Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, secrétaire général et président par intérim du RPR, sur le souhait de faire l'union de l'opposition pour l'élection européenne, sur le programme électoral du RPR et sur le soutien du RPR à la politique européenne du Président de la République, Paris le 24 avril 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Nicolas Sarkozy - secrétaire général et président par intérim du RPR

Circonstance : Convention nationale du RPR à Paris le 24 avril 1999

Texte intégral

Mes chers amis, mes chers compagnons,

Est-il nécessaire de vous dire mon émotion en ce moment si fort de l'histoire de la famille gaulliste ? Est-il nécessaire de décrire le poids des responsabilités qui, depuis huit jours, pèsent sur mes épaules ?

Ai-je seulement le droit de vous dire que, si cette dernière semaine fut rude – j'en ai bien conscience – pour chacun d'entre vous, je n'ai moi-même pas le sentiment d'avoir été particulièrement ménagé ? Je vous demande de le croire aussi sincèrement que simplement.

Aussi, vous voir ce matin aussi nombreux, aussi rassemblés, aussi mobilisés, aussi attentifs, constitue déjà en soi une première victoire. Permettez-moi de la dédier à tous ceux qui, avec imprudence et parfois avec arrogance, évoquaient la disparition de la famille gaulliste.

La vision de cette tribune où sont rassemblées, et j'en remercie chacun du fond du coeur, toutes les sensibilités, toutes les personnalités, toutes les générations, constitue une victoire.

Non, nous n'avons pas toujours été d'accord sur tout. Mais aujourd'hui nous sommes d'accord sur l'essentiel : sauvegarder l'unité du mouvement gaulliste. Cette salle et cette tribune sont la preuve que nous sommes vivants et déterminés à écrire une nouvelle page du mouvement gaulliste. Je dédie cette tribune du fond du coeur à tous ceux qui n'ont jamais rien compris à l'état d'esprit de la famille gaulliste. Notre identité, c'est notre unité et je ne suis prêt à brader ni l'une, ni l'autre ! Ici, ce matin, résonne le coeur de la famille gaulliste ; une famille qui n'aime rien tant qu'on la croit abattue ; une famille qui a démontré tout au long de son histoire qu'elle savait combattre et relever la tête ; une famille qui sait faire bloc quand l'essentiel est en cause. Aujourd'hui, il l'est ! C'est pour cela que je suis venu vous dire que je vais siffler la fin de la récréation pour nos adversaires, la fin des imprécations faites à la famille gaulliste.

Ce matin devant vous, je vais donner le départ d'une formidable occasion de rencontre avec les Français pour leur dire notre part de vérité. Chacun comprendra que mes premiers mots soient pour Philippe Séguin.

Je veux remercier Philippe avec qui j'ai partagé tant de choses pendant vingt et un mois. Je veux d'abord le remercier pour son action à la tête de notre mouvement. Nous lui devons – je lui dois – la réconciliation de 1997. Moi, plus qu'aucun autre, je dois lui en être reconnaissant. Nous lui devons l'accentuation de la démocratisation de notre mouvement avec l'élection du président aux suffrages de tous les militants. C'est encore à Philippe Séguin que nous devons l'affirmation intransigeante du débat d'idées sur les sujets les plus essentiels.

Mais je veux le remercier plus encore pour les relations que nous avons entretenues durant vingt et un mois. Elles furent loyales, confiantes, amicales. Les épreuves n'ont jamais entamé cette solidarité, et pourtant, qu'il me soit permis de dire qu'elles n'ont pas manqué. Il y eut les régionales, préparées dans l'urgence : tous exigeaient l'étiquette du RPR ; certains l'oublièrent dès le lendemain de l'élection. Il y eu le vent de panique qui s'est emparé d'un certain nombre de nos amis lorsqu'il s'est agi de refuser l'alliance contre-nature, explicite comme implicite, avec un Front National alors au sommet d'une gloire douteuse. Il y eut la présidence du Sénat où déjà on a vu pointer le handicap que représentait, pour certains, le fait d'être gaulliste. Un gaulliste à la tête du Sénat : l'objectif était à nos yeux raisonnable. Sans doute n'avions-nous pas compris qu'il était impardonnable aux yeux de certains autres. Pour ma part, je vous dis que Philippe peut être fier d'avoir contribué à mettre Christian Poncelet à la tête du Sénat. Christian est parmi nous aujourd'hui. La présidence du Sénat est entre de bonnes mains.

Comme si cela ne suffisait pas, il y eut Rhône-Alpes belle et grande région de France où l'on nous a expliqué, à Philippe comme à moi, que la morale et la transparence en politique consistaient à faire entrer le RPR dans une grande et belle alliance constituée de soixante voix de gauche pour douze de droite. Non, mes chers amis, nous n'avons voulu ni du Front National, ni du Front républicain, parce que notre ligne politique passe par l'absence de toute alliance avec la gauche ou l'extrême droite. La seule alliance qui vaille à nos yeux est celle de nos valeurs, de nos idées, de nos convictions. Voilà notre stratégie de la morale et de la transparence.

Et puis il y eut encore Paris, où il a fallu que Philippe déploie des trésors de diplomatie et de patience dont j'avoue qu'il m'est arrivé de ne pas toujours l'en croire capable. Nous formions un tandem complémentaire. Au-delà de nos différences, nous symbolisions la fin des disputes, la volonté de s'entendre, l'horreur qu'ont appris à avoir de la division nos militants comme nos électeurs. Philippe Séguin a choisi de quitter la présidence de notre mouvement. C'est sa décision. Je la respecte. Je la regrette et je vous demande de vous interdire de la commenter. Si Philippe est notre ami, ses choix sont respectables ; il  n'est pas temps de les commenter. Depuis son départ, je l'ai vu. Nous nous sommes longuement parlé. Il m'a chargé de vous dire qu'il restait l'un des nôtres, membre à part entière du Rassemblement pour la République. Il m'a assuré de son soutien. Qui pourrait douter que j'en aurai plus qu'un autre besoin ?

