Interview de M. Charles Millon, ancien ministre de la défense, dans "Le Parisien" du 19 septembre 1997, sur la suppression prochaine du rendez-vous citoyen.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : Comment réagissez-vous à l’enterrement par le nouveau ministre de la Défense, Alain Richard, de votre projet de rendez-vous citoyen ?

Charles Millon : Permettez-moi de relever d’abord, avec satisfaction, que mon successeur entérine le choix du président de la République d’une « armée professionnelle ». Il parle même d’un choix historique ». Je me réjouis de voir que ceux qui critiquaient hier se rallient à l’analyse de fond qui était la nôtre : notre pays ne pouvait pas ne pas tirer les conséquences du nouveau rapport de forces en Europe et dans le monde.
Alain Richard a dit hier, dans votre journal, que la décision de Jacques Chirac, que j’étais chargé de « mettre en musique », il l’avait vécue, dans un premier temps, comme un « choc ». Je me félicite qu’il se soit, depuis, repris.

Le Parisien : Il n’en reste pas moins que votre projet de rendez-vous citoyen va être remplacé par une simple journée de préparation à la défense…

Charles Millon : Alain Richard affirme tenir au lien armée-nation. Et pourtant n’assiste-t-on pas à un escamotage de la réforme pour des raisons budgétaires ? N’a-t-on pas obéi prioritairement à des contraintes financières en choisissant ces quelques heures de contact entre les conscrits et l’armée, et cela aux dépens de cette initiation aux problèmes de défense et de ce moment civique fort qu’aurait été le rendez-vous citoyen ?

Le Parisien : Jacques Chirac ne s’est pas montré un ardent défenseur de votre rendez-vous citoyen…

Charles Millon : Ne mélangez pas tout ! Le président de la République fixe, et continuera de fixer, les grandes orientations du pays en matière de défense. Il est en charge de l’essentiel. C’est au Gouvernement et au Parlement que revient, ensuite, la responsabilité de la traduction concrète des choix faits.

Le Parisien : Etes-vous prêt à voter le texte d’Alain Richard ?

Charles Millon : Evidemment non. Je regrette, en effet, que l’on renonce au rendez-vous citoyen qui aurait été le moment où tous les jeunes Français, quel que soit leur milieu, quelle que soit leur origine, se seraient rencontrés pour affirmer leur appartenance à la communauté nationale.