Texte intégral
La Montagne 15 mars 1999.
La Montagne
Où en est la droite ? Avez-vous votre financement pour assurer une éventuelle campagne européenne ?
Charles Millon
La campagne électorale n'a pas encore commencé. Pour le moment le tour de France que nous faisons est tour de France d'implantation, d'information, d'écoute. Nous rencontrons celles et ceux qui ont envie de le rencontrer et faire avec eux le point sur la politique française, et sur leurs préoccupations, sur les requetés et sur leurs souhaits.
La Montagne
Le mouvement jette donc les bases du parti ?
Charles Millon
Cela se fera après les élections européennes, nous saisirons les adhérents.
La Montagne
Les déchirements de l'Alliance vous confortent -ils dans votre solitude politique ?
Charles Millon
Oh non ! Il n’y a pas de solitude politique les déchirements de l'Alliance sont la démonstration même que les l'accords d'états-majors ne sont pas la réponse à la situation politique. Les Français attendent un grand rassemblement populaire de la droite et surtout pas des accords d'appareils.
La Montagne
Quelles sont désormais vos ambitions en Rhône-Alpes ? On vous a prêté l'intention de vous présenter aux élections municipales de Lyon, en 2001 ?
Charles Millon
Mes ambitions sont limitées à toute l'action politique que je mène au niveau national à travers le mouvement La Droite. Il est bien évident que je m’intéresserai aux municipales dans le cadre du mouvement et de mes engagements personnels.
La Montagne
Après ce qui vous est arrivé (2) connaissez-vous la rancune ?
Charles Millon
Non... par contre je connais la déception... par rapport aux hommes…
La Montagne
L’illusion n'est pourtant pas du monde de la politique…
Charles Millon
Mais si... si je me fais encore des illusions, c'est sur les hommes (silence). Je me suis fait des illusions sur certains hommes.
La Montagne
Sur Raymond Barre par exemple qui a condamné votre alliance avec le Front national ?
Charles Millon
Je pense que Raymond Barre a changé et que ce n'est plus le Raymond Barre que j'ai rencontré et que j'ai soutenu à une certaine époque. J'ai connu un Raymond Barre qui critiquer les accords partisans et qu'ils étaient en retrait par rapport au régime des parties. J'ai vu un nouveau Raymond Barre qui appelait les appareils politiques à intervenir dans les affaires de la région Rhône-Alpes. J'ai connu un Raymond Barre qui était contre la cohabitation et qui, aujourd'hui, se félicite des cogestions locales. Je ne le comprends plus...point
La Montagne
On dit qu’un destin national vous tenterait ?
Charles Millon
Je fais actuellement un travail de fond, j'essaie de voir comment on peut refonder la droite dans notre pays. Ma démarche n'est absolument pas électorale mais démocratique. Face à une gauche – que je respecte tout à fait – qui s'est organisée dans sa pluralité, il est souhaitable est nécessaire d'avoir une droite qui s'organise et puisse être fière de ses valeurs, qui fasse connaître ses solutions et rayonner. Or, actuellement la droite est complètement paralysée parce qu'empêtrée dans des querelles d'appareils et ambitions personnelles.
La Montagne
Votre tour de France s'achève dans une semaine. Quel enseignement en tirer vous ?
Charles Millon
Il y a un énorme fossé entre le monde politique et les Français. Ils sont préoccupés par l'emploi, l'éducation, la fiscalité, la sécurité et ils n'entendent parler au niveau national que de querelles de personnes et d'arrangements d'appareils. Alors, là, oui, ils prennent la distance par rapport à la politique au point de se tourner vers l'abstention, le vote protestataire et le vote extrême. Il est urgent qu'il y ait un renouveau de la politique. Nous allons tout faire pour qu'émerge une grande force populaire de la droite.