Avant toutes autres choses, j'ai bien conscience que je vous dois maintenant des explications sur le choix politique dont j'assume pleinement la responsabilité : celui d'avoir proposé l'union à nos partenaires de l'opposition. J'ai bien l'intention aujourd'hui comme demain de parler avec beaucoup de franchise. Je n'ai aucune raison de cacher quels furent nos tourments et les épreuves de cette semaine. Je dois la vérité, en tout cas ma part de vérité, aux élus, cadres, militants réunis aujourd'hui.

Oui, j'ai proposé l'union à nos partenaires de l'opposition. Certains parmi vous me l'ont reproché. C'est leur droit.

D'autres n'ont pas compris cet acharnement unitaire. Force m'est de reconnaître qu'ils avaient des arguments.

D'autres encore, présents dans cette salle, se sont sentis humiliés quand ils ont vu la façon dont le Rassemblement pour la République et ses dirigeants étaient traités. Mes chers amis, je n'ignore rien de tout ceci. Je sais qu'à ma manière, j'ai contribué à troubler un certain nombre d'entre vous. Vous demandiez l'identité et j'étais une semaine durant la main tendue pour proposer l'union. Même si je n'ignore rien du trouble engendré au sein de notre mouvement, je vous dois la sincérité : si c'était à refaire, je le referais !

Je recommencerais à tendre la main de l'union à nos partenaires, et ce pour au moins trois raisons.

La première réside dans l'idée que je me fais de la responsabilité politique. Pour être à la hauteur de ses responsabilités, il faut savoir privilégier l'intérêt général sur les intérêts partisans. J'ai considéré à tort ou à raison que l'intérêt de l'opposition dans son combat contre la gauche commandait l'union, et cela même – surtout, dirais-je même – si ceci imposait un effort pour chacun de nous. Je suis persuadé que quand on fait de la politique, on se grandit toujours en sachant se mettre au service d'une oeuvre collective ; tant pis si tous, dans l'opposition, ne partageaient pas notre ambition. La seconde raison tient à la situation internationale qui commandait, alors que nos soldats sont exposés dans le conflit du Kosovo, que nous fassions l'union derrière la politique du Président de la République pour le soutenir, pour l'aider, pour le conforter. J'ai proposé en votre nom un programme commun pour notre liste : la politique européenne de Jacques Chirac, toute sa politique, mais rien que sa politique. Cela aussi m'a été refusé.

La troisième raison qui m'a fait tendre la main, ce sont nos électeurs. Vous tous, dans vos départements et vos régions, le savez : nos électeurs réclamaient l'union. Ils espéraient que de toutes ces épreuves, nous aurions la force de faire les conditions d'un sursaut pour partir à la reconquête, pour redonner espoir, pour bâtir l'avenir. Une fois encore, je ne suis heurté au refus des intérêts partisans. Dans le même temps, alors que l'un, dans l'opposition, refusait obstinément la main que je lui tendais, l'autre –il me faut rendre l'hommage qu'il mérite au président de Démocratie Libérale, Alain Madelin – durant toute cette semaine n'a cessé de relayer, de soutenir, et d'encourager tous nos efforts en faveur de l'union et du soutien à la politique européenne de Jacques Chirac.

Je veux d'autant plus l'en remercier que les conditions du départ de Philippe Séguin de la tête de la liste qu'ils menaient ensemble avec le talent qu'on leur connaît auraient pu légitimement le porter vers des sentiments d'amertume qu'à aucun moment il n'a pourtant exprimé.

Mes chers amis, là encore, je crois que la formation gaulliste se grandit en identifiant ceux qui ont aidé à l'union et ceux qui l'ont combattue. Ce rappel, mes chers compagnons, je vous le devais ; non pour régler des comptes médiocres et en l'occurrence faciles. Ce que je vous dis ce matin est présent à longueur d'articles et de bulletins radio ou télédiffusés. Je n'ai aucun compte à régler, parce que ceux qui me connaissent savent bien que mon tempérament me pousse vers l'action, vers le positif, vers demain. Et je veux vous dire, même si c'est difficile à entendre pour vous, et à dire pour moi, que justement demain, après cette campagne, toute l'opposition devra réapprendre à travailler ensemble. Car ce n'est qu'ensemble que nous gagnerons ; séparés, nous perdrons. J'aurais préféré que nous déclinions ce mot « ensemble » pendant la campagne. Mais je n'oublie pas, car que je suis responsable politique, qu'il nous faut penser à après-demain autant qu'à demain.

Nous le ferons sur de nouvelles bases. Et je dois me refuser obstinément à créer les conditions d'un fossé infranchissable avec François Bayrou et même avec Charles Pasqua ; encore que les propos de ce dernier indiquant publiquement que les voix qui se porteront sur sa liste ne pourront pas être considérées comme appartenant à la majorité présidentielle laissent mal augurer des suites de sa campagne à l'endroit du Président de la République.

