Texte intégral
M.-P. Farkas
Je dois avouer que je suis un peu déçue car F. Bayrou, hier, avait dit - que vous quittiez, que « l'UDF quittait ses habits couleur muraille ». Et sans vouloir vous vexer, je vous trouve habillé un peu sombre tout de même...
H. De Charette
- « Bon, la prochaine fois que je viendrai, je prendrai une veste claire pour vous être agréable, ou bien même pas de veste du tout. »
M.-P. Farkas
Plus sérieusement, N. Sarkozy, hier soir, s'est encore demandé, à TF1, ce qui empêchait l'opposition de faire cette grande liste d'union. Alors ?
H. De Charette
- « Oui, en fait, il le sait bien. Comment ça se présente ? Nous sommes en train, à l'heure actuelle, de travailler, peut-être de poser la première pierre d'une façon un peu différente de vivre l'opposition. Non pas une opposition régimentaire, alignée toujours sur les mêmes, mais une opposition qui laisse la place, qui laisse s'exprimer des hommes et des femmes qui n'ont pas tout à fait les mêmes opinions sur tous les sujets. Alors l'affaire européenne est un exemple très caractéristique : chacun sait - parce que c'est comme ça depuis toujours - que l'UDF, c'est le grand parti européen que l'on sait et que le RPR, au contraire, a toujours marqué, depuis sa création et avec tous ceux qui l'ont dirigé successivement, une réserve, une réticence, je dirais une préférence, pour la nation et moins d'intérêt, parfois de l'hostilité pour l'Europe. Voilà. Du coup, nous avons fait, les uns et les autres, notre liste. J'observe d'ailleurs que... Moi je serais tenté de poser la question, si j'étais ironique - mais pas le lundi matin, naturellement : pourquoi est-ce que le RPR a deux listes, l'une dirigée par Sarkozy et l'autre par Pasqua ? »
M.-P. Farkas
Est-ce qu'il n’y a pas une forme de susceptibilité, au moment d'essayer de faire cette fameuse alliance, de la part des centristes ? Une façon de dire : on a toujours eu un centriste tête de liste pour les européennes - il y a eu V. Giscard d'Estaing, D. Baudis ? Était-ce cela le point d'accrochage ?
H. De Charette
- « Non, non, ce n'était pas ça. C'était le fait qu'il y avait, je le répète, le besoin, aujourd'hui, dans la période où nous sommes, de l'histoire européenne avec cette crise du Kosovo qui montre avec une force extraordinaire à quel point il y a un manque de construction européenne, à quel point nous souffrons de ce que - en matière de politique étrangère, en matière de défense, en matière de poids politique - l'Europe est faible alors qu'elle devrait exister pour résoudre ses propres problèmes à elle. Donc tout cela a conduit à cette démarche. Et je crois que c'est plutôt bien. D'ailleurs, je suis frappé du fait que les observateurs - les journalistes - se passionnent en disant : mais vous, l'opposition, vous n'êtes pas unis ! Alors qu'ils considèrent comme un fait tout à fait normal que à gauche - pourtant la gauche gouverne et elle devrait être ensemble -, le PS a sa liste, le PC a sa liste, les Verts ont leur liste, etc. Je crois qu'à gauche, c'est légitime, car on voit bien qu’il y a de grandes différences, à gauche, en matière européenne. Tout ça est normal. »
M.-P. Farkas
Les vertus de la droite plurielle...
H. De Charette
- « C'est ce que je viens de vous dire. Oui, je crois que nous découvrons que c'est mieux, dans les circonstances qui le permettent, dans les scrutins qui le permettent - un scrutin national à la proportionnelle le permet parce qu'on ne perd pas de sièges : si vous faites 10 % vous avez 10 sièges et si vous faites 20 % vous avez 20 sièges, donc c'est très simple -, nous découvrons que c'est la meilleure façon de répondre à la diversité des électeurs et des électrices et ainsi, d'être plus efficaces dans l'opposition. Car les uns et les autres nous avons en commun, pour demain, le même combat pour l'alternance, c'est-à-dire pour faire en sorte de proposer aux Français, quand l'heure de la législative viendra, un programme et un projet pour battre les socialistes. »
M.-P. Farkas
Vous êtes sûr que ce sera un programme et un projet ? Le 14 juin comment ça se passe : chacun compte ses divisions ? Pasqua, Bayrou, Sarkozy ?
H. De Charette
- « Je crois que naturellement, le 13 juin au soir, il faut faire l'addition, du point de vue de l'opposition. Où sont les forces de l'opposition ? On comptera naturellement qui est pour l'Europe, qui n'est pas pour l'Europe, etc. Mais certainement, moi je ferai - et je ne serai pas le seul - l'addition de, tous ceux et de toutes celles qui se sont reconnus dans les candidats de l'opposition. Et j'espère que le résultat sera brillant et nous mettra devant la gauche. Pas simplement devant le Parti socialiste, mais devant la totalité de la gauche. »
M.-P. Farkas
Ce qui veut dire qu'à ce moment-là, on pourra très bien faire une projection pour les présidentielles. En plus, il se trouve qu'à chaque fois que l'opposition est divisée, ça marche plutôt bien - exemple : la présidentielle - et en revanche, quand elle est unie aux législatives, ce n'est pas un très bon résultat. Donc est-ce que ça veut dire qu'à partir du 14...
H. De Charette
- « Là, j'aurais du mal à vous suivre. Si vous me permettez, les présidentielles, c'est en 2002, c'est un peu tôt pour en parler. Et il ne faut pas toujours ne penser qu'à cette élection. Ensuite, je crois qu'il faudra avoir la capacité de bien distinguer les scrutins tels que nous les avons, les uns après les autres. Il s'agit des européennes et rien d'autre. Ce n'est pas la division de l'opposition. Je crois que c'est la découverte d'une évidence : c'est qu'en matière européenne, c'est pas plus mal que chacun d'entre nous puisse s'exprimer puisque nous avons des convictions assez différentes les unes des autres, eh bien tout cela c'est bien et les électeurs pourront ainsi exprimer exactement ce qu'ils veulent de l'Europe. On ne leur force pas la main à l'avance puisqu'ils vont avoir plusieurs listes. »
M.-P. Farkas
Le Kosovo : je voudrais que vous nous disiez ce que vous vous savez de Milosevic, car on a vu que l'Otan avait beaucoup de mal, avait beaucoup de facilité pour être déterminée dans les forces aériennes mais beaucoup plus difficilement dans la stratégie pour la paix.
H. De Charette
- « C'est vrai que côté diplomatie, pour l'instant ça n’avance guère. Et sans doute y a-t-il eu quelques maladresses. Milosevic, c'est un personnage redoutable ! Un nationaliste issu du monde communiste, donc c'est un national-communiste. Un personnage à la fois très autoritaire, très secret, et extrêmement rusé, qui pratique de façon consommée l'art de vous dire une chose et d'en faire une autre. Nous l'avons expérimenté de façon très difficile et très malheureuse, souvent, en Bosnie-Herzégovine. C'est vraiment quelqu'un dont je ne peux que souhaiter qu'il disparaisse de l'horizon politique européen ! »
M.-P. Farkas
Parce qu'on n'arrivera pas à négocier avec lui ?
H. De Charette
- « Nous verrons, mais l'un n'empêche pas l'autre. »