Texte intégral
Votre tâche principale, c'est la transmission des savoirs
Écrit par M. Chevènement aux enseignants
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Éducation nationale, a adressé la lettre suivante aux « personnels enseignants de l'Éducation nationale » :
À l'occasion de la rentrée scolaire, je tiens à m'adresser à vous personnellement.
Je sais que ce qu'est un métier d'enseignant. J'en connais les servitudes, mais j'en mesure aussi l'importance, capitale aujourd'hui, pour l'avenir du pays.
Dans l'immense compétition qui brasse les puissances, bouleverse les rôles et les hiérarchies, la France ne restera un pays libre que si elle fait et gagne le « pari de l'intelligence ».
La mutation technologique accélérée à laquelle l'avance des États-Unis et du Japon nous contraint sous peine d'être vassalisés, nous pouvons la réussir. En effet, la « ressource humaine » en France n'est pas tarie, pour peu qu'ensemble nous sachions la cultiver.
Qu'est-ce qui fait en dernier ressort la force du Japon, sinon, depuis longtemps déjà, le haut niveau de formation et de qualification atteint par son peuple, son appétit de savoir et sa capacité à se mettre à l'école des autres ?
Et que serait la puissance des États-Unis sans leur réseau d'universités drainant les meilleurs cerveaux et conférant à la recherche américaine, dans presque tous les domaines, un exceptionnel éclat ?
Nous avons les moyens d'une telle ambition.
Si la science, à notre époque, bouleverse et renouvelle tous les domaines de l'activité humaine, il n'est pas de bonne recherche ni de bonne économie qui ne procèdent, en définitive, d'une bonne éducation, et cela, dès l'âge le plus tendre. De ce point de vue, nos atouts restent considérables : notre système éducatif a, certes, besoin d'être amélioré, rénové et dynamisé, mais il reste la grande force de notre pays. Il est encore un des meilleurs du monde.
La France n'a pas d'avenir si elle ne porte pas toujours plus haut le savoir et la capacité de ses enfants.
C'est la seule réponse au défi du chômage.
La modernisation qui nous permettra de retrouver la croissance et les emplois, par la diffusion du progrès scientifique et technique dans toute la société, requiert un niveau de formation générale plus élevé et davantage de qualifications. Plus que jamais, nous avons besoin de travailleurs compétents, ouvriers, techniciens, ingénieurs, dans l'industrie comme dans les services.
Mais nous n'avons pas seulement besoin de producteurs qualifiés. Parce que les défis du monde moderne ne peuvent être relevés que collectivement, nous devons aussi former des citoyens, des femmes et des hommes dotés d'un sens aigu de leurs droits et de leurs devoirs dans la cité, soucieux du destin de la communauté nationale.
C'est pourquoi, à côté des technologies modernes, il importe également que les jeunes Français apprennent à connaître et à aimer leur langue, leur histoire et leur culture. Les grandes nations d'aujourd'hui, États-Unis, Japon, URSS, Allemagne, ne négligent pas d'affirmer leur identité nationale.
Cette tâche commande notre avenir. Il n'en est pas de plus noble ni de plus difficile. Elle est la vôtre. Vous avez entre vos mains notre principale ressource : l'intelligence de notre jeunesse. À vous de la mettre en valeur.
La tradition de notre école est l'une des plus belles qui soient, car l'école a toujours été l'ambition de la République.
Appuyez-vous sur la tradition, mais soyez ouverts à la modernité.
N'oubliez pas que votre tâche principale, c'est l'instruction des enfants qui vous sont confiés, la transmission des savoirs qu'ils doivent apprendre à maîtriser.
Mais apprenez-leur aussi à vivre ensemble, et soyez accueillants aux expériences pédagogiques nouvelles, qui permettront à l'école de mieux remplir cette mission.
Le gouvernement accorde à l'école une priorité qui se marquera dans les choix budgétaires, malgré la rigueur des temps. Mais tout n'est pas dans l'argent. Beaucoup dépend de la motivation, de l'initiative et de l'enthousiasme des hommes.
Je sais combien vous êtes attachés à la qualité du service public de l'Éducation nationale. Je mesure les compétences et les efforts qu'exige ce service éminent.
Il faut qu'une plus juste place soit faite aux enseignants dans la nation, à la hauteur de leur responsabilité et de la difficulté grandissante de leur métier.
Cette revalorisation du rôle des enseignants, c'est ensemble que nous l'accomplirons. Comme je compte sur vous pour rénover notre système éducatif et restaurer l'école de la République, vous pouvez compter sur moi pour que vous soit témoignée la considération qui vous est due.