Mais c'est justement parce que je respecte les personnes, parce que je veux entretenir aucune polémique inutile – on ne gagne pas à entretenir des polémiques inutiles -, parce que je veillerai à ce que mes propos ne blessent pas, que je revendique aujourd'hui devant vous, en votre nom, le droit – j'allais dire le privilège – de participer à la prochaine campagne pour les élections européennes de la façon la plus libre, la plus franche, la plus transparente, la plus moderne qui soit. On ne peut pas dire au RPR « je refuse l'union parce que je veux le débat européen » et s'étonner qu'après avoir refusé les conditions de l'union, le RPR s'engage de toutes ses forces pour porter le débat des idées.

Je vais donc mener ce débat avec la gourmandise, l'énergie, la sincérité dont vous me savez capable quand des esprits bien intentionnés choisissent à mon avis imprudemment de nous solliciter, de nous provoquer, voire de nous stimuler. Chacun à son tour, quand le moment viendra, aura droit à notre attention et à notre sollicitude.

Et d'abord, à tout seigneur tout honneur, François Hollande, celui qui sera durant toute cette campagne mon premier adversaire.

Parler de François Hollande est un bien rude épreuve… Il y a effectivement si peu à dire sur lui ! Je ne voudrais pas participer à cette forme de débat agressif qu'il a visiblement souhaité engager. J'ai vu dans la presse qu'il s'intéressait à moi. Nommé par François Mitterrand à son cabinet – mais c'est sans doute un nom qu'il a perdu l'habitude de prononcer ; nommé par Lionel Jospin à la tête du parti socialiste : l'histoire politique personnelle de François Hollande ressemble à s'y méprendre à la platitude des forêts landaises, chères au coeur d'Alain Juppé. Je comprends parfaitement qu'il ne se reconnaisse pas dans mon histoire personnelle. Après tout, nous verrons lequel de nos tempéraments correspond le mieux à une belle campagne pour les élections européennes.

François Hollande, je vous vois tellement à l'aise à pérorer devant les journalistes, à vous exprimer devant les militants du Parti Socialiste. François Hollande, vous avez passé une soirée délicate avec moi il y a deux mois. Je vous propose votre revanche quand vous voulez, où vous voulez, avec qui vous voulez. Je vous garantis que vous passerez la plus mauvaise soirée de votre campagne électorale. En tout cas, c'est bien sa politique, celle des socialistes, que je combattrai. Quel est le pays d'Europe qui propose les 35 heures comme solution au chômage ? Il n'y en a aucun !

Ces 35 heures constituent une erreur économique prodigieuse ; on voit bien qu'elles ne créeront pas le moindre emploi. Ces 35 heures sont le contraire de ce que doit être une politique sociale, car elles se traduiront par la diminution des salaires de milliers de salariés. Ces 35 heures sont un formidable contresens idéologique. Ce n'est pas le travail qui effraie les Français, mais le chômage, dans ce qu'il a de plus monstrueux lorsqu'il détruit le tissu social, lorsqu'il aliène la dignité de l'homme, lorsqu'il va même jusqu'à lui faire perdre son identité.

Je propose que le parti socialiste modifie son décor de campagne et inscrive en toile de fond – là où nous avons inscrit « Ensemble » - cette belle phrase du chancelier socialiste allemand Schröder : « les 35 heures en France, c'est une formidable nouvelle pour les travailleurs allemands ! »

Quel est le pays d'Europe qui propose comme solution au chômage des jeunes de les envoyer exercer le métier épanouissant « d'agents d'ambiance » dans nos administrations, alors même que la France ploie sous le poids des dépenses publiques trop lourdes, des charges trop fortes et d'impôt confiscatoires ? Nous paierons de milliers de chômeurs supplémentaires les faux emplois Aubry qui se traduiront pour Strauss-Kahn par de vraies dépenses qui, à leur tour, empêcheront nos entreprises, nos commerçants, nos artisans de créer les emplois de demain pour les jeunes d'aujourd'hui.

Je propose que le parti socialiste fasse aussi sienne cette belle maxime du Premier ministre socialiste anglais, Tony Blair, s'adressant à mes collègues de l'Assemblée Nationale : « chers amis français, il y aura toujours une place au Royaume-Uni pour ceux de vos compatriotes qui, empêchés de créer des richesses en France, sont les bienvenus pour le faire chez nous ».

La France de Monsieur Jospin doit-elle se résoudre à cette politique socialiste qui la rend accueillante exclusivement pour les sans formation, les sans emplois et les sans papiers ? Quand on rend impossible la création de richesses et d'emplois en France, il est inutile de s'étonner que nous ayons en matière de chômage les plus mauvais résultats d'Europe.

Quel est le pays d'Europe qui propose comme solution à l'immigration clandestine la régularisation, tous les dix ans, de tous les malheureux clandestins ? A l'exception du communiste reconverti d'Alema en Italie, je n'en vois aucun, pour la bonne raison que cette politique est aux antipodes de ce que l'intérêt national et la dignité des hommes imposeraient que l'on fît !

Laisser à penser qu'il y aurait une place en France pour tous ceux qui le souhaitent est une grave erreur humaine. La coopération, l'aide au développement, le retour de ceux qui n'ont aucun espoir chez nous sont les seules solutions compatibles avec l'idéal gaulliste qui fait à la France le devoir d'aider les pays du Tiers Monde. Puisque notre liste sera la seule à s'opposer franchement aux socialistes, il ne faudra pas trop vous retenir, mes chers compagnons. Nous serons les seuls opposants. Nous serons les premiers opposants. Tous les coups seront pour nous. Nous devrons rendre la réciproque crédible. Il faut considérer cet état de fait comme un honneur. Si le RPR est la première force d'opposition à la pensée socialiste dans notre pays, nous devons tous ensemble accepter d'en payer le prix.

