Texte intégral
L'Est républicain
Est-il facile de faire campagne, quand tant de gens semblent se désintéresser des élections européennes ?
Daniel Cohn-Bendit
– Jusqu’à présent, dans mes meetings, il y a toujours eu du monde. Les gens ont envie de comprendre nos positions. Mais il est vrai que tout, désormais, est vu à travers le prisme du Kosovo. C’est comme ça…
L'Est républicain
Comment faire, alors ?
Daniel Cohn-Bendit
– Lorsque j’interviens, je partage mon propos en deux : une moitié est consacrée à la cohésion sociale, écologique et démocratique de l’Europe de demain, dont Les Verts veulent être les bâtisseurs, et l’autre au Kosovo. Et là, il faut ramener le discours à ce que l’Europe peut proposer face à cette crise. Cela pose le problème fondamental du rapport des Européens aux Américains et permet d’expliquer pourquoi il faut construire cette Europe, autour de quelles valeurs, et quels peuvent être ses modes de fonctionnement.
L'Est républicain
Etes-vous d’accord avec Pierre Moscovici, quand il estime que le débat peut s’en trouver enrichi ?
Daniel Cohn-Bendit
– C’est possible, effectivement, qu’il le soit. Mais il y a un problème. C’est la réaction compréhensible, légitimiste, d’une grande partie de l’électorat qui, dans une situation difficile, pense qu’il faut se regrouper autour des chefs : d’un côté, Jospin, de l’autre, Chirac.
L'Est républicain
L’appel britannique à une intervention terrestre ?
Daniel Cohn-Bendit
– C’est du bidon. Blair et Cook savent, comme tout le monde, que la solution politico-diplomatique devra passer par l’ONU et avoir pour but le retour des Kosovars chez eux, sous la protection d’une force militaire. Ils savent aussi qu’une intervention terrestre, réplique à un blocage total auquel je ne crois pas, ne remporterait pas l’adhésion de tous les pays concernés.
L'Est républicain
Les polémiques relatives au Kosovo ont accru le déficit de lisibilité de la campagne…
Daniel Cohn-Bendit
– C’est bien pour cela que je regrette l’absence de débats. Quand j’avais proposé un meeting unitaire réunissant toutes les listes de la gauche plurielle, c’était pour montrer aux électeurs notre capacité à discuter. Et pour faire de ces controverses qui animaient nos listes un atout démocratique, au lieu de les cacher. Je reste convaincu que c’était une belle leçon à donner à la droite.
Encore un appel
L'Est républicain
Les refus de François Hollande et Robert Hue vous ont-ils vraiment surpris ?
Daniel Cohn-Bendit
– Oui, j’ai été surpris, mais j’ai toujours bon espoir que ça puisse se faire.
L'Est républicain
Vous relancez l’appel ?
Daniel Cohn-Bendit
– Oui, je relance l’appel ?
L'Est républicain
La Corse, hier, la motion de censure demain… La politique intérieure n’étouffe-t-elle pas le débat européen, de façon plus générale ?
Daniel Cohn-Bendit
– C’est la tradition des campagnes électorales en France, et il faut la combattre pour que la société politique française comprenne l’importance de l’Europe. Car ici, toute campagne n’est jamais que le 36e tour des campagnes franco-françaises précédentes. C’est regrettable. Aujourd’hui, chacun se place pour les présidentielles.
L'Est républicain
Aucune autre liste n’est cohérente à vos yeux ?
Daniel Cohn-Bendit
– La liste centriste l’est, sauf que Bayrou ne siègera pas vraiment à Strasbourg et Bruxelles, car il se voit avec un destin présidentiel. Comme les autres. Celle de Sarkozy et Madelin a peur de son néo-libéralisme économico-politique, car il la conduit à des positions sur l’Europe qu’elle ne peut s’avouer à elle-même, puisqu’elle est RPR. Alors, elle s’accroche à l’Europe des nations en débit du bon sens. La liste du PS, elle, a un fond plutôt cohérent, mais avec des alliances qui rendent le tout illisible. En signant avec le MDC, et en acceptant un principe d’unanimité des Etats dans la décision qui empêchera l’harmonisation sociale de l’Union européenne, le PS est parti de la cohérence franco-française et non pars communautaire.
L'Est républicain
A Besançon, vendredi, Dominique Voynet sera pour la première fois à vos côtés. C’est le bon moment ?
Daniel Cohn-Bendit
– Oui, car c’est la dernière ligne droite de la campagne. Et ça va bien montrer qu’il y a une solidarité entre moi et Les Verts, Les Verts et moi et, donc, Dominique et moi. Avec les différences qui nous caractérisent et qui sont normales, au-delà du fait qu’elle est une femme, et moi, un homme.
L'Est républicain
Certains ont trouvé qu’elle restait bien silencieuse, ces derniers temps…
Daniel Cohn-Bendit
– C’est ce qui fera l’intérêt quand elle parlera : « Tiens, tiens, elle a parlé ! »
L'Est républicain
Qu’en espérez-vous d'autres ?
Daniel Cohn-Bendit
– Je n’en attends rien ! J’attends le fait qu’on fasse ce meeting ensemble, c’est ça, le message… Après, elle dit ce qu’elle veut. Elle parlera de sa conception de l’Europe, de comment elle voit les choses.
L'Est républicain
Ce souci d’affichage est-il une réponse à ceux qui, au début de la campagne, vous reprochaient de jouer trop perso ?
Daniel Cohn-Bendit
Je suis en pleine harmonie avec Les Verts, mais comme un individu comme moi peut être en pleine harmonie avec un parti, un mouvement. Je crois que ça se passe bien, avec les problèmes qui se posent dans chaque campagne : d’humeur à moi, de meeting où je vais ou je ne vais pas. C’est ça, la vie politique ! Et comme toujours, quand ça se passe bien, il y a des moments durs.