plein emploi.
Cet objectif qui, pour la CGT, reste essentiel nous conduit à affirmer, dans une même démarche, la cohérence qui doit guider les mesures à prendre et la nécessité à mettre en œuvre un véritable dispositif d’ensemble visant l’emploi, les salaires, la réduction du temps de travail, la relance industrielle et le développement des services publics.
C’est dire que nous plaçons résolument cette rentrée sous le signe de la mobilisation revendicative, de l’action et de la recherche inlassable de l’unité d’action.
Les commentaires ne manquent pas pour insister sur les contraintes qui pèsent sur la situation ; l’importance de la dette, des déficits publics, de la perspective de l’Euro, des critères de Maastricht et du pacte de stabilité.
Mais imagine-t-on ce que sont les contraintes quotidiennes imposées à des millions de salariés, de privés d’emploi, de précaires de RMIstes, d’exclus de toute ressource, de la masse des petits retraités condamnés à vivre avec des revenus dérisoires, voire à survivre péniblement pour nombre d’entre eux et d’entre elles ?
Pour une nouvelle augmentation du Smic.
Les campagnes engagées cet été par le patronat en général, et l’UIMM en particulier, contre la hausse du SMIC, contre la perspective de réduction de la durée du travail, pour le maintien des allègements de charges et l’exigence de plus de flexibilité et de souplesse encore sur les possibilités de licencier ce qui, au total, joue contre l’emploi, montrent que tous ces dossiers brûlants sont aujourd’hui sur le devant de la scène sur fond de tensions fortes qui vont aller s’accentuent.
Car, améliorer la situation de tous ceux et de toutes celles qui souffrent dans le travail, ou parce qu’ils en sont privés, appelle à une véritable rupture avec la politique pratiquée toutes ces dernières années.
Relancer la consommation par l’augmentation des salaires, retraites et indemnités de chômage, est une nécessité économique et un besoin social de première importance.
La CGT qui a souligné l’insuffisance de l’augmentation du SMIC décidée en juillet, propose qu’une nouvelle augmentation soit décidée cet automne, permettant d’avancer vers un salaire minimum que nous estimons à 8 500 francs brut.
Dans toutes les branches, toutes les entreprises, nous appelons les salariés à exiger l’ouverture de négociations que les salaires minima, les grilles, la reconnaissance des qualifications.
Dans la Fonction Publique, l’exigence des négociations pour résoudre le contentieux salarial et affirmer une orientation nouvelle en matière de durée du travail, titularisation des précaires… etc., reste légitimement forte.
Or, il y a de l’argent dans les entreprises et dans le nombre d’entre elles – les plus importantes – la situation financière est à un niveau record. La baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée aboutit à une amélioration des capacités de financement de 300 milliards de francs en cinq ans. Pour autant, les investissements stagnent et l’argent va à la spéculation.
Pour le seul mois de juillet, la capitalisation boursière en France a augmenté de 250 milliards de francs pour atteindre le taux record de 3 900 milliards de francs (Les Échos du 5 août 1997). Les exonérations de charges sont passées en cinq ans de 30 à 80 milliards de francs, sans retombées chiffrables sur l’emploi.
Les moyens existent donc pour une revalorisation des salaires et pour mettre fin à la politique salariale coercitive qui fait que moins d’une entreprise sur deux a accordé, en 1996, des augmentations générales de salaires.
De même pour la Fonction Publique, à propos de laquelle l’État employeur doit se donner les moyens d’apporter des réponses à l’attente de ses salariés sur toutes les questions en suspens, les contraintes budgétaires régulièrement évoquées pour repousser les échéances doivent être surmontées.
D’une façon générale, cette donnée pèse sur l’ensemble des grands dossiers à propos desquels l’attente grandit d’une politique réellement nouvelle.
Le problème d’une augmentation des ressources de l’État et d’une autre utilisation de l’argent est fortement posé.
La CGT propose des mesures immédiates, telles qu’une restructuration de la durée de la dette, l’instauration d’un emprunt obligatoire à taux réduit ou nul auprès des institutions financières, des grandes fortunes ou des gros patrimoines, dans l’attente d’une réforme plus fondamentale de la fiscalité.
Concernant l’emploi dont la situation reste plus que sérieuse puisque 5 millions de personnes (chômeurs + stages + CES = préretraites) sont écartées de l’emploi auxquels s’ajoutent 2 millions de précaires divers (CDD, intérimaires, apprentis, contrats aidés et, notamment, les temps partiels imposés qui croissent considérablement et frappent particulièrement les jeunes et les femmes) – c’est une nouvelle dynamique qu’il faut impulser.
Il y a certes urgence à apporter une réponse à la situation angoissante de la jeunesse mais, hors d’un dispositif d’ensemble, la situation des jeunes et des moins jeunes en quête d’un emploi restera vulnérable.
La CGT a donné, comme c’est de sa responsabilité, son appréciation à propos du plan emploi jeunes, dont la première partie seulement a été annoncée.
Il est certain que la différence de la situation faite aux emplois jeunes, en comparaison des CES, va susciter parmi la jeunesse un espoir bien compréhensible et un afflux de demandes.