A Robert Hue, je n'aurai qu'une chose à dire. Je partage si peu avec les communistes ! Quand son pays est en guerre, quand nos soldats risquent leur vie, quand on est un patriote, on n'a qu'une seule chose à faire : soutenir la politique de la France telle qu'elle est conduite par le Président de la République. A moins que la solidarité du parti communiste français avec le dernier stalinien d'Europe, Monsieur Milosevic, soit décidément la plus forte ! Et que dire de ces trois malheureux ministres communistes qui, le matin, soutiennent indéfectiblement Lionel Jospin et son gouvernement et qui, le soir venu, manifestent violemment contre la politique du même Lionel Jospin. La seule chose à comprendre, c'est que le parti communiste français n'a pas changé. Je veux maintenant vous demander votre attention et votre sens de la mesure ; je veux vous demander de vous comporter en responsables politiques. Je veux en effet m'adresser maintenant à ceux qui restent nos amis – car demain nous devrons retravailler ensemble :

Aux centristes, je dirai que leur attachement à l'idée européenne est parfaitement respectable ; j'ai d'ailleurs avec beaucoup d'entre eux partagé bien des espérances  de cet engagement. Je n'ai aucunement à m'en cacher. Chacun ici le sait. J'ai voté « oui » à Maastricht. J'ai voté « oui » à Amsterdam. J'aurai l'occasion de le répéter : je crois profondément en cette formidable aventure que représente la construction européenne. Mais je le demande à nos amis centristes : pourquoi vouloir en faire un objet de secte ? Pourquoi vouloir réserver cette idée forte qu'est l'Europe aux seuls tenants de l'ultra-européisme – comme il y a un ultralibéralisme ou un ultra socialisme ? Je ne me reconnaîtrai jamais dans aucun de ces « ultra ».

L'Europe mérite mieux que cela. L'Europe est l'affaire des pragmatiques, pas des idéologues ; des passionnés, pas des exaltés ; des raisonnables, pas des excessifs. L'ultra-européisme conduit à l'inverse du but recherché. Il écarte de la route de l'Europe tous ceux que nous devons y ramener. L'Europe est l'affaire des constructeurs, des bâtisseurs, sans doute des visionnaires ; pas des imprécateurs. L'Europe est l'affaire des gens passionnément raisonnables. Cela tombe bien : je me sens passionnément raisonnable.

Pourquoi diable regarder l'Europe avec les lunettes exclusives du passé, de la nostalgie, des quarante dernières années ? L'Europe fédérale, c'est l'Europe de grand-papa. Cette idée, déjà fausse, pouvait se comprendre dans une Europe à six pays dont les niveaux de développement économique étaient si voisins. Mais qui peut croire en l'avenir d'une Europe fédérale qui fusionnerait toutes les nations alors même que nous sommes quinze aujourd'hui, dix-neuf demain et sans doute plus encore après-demain ?

A moins que derrière cette conception archaïque de l'Europe fédérale, il y ait une autre idée fausse : la volonté de fermer la porte de notre Europe aux pays européens qui ont vécu si longtemps sous le joug de la dictature communiste. Alors, pour le coup, il y aurait un formidable désaccord entre les centristes et nous. Les gaullistes ne peuvent pas accepter que l'on ferme les portes de l'Europe à nos frères européens, démontrant ainsi – quel comble ! – qu'il serait plus facile de s'affranchir du joug communiste que de rentrer dans le camp de la liberté : quelle belle morale que celle qui consisterait à fermer les portes du progrès à ceux qui y aspirent. Il y aurait donc l'Europe des riches – la nôtre – et celle des pauvres – la leur. Les gaullistes ne peuvent l'accepter.

Et, quant à notre sécurité, qu'aurait-elle à gagner à laisser, entre la Russie, dont on ne sait trop où elle va, et nous, des millions d'Européens abandonnés à leur sort misérable, à qui nous dirions que nous avons décidé de leur fermer nos portes au nom du rêve d'une Europe fédérale qui n'est défendu dans aucun des quinze pays membres actuels ?

Je porterai en votre nom ce débat contre l'Europe fédérale ; je porterai le débat pour la Grande Europe, celle dont a toujours parlé le Général de Gaulle et celle qu'essaie de construire l'actuel Président de la République.

On parle beaucoup du Kosovo. J'aimerais qu'on en parle moins, et que chaque responsable politique, quelle que soit sa famille, cesse de s'auto-désigner chef de guerre, qui réclamant des initiatives, qui s'exprimant au nom d'informations qu‘il ne détient pas. Le Kosovo implique une solidarité totale. On doit soutenir, partager l'émotion des familles de nos soldats. On ne doit pas s'introniser au détour du moindre microphone chef d'état-major en chambre.

Néanmoins, le Kosovo est précisément la démonstration de ce que l'idée d'une Europe fédérale n'a aucun sens. Qui peut ici imaginer sérieusement qu'un pays souverain pourrait accepter d'envoyer ses soldats se battre à la suite d'une décision prise à la seule majorité des membres du Conseil européen, contre l'avis d'un gouvernement démocratiquement élu ?