(1) depuis plus d'un mois, le mouvement La Droite se déplace en bus à travers le pays pour porter la bonne parole "Millonisme". À chaque étape, Charles Millon est présent pour exposer "Sept raisons d'adhérer" à son mouvement. À Clermont vendredi soir, Marc Fraysse, secrétaire général de la droite et conseiller régional, était à ses côtés. Seule personnalité politique du cru à avoir répondu à son invitation clermontoise : Michel Cartaud, maire de Pont-du-Château.
(2) Le 9 décembre dernier, le Conseil d'État avait invalidé l'élection de Charles Millon à la présidence du Conseil régional de Rhône-Alpes. Motif de la décision : l'ouverture d'un débat entre Millon et Bruno Gollnisch (FN) entre les deux premiers tours du scrutin.
La Provence 15 mars 1999
La Provence : Vous sillonnez la France depuis un mois et vous avez déjà visité une douzaine de villes vous sentez-vous soutenu par un fort mouvement d'opinion ?
Charles Millon : J'ai le sentiment, en tout cas, que ma démarche est comprise. Je me sens encouragé et je constate que les Françaises et les Français n’ont plus l'habitude de voir les hommes politiques venir à leur rencontre. D'autant que je ne viens pas "vendre" de discours, mais écouter ce que l'on a à me dire.
L.P. : Etes-vous toujours déterminé à vous présenter aux élections européennes ?
Ch.M. : Je ne comprends pas pourquoi vous me poser la question. Je suis décidée à 100 %.
L.P. : Avez-vous une idée de l'horizon politique des membres de la droite ?
Ch.M. : Je dirais schématiquement, que 40 % d'entre eux ne proviennent d’aucune famille politique, que 20 % sont des anciens RPR, 20 % des ex UDF ou DL est 20 % des déçus du FN ou des listes protestataires.
L.P. : Quelle vision de l'Europe défendez-vous ?
Ch.M. : L'Europe est devenue une réalité historique, économique et monétaire il n'est plus question de nier. Simplement, à la philosophie social-démocrate, je préfère celle de la droite libérale qui a d'ailleurs inspiré le traité de Rome. À une Europe qui serait un super Etat centralisé et bureaucratique, j’oppose une communauté de nation intelligente.
L.P. : Depuis que vous avez été battu à la région Rhône-Alpes, votre assise politique semble se rétrécir. Les sondages ne sont d'ailleurs pas très bon pour vous.
Ch.M. : Je ne suis pas du genre à me décourager. Je veux me présenter aux élections européennes et je ferai tout pour. Bien sûr, si je n’obtiens pas le financement suffisant, j'en serais empêché. Je n'ai pas de financement d'État, contrairement aux autres formations politiques. Mais je me battrai pour surmonter cette difficulté.
RMC _ mardi 30 mars 1999.
P. Lapousterle
Vous avez été ministre de la Défense. Vous êtes allé à plusieurs reprises dans l'ex-Yougoslavie. Approuvez-vous, ce matin la participation française à l'action de l'OTAN telle qu'elle se déroule depuis 6 jours aujourd'hui ?
Charles Millon
- J'approuve évidemment qu'on mette tout en œuvre pour lutter contre une barbarie qui est en train de s’étaler à la face du monde. J'ai connu, en Bosnie, la purification ethnique ; on retrouve aujourd'hui, au Kosovo, une purification ethnique systématique. Et il est bien évident que l'Europe, comme la communauté internationale, ne peuvent admettre la poursuite d'une telle situation. Dans ce cas-là, il va falloir mettre en conformité les discours et les actes. On ne peut pas tenir un discours dur contre Milosevic, le décrire comme "barbare", comme " un chef d'État sanguinaire" et en même temps laisser faire ce nettoyage ethnique systématique ! On ne peut pas préciser qu'on n’enverra pas des troupes au sol. Il est évident, aujourd'hui, que si l'on veut mettre en conformité discours et actes, il est évident que l'on doit envoyer des troupes au sol, si l'on veut protéger ces populations kosovares qui sont actuellement poursuivi par la police et l'armée serbes.
P. Lapousterle
On dit que, mettre des troupes au sol, c'est une affaire longue compliquée, qu'il faut prévoir des mois à l'avance avant de le faire.