Mais l’apparition d’une nouvelle forme d’emplois privés, précaires dans l’emploi public légitime nos craintes quant aux effets de substitution aux embauches statutaires et encourage le CNPF dans son exigence d’une véritable institutionnalisation de la précarité et de la flexibilité.
La CGT fera tout pour que ces emplois soient rapidement pérennisés et continuera d’exiger la transformation d’emplois précaires – comme les CES – en véritables emplois.
Plus généralement, et c’est la condition pour relancer une dynamique nouvelle, ce plan emploi jeunes, qui devra être amélioré, ne peut-être qu’un élément d’un dispositif plus large.
La CGT propose :
* De stopper les plans de suppression d’emplois en cours, de donner la priorité à la recherche de solutions industrielles et de développement d’activités réellement nouvelles,
* De stopper les délocalisations,
* D’élargir les possibilités de départs en retraites compensées par des embauches de jeunes,
* D’engager en pleine transparence un examen de l’utilisation de l’argent public accordé au titre des aides à l’emploi (il s’agit moins de réduire les sommes investies mais de viser l’efficacité en termes de créations d’emplois supplémentaires).
* De réformer la législation en matière de licenciement, non pour rétablir l’autorisation administrative inefficace, mais en donnant de nouveaux droits, de nouvelles prérogatives aux syndicats, aux Comités d’entreprise, aux conseillers des salariés et aux salariés eux-mêmes en matière de recours suspensif, de contrôle et d’exigence de recherches d’autres solutions,
* De définir le rôle, la place du secteur public dans cette entreprise de reconquête afin de répondre aux besoins des citoyens, des usagers en matière d’éducation, de santé, de sécurité, de culture, de communication, en donnant au secteur public les moyens humains, par recrutement normal d’emplois statutaires, lui permettant d’assumer sa mission. Cela n’est concevable qu’en renonçant aux ambitions de privatisation du secteur public, de nos grandes entreprises publiques qui constituent un levier pour influer sur l’activité économique.
Enfin, la réduction de la durée du travail qui, je le répète, doit être traitée avec la même urgence et la même intensité que les deux aspects précédents, constitue à la fois une nécessité sociale et un besoin économique. Le débat est aujourd’hui lancé grand public. Les réticences, oppositions affluent et le CNPF tient plus que son créneau. Mais certaines données fortes sont aujourd’hui sur la table.
Le cadre des 35 heures doit être fixé par la loi.
Si l’on veut des retombées substantielles pour l’emploi, il faut que la mesure soit importante, générale et rapide. Le cadre des 35 heures, sans perte de salaires, avec possibilité d’aller à 32 heures là où c’est possible, doit être fixé par la loi. C’est la condition pour que les négociations normales qui devront suivre aient le même objectif partout, leur objet portant sur les modalités et l’environnement de la mise en œuvre.
Si certaines aides sont envisagées, elles doivent l’être sous conditions de créations d’emplois et sous contrôle des comités d’entreprises, des syndicats en même temps que sous celui de l’inspection du travail, le tout assorti de sanctions pour celles des entreprises qui refuseraient de jouer le jeu.
D’une façon générale, la CGT considère qu’en tous domaines dans les rapports au travail, l’instauration de droits nouveaux importants est nécessaire pour les Comités d’entreprise, les syndicats, les salariés afin d’élargir les possibilités de contrôle, de transparence, de propositions notamment en matière de licenciements, d’utilisation de l’argent public, de conditions d’embauche, d’organisation du travail et de sécurité au travail.
Une saine et véritable réforme de la Protection sociale est toujours à l’ordre du jour mais, dans le même temps, le plan Juppé, qui a tenu une grande place dans les motivations qui ont conduit à un changement de majorité, continue de s’appliquer et provoque de vives réactions à propos de la réforme hospitalière.
Nouvelle loi sur l’immigration.
La CGT propose de stopper immédiatement son application. C’est la condition pour que la remise à plat des problèmes, que nous réclamons depuis des mois, ait un sens et permettre un examen dans a priori des besoins, des dépenses et des recettes en vue de définir une orientation nouvelle, rendue plus urgente encore par les prétentions ouvertement affichées par les assureurs privés, notamment AXA, de privatiser la protection sociale.
Enfin, la CGT entend bien défendre ses propositions pour une nouvelle loi sur l’immigration, permettant de réaffirmer le droit du sol, de favoriser le regroupement familial, de régulariser les sans-papiers et de définir des règles claires et saines en matière de politique de l’immigration.
Nous sommes donc dans un environnement marqué non seulement par une hostilité patronale affirmée à l’égard de toute disposition allant dans le sens du progrès social, mais pas une démarche gouvernementale qui pour le moment, tout en affichant une volonté différente, a du mal à se dégager des orientations précédentes et tend à devenir une stratégie à risque en regard de l’urgence de certaines dispositions à prendre.
D’autant que les préoccupations vis-à-vis de la construction Européenne renforcent les incertitudes quant à l’évolution de la situation française.