Dans le domaine militaire comme dans le domaine diplomatique, l'unanimité est la seule règle crédible en matière de construction européenne. Oui, l'Europe mérite mieux pour les gaullistes qu'un débat idéologique, partisan, dépassé. L'Europe que nous allons construire est celle des quarante années qui viennent, pas celle des années cinquante. Les gaullistes – je le répéterai avec force – ne peuvent pas accepter que l'on fasse de la France une région incertaine de l'Europe des régions que nous avons toujours combattue et que nous n'accepterons jamais. A Charles Pasqua et à Philippe de Villiers, je veux dire plusieurs choses. La première est que je ne comprends pas la contradiction dans laquelle ils s'enferment en affirmant la vocation universelle du message de la France et, dans le même temps, en ayant peur que celui-ci se dissolve dans la construction européenne. Oui, la France a un message fort : ils ont raison de le dire. Je le crois tout comme eux – autant qu'eux : le gaullisme n'est pas une affaire d'âge. Mes chers amis, à chaque fois que quelqu'un revendique pour sa génération la propriété du gaullisme, c'est la fin du gaullisme qui se profile. Je n'ai connu qu'une famille politique, je n'ai eu qu'un combat politique. Ce n'est pas parce qu'on signe un papier avec Max Gallo ou qu'on fait de Régis Debray – qui n'est pas ma référence en matière de gaullisme ! – un membre de sa liste qu'on a des leçons à donner en la matière. Si le message de la France est fort, il n'a rien à craindre de la construction européenne.

La deuxième chose que je veux dire à Charles Pasqua et à Philippe de Villiers est que je ne comprends pas davantage cette seconde contradiction qui consiste à souhaiter que les Américains s'occupent moins des affaires de l'Europe – ce qui est à l'évidence souhaitable – et à affirmer, dans le même temps, qu'il y a trop d'Europe, alors qu'en matière de défense nous en manquons cruellement. L'Europe indépendante, l'Europe européenne à laquelle nous aspirons ne peut devenir réalité que dans la mesure où la France y occupe toute sa place. La France est un acteur. La France n'est pas un arbitre qui choisirait de regarder, de constater, sans jamais s'engager. Le 12 juillet, le soir de cette magnifique finale, vous étiez fiers de la France ; vous étiez fiers de nos joueurs. Mais vous étiez fiers parce qu'ils n'étaient pas vêtus de noirs, maniant un sifflet. La France n'était pas arbitre, elle était actrice.

La France que je veux défendre en votre nom est une France qui gagne, une France à coeur, une France qui porte son message ; pas une France rabougrie, frileuse, qui se réfugie derrière une ligne Maginot qui n'a jamais permis de résoudre nos problèmes. Plus il y aura d'Europe, moins les Américains auront la vocation ou la tentation à s'occuper des affaires de notre continent.

Je comprends encore moins cette troisième contradiction, la plus forte sans doute dans le positionnement choisi par Charles Pasqua et Philippe de Villiers, qui consiste à se lancer éperdument dans une entreprise de démolition systématique de la politique conduite par Jacques Chirac.

Le fait même d'appartenir à la majorité présidentielle – ce qui serait le minimum, convenons-en – est encore trop !

Quelles que soient les ambitions que l'on peut avoir pour la France, quelle que soit l'aversion que l'on peut avoir pour l'Europe, personne parmi nous ne peut croire que notre pays aurait à gagner à voir se prolonger le bail de Lionel Jospin et de la majorité plurielle. Or, attaquer en période de cohabitation le Président de la République, c'est renforcer Lionel Jospin.

Je conseille donc à Charles Pasqua, plus amicalement qu'on ne le croit généralement, de réserver ses coups de boutoir à d'autres qu'au RPR, qu'à la famille gaulliste ou qu'au Président de la République.

Les gaullistes ne peuvent pas accepter une vision rétrécie, rabougrie, archaïque de la France. Les gaullistes se sont toujours inscrits dans la modernité du monde, tel qu'il est, pas tel que l'on peut en avoir la nostalgie. D'ailleurs, on se garde bien de nous indiquer quelle serait la stratégie alternative à l'Europe, pas plus que nous ne sommes convaincus par la cohérence incertaine d'un chemin qui a conduit, après en avoir appelé à la gauche, à terminer dans les bras de Philippe de Villiers qui, en matière de gaullisme, n'a jamais pêché par excès de zèle ! Cela au moins nous devons le lui reconnaître.

Et voilà donc qu'est venu le temps de faire tomber les masques. Dans cette campagne, chacun devra choisir de défendre ses arguments à visage découvert. Notre liste sera donc la seule à défendre, à proposer, à revendiquer l'Europe de Jacques Chirac. La France est en Europe, elle ne peut pas rester en marge. Quel serait son destin aujourd'hui s'il n'y avait pas eu de Marché commun, ni de politiques communes, à commencer par la politique agricole, ni d'organisation de la monnaie qui nous a rendu une partie de notre souveraineté monétaire ? Je l'affirme, parce que je le crois au plus profond de moi : grâce à l'Europe, la France est plus forte. Et nous ne devons pas craindre d'aller plus loin. Plus loin, cela veut dire une Europe de la défense. Oui, les Européens doivent, à l'avenir, d'abord compter sur leurs propres forces pour assurer leur sécurité, additionner leurs compétences pour développer une industrie européenne de l'armement, élaborer une vision européenne de la sécurité.

Mais il faut également avoir le courage de dire à nos partenaires européens que, pour être crédible, l'Europe de la défense doit pouvoir imposer la préférence communautaire pour l'équipement des armées de nos quinze pays. L'Europe de la défense n'est qu'une expression creuse si, après avoir construit une industrie d'armement européenne, nous continuons à laisser certains de nos partenaires se fournir auprès de l'industrie américaine.

Voilà ce que nous devons promouvoir. Et parce que je crois à l'Europe, je crois à la nécessité de la préférence communautaire.

Plus loin, cela veut dire construire une Europe sociale, seule solution pour préserver notre modèle de société fondée sur la protection que l'on doit au plus faible, sur les règles qui doivent s'imposer dans toute économie de marché. La liberté, ce n'est pas l'anarchie. Les règles sont nécessaires. Des équilibres doivent être trouvés.

