Interviews de M. Alain Richard, ministre de la défense, à RTL le 11 juillet 1997 et à France info le 13, sur sa visite en Bosnie, la mission de la SFOR, la poursuite des criminels de guerre, le budget de la défense et les économies réalisées sur les programmes d'armement.

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Circonstance : Voyage de M. Alain Richard en Bosnie à l'occasion de la Fête nationale du 14 juillet 1997

Média : Emission L'Invité de RTL - France Info - RTL

Texte intégral

Date : 11 juillet 1997
Source : RTL

RTL : Alors vous partez pour la Bosnie avant de regagner la France pour les cérémonies du 14 juillet, ce pays qui connaît depuis hier un nouvel accès de fièvre, avec des accrochages ici et là, avec les forces de l’OTAN. Hier, un soldat britannique a été blessé, confirmez-vous d’autre part l’arrestation de Milan Kovacevik ?

Ministre de la défense : Non, je crois que vous mettez en relation deux choses qui sont distinctes. Il y a peu d’activités militaires, il y a peu d’engagements en Bosnie jusqu’à présent, et ça a été justement un des succès des forces associées dans la force internationale de stabilisation (SFOR), dont la situation militaire a été fortement calmée.

Et si je vais en Bosnie, c’est simplement et c’est mon devoir bien sûr, surtout au moment du 14 juillet, pour aller voir les unités, pour aller voir les militaires qui ont fait du très bon travail et à qui je veux porter la satisfaction de la Nation.

Chacune des forces, mais c’est une opération qui n’est pas à proprement militaire, a en outre comme mission d’aller appréhender un certain nombre de personnes qui sont accusées de crimes de guerre. C’est ce qu’ont fait les Britanniques, pour une mission qui le leur revenait et qui était une mission dangereuse. Ce que nous savons, c’est qu’une partie de ces personnes accusées ont évidemment des groupes de soutien et qu’ils ont une certaine audience pour certains dans la vie de la Bosnie-Herzégovine. Ces interpellations, ces arrestations entraîneront des réactions d’agressivité. Mais nous avons ce mandat, je pense que l’opinion publique démocratique dans tous les pays, dont le nôtre, souhaite que ce mandat soit accompli et que ces gens passent en jugement.

RTL : Précisément, M. Richard, ce mandat va-t-il se poursuivre longtemps encore ?

Ministre de la défense : Comme il y a des conséquences, comme il y a des risques, comme tout ceci représente des dangers, y compris pour le processus de paix en Bosnie, les puissances des partenaires de la force internationale de stabilisation (SFOR) se concertent, mais nous avons le mandat de présenter à la justice internationale les personnes accusées de crimes de guerre et nous le ferons.

RTL : Alors, venons-en à un autre sujet, celui de votre budget. Le président de la République, chef des armées, s’était engagé à ce qu’il ne baisse pas. Apparemment « c’est raté », annulation de crédits militaires, moins un milliard et demi, là il y a quand même une différence entre l’engagement présidentiel en 95 et la réalité budgétaire de 97 ?

Ministre de la défense : Non, non, un budget ne se fait pas comme cela, et j’en profite pour souligner que vous n’aviez pas eu l’imprudence de certains commentateurs qui prétendaient voir arriver des annulations budgétaires massives au ministère de la défense. C’est le contraire qui s’est produit. Et l’annulation budgétaire qui a touché le ministère de la défense correspond schématiquement à la part des crédits dans l’ensemble des dépenses de l’État. Ceci est d’autant moins conflictuel, que le gouvernement précédent qui voyait venir des difficultés budgétaires avait prévu ce qu’on appelle un « gel », c’est-à-dire une neutralisation de ces crédits pour le même montant.

RTL : Mais il n’empêche que l’on dit que le budget 98 et la loi de programmation militaire risquent d’être réduits, et que le tour de vis serait encore plus fort ?

Ministre de la défense : Ce sont les mêmes qui disaient il y a quinze jours qu’il y aurait une grosse amputation du budget 97 de la défense dans la régulation budgétaire. Ils continuent à se tromper. Ce que je peux vous dire tout simplement, c’est que le Gouvernement de ce pays a une politique de défense. Il place cette politique de défense dans une perspective des engagements internationaux de la France. Nous avons besoin de forces organisées pour faire face à des situations dangereuses dans lesquelles la France ne veut pas être absente, et donc ce Gouvernement n’approchera pas les questions de défense par un biais d’intendance. Ce qui est nécessaire sera mis dans le budget.

RTL : Donc il n’y aura pas de sacrifice ! Je pense par exemple au programme Rafale.

Ministre de la défense : Nous regarderons les programmes un par un, le ministère de la défense a été fortement critiqué par la Cour des comptes dans un rapport récent sur la gestion plus ou moins habile et plus ou moins fiable de ses programmes d’armement, qui durent trop longtemps. C’est un des chantiers dans lesquels je me suis engagé, donc je ne vais pas aujourd’hui dire tel programme est à tel point, puisqu’il y a une révision nécessaire.