Le sommet d’Amsterdam a montré l’importance des contradictions et des approches divergentes qui se précisent au fur et à mesure du rapprochement d’échéances lourdes.
La question de savoir si la construction européenne va se donner des moyens d’intervention pour impulser une dynamique économique, industrielle et sociale nouvelle, est essentielle.
Or, le refus ferme du chancelier Kohl, de toute augmentation de la contribution financière, fait peser une lourde hypothèque sur le Sommet de l’emploi prévu pour Novembre à Luxembourg.
Il est donc plus que nécessaire que la pression revendicative prolonge les initiatives des huit ou dix derniers mois. La CGT souhaite que se créent les conditions pour l’organisation d’une manifestation à Luxembourg à l’occasion de ce Sommet et fera tout pour contribuer à sa réussite.
Cet ensemble conduit la CGT à appeler les salariés à placer résolument cette rentrée sous le signe de la mobilisation dès le début du mois de septembre, sans attendre la conférence annoncée sur l’emploi, les salaires, la réduction du temps de travail. Pour sa part, la CGT souhaite la tenue de cette conférence avant la fin septembre et fera tout son possible pour qu’il en sorte des mesures et des objectifs concrets sur les questions à l’ordre du jour.
C’est pourquoi nous avons appelé l’ensemble de nos organisations à organiser, dès la reprise de l’activité :
* Un grand nombre d’assemblées, de réunions de syndiqués, de salariés,
* À impulser le dépôt de cahiers de revendications,
* À exiger des discussions sur les salaires, l’emploi, la réduction de la durée du travail, des droits nouveaux et, dans un premier temps,
* À favoriser toutes les actions possibles, sous toutes les formes possibles, en continuant de travailler d’arrache-pied à la construction d’objectifs et d’initiatives unitaires.
Une rencontre entre les grandes confédérations.
Les enjeux sont importants, importants pour l’immédiat, importants pour le devenir des perspectives de construction d’une politique réellement nouvelle.
La CGT souhaite de toutes ses forces parvenir à une convergence des objectifs et positions de toutes les forces syndicales du pays sur les grands dossiers de la rentrée.
Même si nous en mesurons les difficultés, nous souhaitons qu’une telle recherche favorise une rencontre entre les grandes confédérations pour, précisément, tenter de dégager quelques objectifs communs.
Dans cet esprit nous multiplions en ce moment les contacts et les discussions pour éclairer, dans des rencontres ou discussions bilatérales, les points d’accord possibles ou apprécier les différences d’approche qui peuvent exister.
Il serait hautement dommageable de donner au patronat la possibilité de jouer une nouvelle fois sur les divisions pour se tirer à bon compte de exigences à son égard et dont nous devons être tous porteurs, si possible ensemble !
J’ai lu, ces derniers jours, que la perspective des élections prud’homales allait peser négativement dans les relations syndicales.
Personnellement, je souhaite que la vie démente ces prédictions, en tous cas la CGT n’est pas dans un tel état d’esprit.
Certes, les organisations vont porter leurs objectifs, et c’est légitime.
Mais les enjeux vont bien au-delà du seul problème de la représentativité de chacun.
Il a fallu force d’engagements de nos organisations pour gagner l’enjeu des inscriptions en volume et atteindre les quinze millions huit cent mille inscrits (salariés et employeurs) et poursuivre les efforts pour faire corriger le million et demi d’erreurs ou d’anomalies, objectif qui est atteint pour partie seulement.
Au-delà, c’est la bataille du vote qu’il faut gagner, et c’est l’intérêt de tout le mouvement syndical de la gagner, car l’explosion de la précarité, du chômage, sont autant d’obstacles à une perception de l’intérêt de la juridiction prud’homale.
La multiplication des situations conflictuelles entre employeurs ou salariés donne pourtant la pleine mesure de l’utilité des Prud’hommes, plus encore aujourd’hui qu’hier.
L’intérêt bien compris du syndicalisme dans son ensemble serait, au contraire, de faire progresser les positions convergentes, ce qui donnerait confiance et susciterait l’attrait des salariés pour donner du poids à la juridiction prud’homale.
C’est pourquoi la CGT va s’appuyer sur les 1 500 collectifs identifiés actuellement, mis en place pour développer ses efforts sur le terrain c’est-à-dire les entreprises, les localités, les zones industrielles.
Nous avons 2 500 conseillers et conseillères élus, soit 30% des 7 000 sièges à pourvoir, si nous avons l’ambition, non seulement d’avoir des listes concrètes, mais d’avoir 200% des candidatures nécessaires. Nous enregistrons à ce jour 7 000 candidatures, c’est-à-dire que nous sommes à mi-chemin, mais nous voulons profiter de l’opportunité de la campagne pour développer nos efforts de reconquête et donner de l’élan au débat sur le syndicalisme, sur sa place, son rôle et ses responsabilités pour favoriser l’intervention des salariés.
Les événements survenus depuis 1995, en France, en Europe, dans le monde, comme le récent conflit d’UPS aux États-Unis, témoignent d’un changement sensible de l’état d’esprit, partout, vis-à-vis du syndicalisme et de l’action revendicative.
A nous d’en confirmer la portée.