J'ai lu que le mot « social » me ferait peur. Rentrons donc une fois encore dans le débat des idées : le « social », ce n'est pas pour nous – pour moi – le nivellement, l'assistanat, le minimum vital. Je ne considère qu'on a fait le nécessaire vis-à-vis de nos compatriotes accidentés de la vie lorsqu'on leur alloue 2 400 francs par mois de minimum vital. Je ne considère pas que la société a fait ce qu'elle devait faire parce qu'elle octroie le RMI à des malheureux qui n'ont d'autre horizon que d'aller pointer toute leur vie durant.

Si telle est la politique sociale des socialistes, alors je m'inscris en faux contre elle, car elle s'attaque non pas au chômage, mais à ses seules conséquences. Elle consiste de surcroît plus ou moins à acheter le silence de ces démunis. Si la politique sociale consiste à s'interroger sur le bien-fondé d'une cinquième semaine de congés payés ou de l'existence du droit de grève pour les chômeurs, ne comptez pas sur moi pour entrer dans sa logique.

La politique sociale que je souhaite défendre est celle de l'Europe de l'emploi, du travail, de la reconnaissance du mérite. Cette politique sociale est celle qui prône la récompense ; celle qui ne laisse personne sur le bord du chemin, parce qu'elle donne à tous la chance d'un travail. Oui, Monsieur Rocard, Madame Voynet, Madame Aubry : j'ose employer l'expression « la chance d'un travail ». Le travail est une chance, un élément de la dignité humaine.

Le « social » n'est pas la charité mais la reconnaissance en chaque homme d'un être humain unique à qui l'on doit faire confiance en lui donnant les moyens, par une formation adaptée, de faire vivre sa famille avec le fruit de son activité, même si cette activité est une activité d'utilité sociale. Oui, mes chers compagnons, si tout travail mérite salaire, je veux dire ma conviction profonde que toutes allocations méritent – ou imposent – également une activité. Pas d'activité sans salaire, pas de salaire sans activité.

Aller plus loin, c'est construire une Europe qui défende l'identité culturelle des pays qui la composent, au lieu de quoi nous subirons, sans même nous en rendre compte, une uniformisation venue d'ailleurs. L'Europe est profondément riche de sa diversité. C'est en cela qu'elle est porteuse d'un modèle de civilisation originale qui doit être défendu et promu.

Aller plus loin, cela veut dire qu'il convient de reconnaître que le nombre des commissaires est bien trop élevé, surtout dans la perspective de l'élargissement. Quelle drôle d'idée que celle qui consiste à tirer des conséquences de la démission de la Commission l'idée que son président devrait être élu au suffrage universel ! Justement, si cela n'a pas marché, c'est parce que la commission, à force de vouloir s'occuper de tout, a fini par ne plus rien contrôler. Celle-ci doit dont être remise à sa place, celle d'un organe essentiel, certes, mais à dimension administrative. La véritable légitimité de l'Europe reste pour nous le Conseil européen des chefs d'Etats et de gouvernements.

Finalement, dans cette campagne, nous serons les seuls à parler de l'Europe et de la France. Certains ne parlent que de l'Europe, en estimant que la France n'existe plus. D'autres ne parlent que d'une France d'il y a cinquante ans, une France de l'époque de Yalta, qui ne connaissait ni Internet ni même l'ordinateur. Nous, nous voulons être porteurs de ces deux mots ensemble ; parce que l'Europe est une grande partie de l'avenir de la France ; parce que la France est notre nation, notre patrie, notre identité. Or la nation est le cadre d'expression de la souveraineté nationale. La souveraineté nationale, elle, est l'exercice de la démocratie. Voilà pourquoi défendre la nation consiste, aux yeux des gaullistes, ni plus ni moins à défendre la démocratie, puisque c'est là qu'elle s'exprime le plus évidemment. La France et l'Europe sont les deux mots saints, sacrés que nous serons les seuls à conjuguer ensemble car c‘est par là que passe la grandeur de la France. Pour parler de l'Europe et de la France, j'aurai besoin de chacune et de chacun d'entre vous. J'aurai par-dessus tout besoin de votre unité. Nous séparer serait faire le jeu de nos adversaires, donc prendre le risque de l'affaiblissement de nos idées. Je sais très bien ce que notre unité m'impose comme devoir. Il est inutile de me le rappeler. Je dois prendre en compte les préoccupations nationales et sociales de tous ceux qui n'ont pas partagé tous mes choix.

Croyez-vous que je sois gêné de le dire ? Depuis que je fais partie de la famille gaulliste, je n'ai jamais caché mes convictions. J'ai toujours épousé nos grandes querelles, avec ma personnalité, sans faux-semblants et sans hypocrisie. En tant que président par intérim et tête de liste, je dois prendre en compte les préoccupations de celles et ceux d'entre nous qui ont fait d'autres choix que moi, ainsi qu'ils en avaient le droit, que ce soit au moment de Maastricht ou d'Amsterdam. Je veux néanmoins m'adresser à chacune et chacun d'entre eux : je veux les inciter à bien réfléchir aux conséquences de leurs choix. Je suis aujourd'hui pour quelques semaines encore le garant de l'unité de la famille gaulliste dans cette campagne européenne. J'ai besoin de ceux qui n'ont pas fait les mêmes choix que moi. Je serai porteur de la richesse de leur diversité. Allez ailleurs, soutenez d'autres listes, et messieurs François Hollande et François Bayrou vous en remercieront chaleureusement.