Charles Millon
- Mais, j'ose espérer que les états-majors, sur la demande des responsables politiques, ont préparé cette opération ! Car autrement, ça serait une improvisation tout à fait préoccupante.
P. Lapousterle
À votre avis il faut que, dans les jours qui viennent, des opérations terrestres soient déclenchées ?
Charles Millon
- Mais est-ce qu'on va attendre que le Kosovo soit vidé ! Que des milliers d'hommes soit enfermés dans des cases, ligotés ! Qu'il y ait des exécutions sommaires de tous les intellectuels ! Est-ce qu’on va attendre tout cela pour envoyer des troupes dans un Kosovo désert, avec plus personne, tous les Kosovars ayant été repoussées aux frontières de la Macédoine, du Monténégro de l'Albanie ?
P. Lapousterle
Et quand vous avez entendu J. Chirac hier et L. Jospin vendredi, définir leur politique ? On n’a pas eu le sentiment que ce soit leur volonté. On a même entendu M. Jospin dire : "On ira pas là où on ne veut pas aller."
Charles Millon
- je crois qu'on a peur aujourd'hui de l'opinion publique. Si on a peur de l'opinion publique. Si on a peur de l'opinion publique on ne se lance pas dans une opération pareille. Il faut expliquer à l'opinion publique qu'il est impossible de laisser sur le continent européen une situation pareille, car c’est une situation qui peut gangréner toute l'Europe. Et à ce propos, on peut dire avec tristesse que l'Europe – son premier objectif, selon les pères de l'Europe, était de garantir la paix –, est en train de démontrer qu'elle a été peut être capable de créer une monnaie unique, qu'elle a peut-être été capable de créer un espace économique, mais qu'elle est incapable de poursuivre le premier objectif indiqué par les pères de l'Europe qui était de garantir la paix.
D'ailleurs, ça va rejoindre la campagne européenne qui s'ouvrira dans quelques semaines, dans quelques mois – je ne sais, compte tenu des événements. Quelle Europe veut-on faire ? Peut-on faire simplement une Europe économique, ou veux ton faire une Europe qui soit capable de garantir la paix sur le continent ?
P. Lapousterle
À supposer que nous ne fussiez pas entendu, à savoir que la France et ses alliés n'envoient pas de troupes au sol, que diriez-vous de ce qui a été fait jusqu'à présent ?
Charles Millon
- Un immense gâchis ! Mais, même au-delà du gâchis, une immense hypocrisie ! Et, même au-delà de l'hypocrisie, un immense mensonge vis-à-vis des Kosovars.
P. Lapousterle
Que pensez-vous de la ferme condamnation du PCF, du Mouvement des citoyens, des réserves du parti des Verts qui sont des mouvements représentés au gouvernement ?
Charles Millon
- Les réserves sont diverses. J'ai écouté Mme Aubert, vendredi dernier, à l'Assemblée nationale, ainsi que le secrétaire général du Parti communiste, j'ai écouté les réserves émises par G. Sarre, ce sont des réserves qui n'ont pas le même ton. Il n’'empêche qu'il y a un certain nombre de réserves qui ne sont complètement justifiées, celles de dire : on ne peut pas limiter l'opération a des bombardements – tout le monde s’en rend compte. Personnellement je l'ai dit dès le premier jour. Ça ne sert à rien de tromper une opinion, et de dire qu'on envoyant des bombes sur un certain nombre de sites militaires…
P. Lapousterle
La guerre "zéro mort".
Charles Millon
- C'est de l'hypocrisie. Il faut commencer à le dire. C'est demander à des soldats de tuer sans jamais risquer leur vie. Ça n'a jamais existé dans la guerre.
P. Lapousterle
On a l'impression que vous auriez préféré qu'il n'y ait rien plutôt que des frappes aériennes si elles devaient s'arrêter là ?
Charles Millon
- Tout à fait ! Je pense que si l'opération se limite à des frappes aériennes, elles n'auront abouti qu'à une seule chose : précipiter la purification ethnique du Kosovo. Bravo !