Ce que je veux dire simplement, c’est que maintenant tous ces programmes tenus à des engagements industriels importants, ils comptent dans des vies de développements technologiques et internationaux, que bien entendu le Gouvernement abordera les décisions à prendre, dans un esprit de responsabilité, mais surtout observer, personne ne le dit, que sous la majorité précédente, les crédits de défense ont baissé de 20 %. Il se trouve que pour des raisons qui sont les siennes et que je ne critique pas, la majorité précédente n’a pas souhaité appeler la tension sur cette décision politique de baisse massive des crédits de défense. Nous nous efforcerons de maintenir les crédits au niveau où ils doivent être en fonction des nécessités de défense. Et si nous avons à faire des baisses, elles ne seront pas camouflées.

RTL : Il y a quand même un sujet de mécontentement et il vient de la part des industriels de l’armement, qui demandent des décisions rapides. Alors, par exemple, Alcatel candidat à la reprise de Thomson ?

Ministre de la défense : Nous sommes en train de discuter, nous sommes en train d’évaluer les différentes possibilités, nous le faisons dans le calme et sans déclaration. Ce sont des négociations compliquées avec des enjeux industriels et des enjeux économiques à long terme qui sont centraux, nous les faisons sans parler. Il est possible que certains trouvent avantage tactiquement ou simplement pour dissimuler leur impuissance à parler beaucoup, mais je dirais que le « volume sonore » des différents partenaires du dossier est inversement proportionnel à leur importance dans la décision.

RTL : Alors là je ne sais pas si vous pensez à M. Dassault, qui réclame une privatisation rapide de l’industrie de défense, il y a même le directeur général de British Aerospace ?

Ministre de la défense : Oui, le Premier ministre a pris une position, nous pensons que ce Gouvernement a la capacité de maintenir un actionnariat public déterminant dans les industries de défense, avec des motifs de principe que chacun peut comprendre. Et qui sont très pris en compte dans beaucoup de pays étrangers, car même si ça ne se passe pas sous la forme d’actionnariat public, il y a une forte influence des gouvernements, tout le monde comprend ça. Et nous pensons qu’il est possible de combiner, concilier cet actionnariat public important avec des alliances internationales. Airbus le montre depuis vingt-cinq ans. Donc il y a ensuite des propos qui sont soit des propos à vocation commerciale, soit à vocation idéologique, mais il faut les replacer à leur juste place.

RTL : Monsieur le ministre, quel est l’avenir de GIAT Industries, le groupe public d’armement terrestre, il y aurait recapitalisation du groupe ?

Ministre de la défense : Nous sommes pour l’actionnariat public, GIAT Industries est une société dont l’État est actionnaire qui est en difficulté, mais dont je souligne qu’elle remonte. Elle redresse sa situation et elle fait des efforts, y compris négocier socialement. L’État prendra ses responsabilités d’actionnaire vis-à-vis de cette société qui est importante.

RTL : Avant de nous séparer, un mot du 14 juillet, quelle sera la nouveauté que les Français verront sur les Champs-Élysées ?

Ministre de la défense : Justement un produit technologique très élevé de GIAT Industries qui est le char Leclerc. Il défilera le 14 juillet, mais je voudrais vous dire que si je vais la veille en Bosnie, c’est pour montrer que le 14 juillet, c’est aussi le moment où on célèbre les hommes qui font la défense et qui la font à leurs risques. (…) Et donc ceux à qui je penserais en regardant le défilé, en vérifiant sa bonne organisation, ce sont d’abord les hommes.


Date : 13 juillet 1997
Source : France Info

France Info : Les arrestations des criminels de guerre en Bosnie doivent se poursuivre, c’est ce qu’a déclaré hier le ministre français de la défense en visite à Sarajevo. Alain Richard est arrivé en début d’après-midi dans la capitale bosniaque où il a rencontré des officiers français de la force de stabilisation. Cette visite intervient quarante-huit heures après l’arrestation par la SFOR, de deux criminels de guerre serbes dont l’un a été tué.

Ministre de la défense : Cette mission de prise de contrôle des accusés criminels de guerre devra se poursuivre dans un esprit de responsabilité partagée entre l’ensemble des alliés et devra tenir compte des facteurs de stabilisation qu’il peut y avoir dans certaines de ces interpellations. Cela ne se prête pas beaucoup aux propos diffamatoires. Simplement, la France a joué un rôle politique clé dans la mise en place du tribunal pénal international (TPI) et ne va donc pas esquiver ses responsabilités pour ce qui est de prendre le contrôle des accusés qui doivent comparaître devant ce tribunal.