Mais quand viendra l'heure de retourner dans vos circonscriptions alors que vous n'aurez pas participé à notre combat et que certains de vos adversaires auront eu des idées parce que notre liste n'aura pas fait le score qu'elle doit faire, alors il sera trop tard pour me dire que vous avez besoin de ma force, de mon énergie et de mon ardeur ; que le RPR doit être fort dans les négociations d'investiture. Mes chers amis, j'ai promis de vous parler franchement : j'ai besoin de celles et ceux qui ne se sont pas toujours reconnus dans mon discours, mon message et ma personnalité. L'unité passe par le fait que vous compreniez qu'avec mes mots, mon style, mon engagement, je veux, durant cette campagne, vous représenter dans votre diversité. Notre unité signifie que nous voulions continuer à vivre ensemble en nous respectant, en nous comprenant, en nous écoutant. Notre unité doit être liée à la prise de conscience de ce que la France a encore besoin d'une formation gaulliste ambitieuse, confiante, sereine, forte.

Rarement comme aujourd'hui notre famille a eu besoin du sens de la responsabilité de chacun d'entre vous dans l'exercice de l'usage de la liberté de son droit de parole. De cette journée, faites la chance du renouveau. Nos militants vous regardent ; ils ne regardent pas que moi, ou les personnalités à cette tribune. Nos électeurs nous attendent : ne les décevons pas à nouveau. Car, enfin, notre unité, ce n'est pas une demande de ma part, ce n'est même pas un choix politique que je vous propose : l'unité est un devoir pour tous ceux qui, parmi nous, souhaitent simplement être à la hauteur de l'héritage que nous avons reçu de ceux qui, avant nous, ont façonné la famille politique gaulliste.
L'unité entre nous passe aussi – et je pèse mes mots – par l'unité derrière le Président de la République.

Il ne s'agit pas certes pas de le ramener à la dimension de notre seule liste ou de notre seule campagne. Mais, à l'inverse, je ne vois pas au nom de quoi il faudrait nous excuser de défendre ses idées alors que d'autres ont choisi de s'en écarter. Le Président rassemble les Français. Nous, nous devons conduire le combat de l'opposition. Nos responsabilités sont bien différentes ; plus lourdes pour lui, plus politiques pour nous.

Mais dans le même temps, il me revient de nous débarrasser de ce soupçon permanent qui a tellement empoisonné le travail de reconquête. Il ne peut, il ne doit y avoir d'opposition ou de différends en période de cohabitation entre le RPR et son fondateur.

Et c'est justement parce que ce soupçon sera définitivement écarté que nous pourrons bénéficier de toute l'autonomie qu'exige l'ardeur du militant politique. Je ne suis en rien gêné d'affirmer que ce n'est pas parce que Jacques Chirac préside le conseil des ministres qu'il nous faut approuver tous les textes qui y sont présentés. Au RPR, l'opposition ; au Président de la République, le rassemblement. Voilà notre ligne de conduite. C'est la seule qui permettra la victoire. De surcroît elle évitera les malentendus, les arrières pensées, et, tout ce qui empoisonne notre vie politique depuis trop longtemps, dans ce mouvement en particulier, dans l'opposition en général. Oui, c'est moi qui vous le dis, après avoir participé à tous ces combats : il y a suffisamment de socialistes, de communistes et de verts pour que nous nous occupions exclusivement du sort de chacune et de chacun d'entre eux.

D'ailleurs nous n'avons plus le temps, il faut maintenant entrer en campagne, et, en même temps, mettre le RPR en ordre de marche. Voici ce que je vais vous demander pour les semaines à venir. L'unité que nous avons réalisée à cette tribune, au niveau national, doit trouver, que cela plaise ou non, son écho dans chacun de nos départements. Je veux tenter la chance de la réconciliation la plus large. Je ne veux laisser personne au bord de la route. Dans les quinze jours, je demanderai à chacun de nos secrétaires départementaux de proposer à notre comité politique des mesures de réconciliation à l'endroit des exclus. J'y pose deux conditions : les réintégrés doivent être les demandeurs ; il ne s'agit pas d'humilier, mais d'être assuré de leur sincérité. Ils doivent s'engager à respecter scrupuleusement notre ligne politique, et, bien évidemment, à soutenir notre liste.

Je veux vous convaincre que l'on est plus fort lorsque l'on tend la main. Seuls les faibles la refusent.

L'unité est aussi l'affaire des militants du plus petit canton du département le plus éloigné. Nous ne voulons plus de règlements de comptes, de disputes, de désaccords, de discorde. Nous ne voulons travailler ensemble, main dans la main. Nous ne voulons plus que le travail de milliers de militants à travers la France soit pris en otage par des querelles d'un autre âge, qui ne nous intéressent définitivement plus. J'ai demandé à notre secrétaire national aux fédérations, Eric Raoult, de me proposer de trancher tous les problèmes de nomination dans tous les départements. Sous quinze jours, tout sera en place. Dans tous nos départements, le RPR aura une organisation en parfait ordre de marche.

J'ai de même demandé à notre secrétaire national aux élections, mon ami Roger Karoutchi, de se préparer à réactiver la commission d'investiture. A la fin de l'année, dans toutes nos circonscriptions, nous aurons présélectionné ou, s'il le faut, parachuté celle ou celui qui, le moment venu, devra mener campagne sous notre étiquette. La campagne européenne ne doit pas occulter, bien au contraire, le travail indispensable d'élaboration d'un véritable programme de gouvernement. Il n'est que temps que nous alimentions le débat des idées, que nous fassions des propositions fortes, que nous sortions enfin de cette pensée unique socialiste qui a fini par embrumer tous les esprits, y compris jusqu'en nos propres rangs. Je n'ai pas changé d'avis, ce ne sont pas nos idées qui ont été battues, mais l'acharnement que nous avons parfois mis à refuser de les défendre, de les incarner et de les faire vivre.