P. Lapousterle
La droite va présenter une liste aux européennes : en avez-vous la volonté et les moyens ?
Charles Millon
- J'en ai absolument la volonté, et je suis en train d'essayer d'en accumuler les moyens, qu’il s'agisse de moyens politiques, techniques, et les moyens financiers.
P. Lapousterle
Vous en êtes où ?
Charles Millon
- On lance une souscription vis-à-vis des adhérents, des militants et de tous les amis qui existent dans le pays et qui approuve notre démarche, aujourd'hui même. Pour lancer un appel à candidature pour pouvoir trouver des hommes, des femmes qui peuvent participer non seulement la préparation de la campagne, mais aussi à la campagne elle-même, en tant que candidats. Et puis, enfin J'essaie à partir du projet politique que nous venons de rédiger – l'Europe de droite – de rassembler, de réunir des personnes au-delà de mon mouvement.
P. Lapousterle
Pourquoi êtes-vous contre tout le monde : contre la gauche évidemment, contre Pasqua, contre les Front national, autre la coalition RPR -DL, contre l'UDF, contre Monsieur De Villiers ?
Charles Millon
- Mais, je ne suis pas contre, je suis pour. Je suis pour une Europe qui…
P. Lapousterle
Vous êtes en concurrence avec tout le monde…
Charles Millon
- Mais non, je suis pour une Europe de droite. J'ai déjà remporté une première victoire, quand j'ai lancé le thème : Europe de droite. Au tout début de la campagne, on m'a expliqué ce que ce n'était pas le problème. Et puis maintenant, j'entends M. Madelin parler d'une Europe libérale, qui doit admettre la concurrence, qui, en fait, à toutes les caractéristiques de l'Europe de droite sans qu'on dise le mot « droite ». J'entends M. Seguin qui renonce à son autre politique, pour accepter une politique, lui aussi, beaucoup plus proche des thèmes que ce que j'ai avancés, qui défend une Europe de la subsidiarité. P. De Villiers est en train actuellement de…
P. Lapousterle
Donc, tout le monde est de votre avis ?
Charles Millon
- Non. Quel est le choix de cette élection ? C'est, soit une Europe social-démocrate et socialiste – que je respecte d'ailleurs, mais ce n'est pas mon choix, c'est le choix de M. Hollande, de L. Jospin, fait le choix de la liste socialiste aux européennes. C'est le choix que l'on connaît, qui va provoquer normalisation, harmonisation, égalisation, centralisation, avec un super-État qui fera…
P. Lapousterle
Qu’est-ce qui vous différencie des autres partis de droite ?
Charles Millon
- Si je dis tout ce qu'ils pensent tout bas.
P. Lapousterle
Quels sont vos relations avec J Chirac en ce moment ?
Charles Millon
- J'ai du respect pour le président de la République, comme un citoyen mais j'ai vu mais je n'ai aucune relation politique avec lui.
P. Lapousterle
Vous avez été meurtri quand, il y a 15 jours, il a refusé de serrer la main, d'engager la conversation, de votre secrétaire général ?
Charles Millon
- Je trouve qu'il aurait été plus pour toi et plus convivial de saluer le secrétaire général, qui a démontré le 4 novembre 1994, il était prêt à s'engager pour lui.
P. Lapousterle
Êtes-vous toujours, comme nous comme vous l'avez été par le passé en faveur d'un grand parti présidentiel ?
Charles Millon
- Non, je suis en faveur d'une grande formation de droite, en face d’un parti socialiste qui est devenue la grande formation de gauche.
P. Lapousterle
Mais avec le président de la République comme inspirateur ?
Charles Millon
- Non, le président de la République est à l’Elysée, il a un rôle institutionnel. Il faut que la tête de ce grand parti il y ait un président élu qui puisse assumer sa mission de leader de la droite. Je crois que la démocratie française ne sera en bon état que le jour où l'alternance pourra jouer normalement, non pas à partir de jeu d'ambitions, mais à partir d'une démarche de conviction.