Interview de M. Yves Cochet, porte-parole des Verts, à RTL, le 19 septembre 1997, sur la position des Verts sur la politique gouvernementale, notamment sur l'immigration clandestine, la réduction du temps de travail, la pollution atmosphérique et les élections régionales en 1998.

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RTL : Depuis que Dominique Voynet est au Gouvernement, votre mouvement s’est fait entendre ?

Yves Cochet : Et il continuera. Je crois qu’on a une position constructive. Parfois, évidemment, il peut y avoir quelques différences de propositions avec celles du Gouvernement. Dominique Voynet, je crois, défend tout à fait à la fois les intérêts de la population et les orientations des Verts au Gouvernement et nous à l’Assemblée.

RTL : Ça a bien commencé pour le canal Rhin-Rhône, Superphénix…

Yves Cochet : … Le Carnet aussi.

RTL : Oui, pour le Carnet aussi, mais il y a Roissy, la nouvelle piste, et les 35 heures. Et nous venons d’apprendre que Lionel Jospin remet en cause l’accord Verts-PS sur l’autoroute A87.

Yves Cochet : Il n’y avait pas de numéro d’autoroute dans l’accord Verts-PS, il y avait simplement une possibilité de ralentir le programme autoroutier, il a été ralenti car l’A58 et l’A51, elles, sont ralenties et même suspendues pour l’instant. Quant aux 35 heures…

RTL : … Oui, mais vous dites que vous remettez en cause cet accord.

Yves Cochet : Non, non.

RTL : C’est un communiqué que je vois, en provenance de l’AFP : « Les Verts ont estimé vendredi que, en signant le décret de concession de l’A87, Lionel Jospin remet brutalement en cause l’un des points de l’accord électoral Verts-PS. »

Yves Cochet : Il n’y avait pas, je le répète – puisque j’étais en partie son rédacteur –, de numéro d’autoroute dans cet accord. Par contre, en ce qui concerne les 35 heures, moi j’ai bon espoir qu’à la suite de la conférence nationale qui va s’ouvrir le 10 octobre, organisée par Lionel Jospin et Martine Aubry, eh bien il y ait rapidement, c’est-à-dire au début de l’année 98, une proposition de loi de notre part ou bien un projet de loi de Martine Aubry et que l’on ait les 35 heures au 1er janvier 1999.

RTL : N’avez-vous pas le sentiment que, tout au début, Lionel Jospin vous a donné des gages et que, maintenant, cela commence à coincer sur certains points ?

Yves Cochet : Non, parce qu’il sait que, à la fois du point de vue gouvernemental où Mme Voynet a acquis une stature très forte, et au point de vue parlementaire, il ne pourra rien faire sans nous. C’est-à-dire que chaque groupe compte : il y a le groupe socialiste qui est le plus fort, le plus gros, mais qui n’a pas la majorité absolue ; le groupe communiste, et puis le groupe RCB dont je fais partie avec les Verts, et qui arithmétiquement et politiquement compte pour avoir une majorité.

RTL : Est-ce qu’on peut traduire ce que vous venez de dire comme étant une menace ?

Yves Cochet : Non, pas du tout. Pour l’instant moi, je ne vois pas du tout de menaces ni de nuages…

RTL : Une mise en garde en tout cas ?

Yves Cochet : Une mise en garde parce qu’il y a des projets de loi qui peut-être ne nous plairont pas.

RTL : Lesquels par exemple ?

Yves Cochet : Le projet de loi Chevènement sur le code de la nationalité, l’immigration, etc., à la suite du rapport de Patrick Weil qui était un rapport ambigu, mais intéressant et d’ailleurs qu’on a reçu à l’Assemblée encore hier les avant-projets qu’on a vus dans la presse – donc ce sont vos confrères et pas M. Chevènement – ne nous semble pas encore à la hauteur des ambitions et de la tradition de la France.

RTL : Sur ce que vous avez pu lire, vous serez intraitable ?

Yves Cochet : On veut l’abrogation des lois Pasqua-Debré, cela est sûr.

RTL : Il est difficile de tenir ses convictions quand on est au pouvoir ?

Yves Cochet : Il faut faire des compromis tous les jours, mais de tous les côtés. Je pense que Lionel Jospin en fait, les communistes en font, nous aussi et c’est une bonne manière de gouverner la France.

RTL : Oui, mais précisément, jusqu’où les Verts peuvent être solidaires du Gouvernement sans renier leurs convictions ?

Yves Cochet : Nos convictions à long terme ne sont pas les mêmes que celles de socialistes ou des communistes. Par contre, les convictions à court terme ont été scellées par un accord écrit qui prendra cinq ans pour avoir tous ses effets. Et les trois premiers mois et demi sont bons.

RTL : Avant de passer aux élections régionales, il y a un événement d’actualité cet après-midi : une pollution au dioxyde d’azote à Paris, le niveau 2 a été atteint. Procédure d’alerte, il s’agit du premier pic de pollution de dioxyde d’azote depuis le mois de mars.

Yves Cochet : Le problème est, je crois, que les procédures sont mal faites. Il faudrait que la météo nationale qui sait faire les anticipations à cinq jours – on le voit parfois – y compris sur votre antenne, eh bien puisse avertir ou en tout cas que les ministères en soient avertis et que notamment celui de Mme Voynet puisse dire : il est possible que dans deux jours il y ait un pic de pollution dû – non à la météo –, mais essentiellement aux voitures et aux camions. Il faut prévoir selon la météo, mais aussi parce qu’il y a des voitures notamment en Île-de-France, qu’on puisse ralentir la circulation. C’est-à-dire interdire aux camions d’aller sur le périphérique et puis limiter le nombre de voitures en ville.

RTL : Vous pensez que cela peut être accepté. Vous avez entendu les réactions des syndicats de poids-lourds, de chauffeurs routiers ?

Yves Cochet : Il y a deux catégories socio-professionnelles : les routiers d’un côté et les agriculteurs de l’autre, qui se permettent beaucoup de choses en France. Je trouve que cela a trop duré. Ils sont à la fois très durs dans leurs manifestations, même parfois violents, et d’autre part, ils ont des moyens de blocages alimentaires ou de transport de la France qui sont assez terribles et que je regrette. Je crois qu’il faut être assez ferme avec eux.

RTL : À propos des prochaines élections régionales : Marie-Christine Blandin, présidente de la région Nord-Pas-de-Calais, laisse attendre que les Verts mettent le maintien de ce mandat dans la balance dans les négociations avec le PS. Est-ce que vous confirmez ?

Yves Cochet : C’est exact. Marie-Christine Blandin a bien fait son mandat depuis cinq ans. Cela a été une excellente présidente de région. Nous souhaitons qu’il y ait un accord régional et des listes d’union de l’ensemble de cette majorité plurielle dans la plupart des départements et que Marie-Christine Blandin puisse conduire la liste dans le Nord et finalement redevenir présidente de la région.

RTL : Vous souhaitez d’autres présidences de région ?

Yves Cochet : Une autre. Nous réfléchissons sur quelle région. On n’a pas de tabou, donc on en exclut aucune, y compris l’Île-de-France.

RTL : Voilà, ce que je voulais entendre.