Les Français attendent de nous, avant la fin de l'année, un programme fort, identifiable, courageux, moderne ; un programme qui fera tout sa place à l'imagination, à l'innovation, à la découverte du monde extérieur. Vous êtes Français, vous aimez votre pays ; n'ayez pas peur de voir ce qui se passe au-delà de nos frontières. La France n'est pas un pays isolé ; nous ne voulons pas faire de la France une Albanie du XXIe siècle. Regardez ce monde formidable où tous les jours se créent des centaines de milliers d'emplois. N'ayez pas peur, allez prendre chez les autres ce qu'il y a de mieux pour enraciner dans notre projet ce qu'il y a de plus fort dans notre identité. Les Français attendent de nous un programme qui refusera la frilosité sans jamais accepter la caricature ou l'outrance ; un programme qui sera celui de nos électeurs, pas celui de nos adversaires. Une fois encore, je n'ai pas changé : quand on perd son temps à vouloir séduire ses adversaires, on réussit à décourager ses amis, ses soutiens, ses fidèles.

Notre programme devra d'adresser aux Français de toutes origines sociales ou géographiques et de tous statuts.

Le RPR ne s'enfermera jamais dans un discours qui serait réservé exclusivement aux chefs d'entreprises, aux professions libérales, aux agriculteurs, aux commerçants. Il nous faudra aller plus loin, et nous adresser, beaucoup plus que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, aux salariés, aux fonctionnaires, aux classes moyennes, aux petits, aux exclus, aux sans grades : bref, à tous ceux qui ont aussi le droit de vivre leur vie comme une grande ambition.

Pour un gaulliste, il n'y a ni petites gens, ni petites vies. Il n'y a qu'une grande querelle : celle de l'homme, de son épanouissement et de sa réussite.

J'aurais encore beaucoup d'autres choses à vous dire :

- sur nos départements et territoires d'Outre-mer – j'en salue les représentants, qui ont toute leur place dans la construction européenne, car sans les DOM-TOM, la France ne serait pas ce grand pays présent dans tous les océans - ;
- sur la nécessité de rendre l'Europe plus démocratique ;
- sur l'obligation de modifier le système de pondération des voix au sein du Conseil européen ;
- sur la modernisation de la vie politique ;
- sur le parlement européen qui a un rôle essentiel à jouer mais qui doit comprendre que nous n'avons pas refusé le régime des partis et de la IVe République en France pour le voir institué en Europe.

Nous aurons bien l'occasion de reparler de tout ceci au long de la campagne. Je veux terminer en vous disant mon ambition, celle que je partagerai avec Alain Madelin : redonner du tonus à la vie, de l'entrain à l'opposition tout entière. Je crois profondément que nos électeurs en ont assez des discours convenus, technocratiques, mille fois ressassés. L'opposition a besoin d'un formidable coup de jeune. Elle a besoin d'énergie.

Elle a besoin de gens qui y croient, qui sont des combattants de leurs idées, de leurs convictions, de leurs valeurs. Elle a besoin d'hommes et de femmes qui ont des choses à dire, et qui n'ont pas peur de les dire. Elle a besoin de gens qui ont un idéal et qui n'éprouvent pas le besoin de s'excuser au premier vent de travers, tout simplement parce que l'opinion serait contraire, ou l'idéologie dominante froissée. Cette énergie, je veux vous la donner. Cette force, je veux vous la communiquer. Cette espérance, je veux vous la faire partager.

On me dit : « cela sera difficile » ; on prétend même parfois « impossible ». Croyez-vous que je sois ignorant des épreuves qui m'attendent ? Croyez-vous que je sois naïf au point d'imaginer que l'on m'a choisi si spontanément parce que c'était facile ? Je n'ai rien demandé. Je n'ai rien exigé. Je n'ai l'intention de m'abriter sous aucun parapluie, fût-il le plus prestigieux. Si j'ai accepté de relever ce défi, c'est bien parce qu'il n'y avait pas d'autres solutions.

J'ai adhéré à la famille gaulliste à dix-huit ans, il y a vingt-six ans de cela. L'idée que je m'en fais, que je m'en suis toujours fait, c'est celle d'une immense armée frondeuse, indocile, fière, exigeante, parfois injuste, mais toujours debout. Quel que soit ce qui va m'en coûter, c'était à moi et à personne d'autre d'être debout à la première place pour affronter le mauvais temps jusqu'au 13 juin. Les épreuves sont faites uniquement pour être surmontées. Je vous propose que nous le fassions ensemble.

A partir de ce jour, je vais engager la première campagne nationale de ma vie. D'aucuns disent que cela vient trop tôt. D'autres, qu'il est toujours trop tard. Je n'en ai cure. Je veux vous offrir la campagne que votre dévouement, votre fidélité à nos idées méritent, la seule campagne qui vaille pour des gaullistes : celle du coeur et de l'énergie.

Et puis viendra le 13 juin. Chacun fera ses comptes, moi le premier. Vous le verrez, le Rassemblement pour la République s'y retrouvera. Laissez donc nos amis, nos adversaires, nos partenaires s'enivrer de sondages, et faites confiance aux électeurs. Puis viendra l'élection d'un nouveau président pour notre mouvement. Elle aura lieu à l'automne. Vous choisirez alors librement le meilleur. Quel qu'il soit, je m'y rallierai. Mais cette histoire-là n'est pas encore à écrire. Ni pour moi, ni pour aucun autre. Mes chers compagnons, voilà, c'est dit, j'ai besoin de vous !