Texte intégral
La Lettre confédérale CFTC - N° 717 du 15 au 21 septembre 1997
Les temps de la vie
Ce mercredi 10 septembre, la CFTC a ouvert le bal des consultations chez Martine Aubry pour la préparation de la conférence nationale sur l'emploi, les salaires et le temps de travail. Nous avons fait entendre les fortes attentes des responsables CFTC réunis à Paris les 4 et 5 septembre derniers.
Si l'on devait s'en tenir aux déclarations patronales actuelles, la conférence irait à l'échec. Il faut absolument mettre de l'ordre dans les emplois précaires, le temps partiel imposé et les nombreux abus de droit.
Il est temps de négocier, dans les branches et les entreprises, la réduction du temps de travail avec création d'emploi. L'incitation de l'Etat est indispensable, en particulier à partir de la loi Robien. C'est la négociation qui permettra de prendre en compte la diversité des situations des secteurs et des salariés, cadres ou non-cadres par exemple.
Mais il faut aussi parler des temps de vie et de l'harmonisation entre vie familiale, vie professionnelle, vie associative, formation... et du libre choix des familles.
La question de la politique familiale reste un sujet de vive préoccupation du mouvement. Le Bureau confédéral s'est prononcé pour le renforcement de l'action. C'est aussi une manière de faire entendre notre différence.
La vie à défendre - septembre 1997
L'éditorial du Président
De fortes attentes
Tout l'été nous avons mené l'enquête pour évaluer la situation sociale dans sa diversité. Le baromètre qui en résulte montre un monde du travail inquiet des multiples incertitudes de l'avenir. Il fait apparaître des salariés dans l'attente de décisions qu'ils craignent où qu'ils espèrent.
Les programmes de privatisation ont été remis en question par le changement de majorité parlementaire et les personnels concernés demandent à être au clair sur leur avenir. Ils veulent savoir ce qui se prépare. Ils veulent participer au moins au volet social des décisions.
Les restructurations, les filialisations, les cessions d'entreprises, les fermetures avec expatriation de l'activité, les plans sociaux, sont évidemment parmi les sujets de préoccupations les plus graves que les militants vivent sur le terrain.
Toutes ces attentes peuvent se regarder à partir de la question sociale du travail. Ne nous faisons pas d'illusions : si les décideurs restent frileusement dans l'orthodoxie économique libérale, la question de l'emploi ne sera peut-être - résolue que dans vingt ans et d'ici là nous aurons gâché les chances de millions de jeunes.
C'est pourquoi la CFTC soutient les mesures visant à permettre l'embauche dès maintenant de nombreux jeunes pour répondre à des besoins non satisfaits de la vie quotidienne ou à des besoins pour le long terme. La meilleure manière de partager le travail, c'est de le multiplier. Mais ce ne doit pas être des emplois au rabais ou des formules d'attente qui se transformeraient en impasses. La conférence nationale de l'automne sur l'emploi et les salaires doit être l'occasion de mobiliser aussi bien les partenaires sociaux que l'action publique, chacun selon ses responsabilités propres.
L'excès de travail, la précarité abusive, le travail non ou insuffisamment rémunéré, sont autant d'atteintes à la dignité des travailleurs. Nous voulons humaniser le travail et nous faisons des propositions concrètes pour améliorer la protection des salariés contre l'arbitraire.
Malgré les difficultés, notre méthode restera la négociation d'abord, et la médiation des conflits chaque fois que nécessaire. Le rapport sur la prévention des conflits pour le Conseil économique et social par notre ami Guy Naulin, est d'ailleurs une étape très importante à ce sujet.
Nous voulons négocier dans les entreprises une réduction du temps de travail qui change réellement les comportements (loi Robien, semaine de quatre jours, systèmes de retraites anticipées...) avec créations d'emplois, grâce à l'appui des fonds publics destinés à garantir les salaires.
Mais au-delà de l'ensemble des revendications techniques, nous voulons montrer que les travailleurs sont maîtres de leur destin. Dans une société « sans carte ni boussole », la CFTC tient le cap des valeurs sociales chrétiennes qui sont à la racine de son action. Ces valeurs permettent de mobiliser sur les vraies attentes des jeunes, des salariés, des chômeurs, des retraités, des familles, pour transformer notre société en profondeur.
En août, Paris, ville d'accueil, a vu plus d'un million de jeunes du monde entier, dont de nombreux français, se rassembler autour du vieil homme en blanc. Le syndicaliste CFTC ne peut rester aveugle et sourd à un tel événement. Nous avons vu et entendu l'appel joyeux de la jeunesse, dans sa diversité, à dépasser les haines, les sectarismes et les conformismes pour retrouver la fraternité et la soif de l'essentiel. Cette soif était celle de Frédéric Ozanam, précurseur du catholicisme social, face à la misère ouvrière des premières décennies de la révolution industrielle. Elle fut celle de Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart-monde pour aider toutes les détresses de la société industrielle, aujourd'hui confrontée à la nouvelle misère, celle due à la mondialisation de l'économie.
Face à l'inconnu de l'avenir, une conviction s'affirme : la dignité sacrée et intangible de chaque personne humaine, si faible et humble soit-elle. Cette affirmation persévérante, héritière de notre histoire, donne force et confiance. Un monde nouveau est à construire, qui dépasse les idéologies et les chapelles. Un monde de fraternité, de justice et de prospérité. Les militants CFTC s'engagent à participer à cette construction, dans le domaine de leurs responsabilités.