Texte intégral
Olivier Mazerolle : Bonsoir, Monsieur Mégret.
Bruno Mégret : Bonsoir.
Olivier Mazerolle : Pendant cette campagne européenne, suite au jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 mai dernier, vous avez dû renoncer à vous appeler « Front national ». Le Gouvernement, de son côté, a débloqué les 41 millions de fonds publics destinés au FN en faveur de Jean-Marie Le Pen. Alors question maintenant que tout le monde se pose, pourrez-vous, à la tête du Mouvement national, atteindre les 5 % de voix nécessaires pour être élu au Parlement européen.
Pierre Luc Séguillon et Patrick Jarreau participent à ce « Grand Jury » retransmis en direct sur RTL et LCI. Le Monde publiera, dans son édition de demain, l'essentiel de vos déclarations.
Tout d'abord, le Kosovo, vous avez souhaité la victoire des soldats serbes, c'était au mois d'avril…
Bruno Mégret : Non, pas précisément, non, non…
Olivier Mazerolle : Vous l'avez dit dans une déclaration publique. En tout cas, vous aviez approuvé leur résistance et souhaité leur victoire.
Bruno Mégret : Non, non. Pas du tout. Non, non, je suis désolé. Je vous préciserai mes propos.
Olivier Mazerolle : Bon en tout cas, Milosevic est en train de capituler. Vous le regrettez ?
Bruno Mégret : Je me félicite et je me réjouis que l'on s'achemine maintenant vers une solution de paix négociée et de compromis. Ce que je ne comprends pas et ce qui me paraît rétrospectivement tout à fait aberrant, c'est qu'il ait fallu pour cela mettre les Balkans à feu et à sang. Bombarder tout un pays, mettre à sac son économie, faire des centaines, voire peut-être même des milliers de victimes dans les populations civiles serbes, provoquer l'exode d'un million de Kosovars simplement pour obtenir ce que les Serbes avaient déjà pratiquement accepté dans les accords de Rambouillet. La seule différence, je crois, c'est que les Serbes ne voulaient pas de troupes de l'OTAN. Ils auront des troupes de l'OTAN sur le Kosovo, mais ils étaient d'accord pour l'autonomie de la province. Ils étaient d'accord pour le retour des réfugiés, il y en avait déjà à l'époque, et ils étaient d'accord pour un retrait d'une bonne partie de leur force.
Olivier Mazerolle : Mais ils n'étaient pas d'accord pour une force internationale.
Bruno Mégret : Oui, alors on a bombardé. On a mis à feu et à sang les Balkans simplement pour obtenir qu'il y ait une force internationale de l'OTAN, de l'OTAN parce que je crois que les Serbes étaient d'accord pour une force de l'ONU.
Olivier Mazerolle : Non, non, pour le contrôle tout simplement de la bonne exécution des accords.
Bruno Mégret : Oui, c'est ça : pour un point de droit, on a bombardé à outrance pour un point de droit. Je trouve que cela montre rétrospectivement…
Olivier Mazerolle : Point de droit, Monsieur Mégret ? On vous dira, tout au moins les dirigeants occidentaux vous le disent, qu'il y avait une opération de nettoyage ethnique qui avait commencé avant même que les bombardements alliés n'aient commencé eux-mêmes…
Bruno Mégret : Et qui a été totalement amplifiée par l'action américaine. Alors, je crois que ça montre à quel point cette opération était absurde. Ça a coûté plus de 200 milliards de francs français, qui vont être payés naturellement par les pays occidentaux. Ensuite, sans doute, faudra-t-il bien sûr payer la reconstruction de la Serbie… Tout cela est délirant, d'autant que ce n'est pas du fait des accords qui viennent d'intervenir que la situation sera définitivement réglée, car il demeurera le problème majeur de populations d'origines différentes, de religions différentes qui cohabitent sur le même sol, alors qu'elles ne veulent pas cohabiter ensemble.
Pierre-Luc Séguillon : Mais pour être très précis, quel jugement est-ce que vous portez sur Slobodan Milosévic et sur la politique qu'il menait au Kosovo ?
Bruno Mégret : Mais je l'ai dit : je ne suis pas du tout un soutien de Monsieur Milosévic qui est directement issu du système soviétique. S'il devait avoir des amis en France, ils seraient au Gouvernement français actuel et j'ai condamné la politique de Monsieur Milosévic, notamment les exactions qu'il a pu commettre. Donc le problème n'est pas là, le problème c'est que les États-Unis se sont arrogés le droit, de façon unilatérale, de bombarder un État souverain parce qu'il ne voulait pas donner l'indépendance à l'une de ses provinces où une population immigrée était devenue majoritaire, et ça je dis que c'est un précédent très grave pour l'équilibre international, pour le respect de la souveraineté des nations.
C'est une question qui nous concerne tous, qui concerne la France car nous pouvons demain être confrontés à une situation comparable avec des Kosovo à l'intérieur de notre pays quand en Seine-Saint-Denis, quand dans les Bouches du Rhône, il y aura une majorité de population musulmane originaire du Maghreb et que ces gens-là demanderont leur autonomie, qu'est-ce qui se passera ? On appliquera la jurisprudence américaine sur le Kosovo.
Olivier Mazerolle : Attendez, à vous entendre, on a le sentiment que, pour vous, Milosévic incarne une sorte de résistance sur un point de droit fondamental qui est celui de la souveraineté des états !
Bruno Mégret : Mais je ne me préoccupe pas de Monsieur Milosévic. Je me préoccupe en effet de ce principe essentiel de la souveraineté des nations car si on ne respecte pas la souveraineté des nations, on ne respectera pas la nôtre, on ne respectera pas la souveraineté française.
Patrick Jarreau : Mais ça veut dire que, pour vous, les habitants albanophones et musulmans du Kosovo n'avaient pas le droit de rester au Kosovo ?
Bruno Mégret : Ça veut dire que, si on bombarde la Serbie, parce qu'on refuse de donner son indépendance au Kosovo…
Patrick Jarreau : Non, mais il était pas question d'indépendance !
Bruno Mégret : D'autonomie mais, enfin, vous savez très bien que ça se terminera comme ça…
Patrick Jarreau : Autonomie que le Kosovo avait, auparavant, dans l'ancienne république fédérale yougoslave, dont il a été privé par Milosévic.
Bruno Mégret : Et que le régime serbe était bien d'accord pour le lui rendre.
Patrick Jarreau : Oui, enfin, en tout cas, il ne voulait pas que ce soit contrôlé !
Bruno Mégret : Donc ce que je dis, c'est qu'il est totalement absurde d'agir ainsi et de provoquer un tel bouleversement militaire et sanglant pour ce petit point qui aurait pu être réglé de façon pacifique.
Patrick Jarreau : Mais vous parlez de population immigrée, musulmane au Kosovo. Donc ça veut dire que, dans votre esprit, la revendication serbe, qui était d'expulser cette population, était fondée !
Bruno Mégret : Non, c'est pas ça. Dans mon esprit, il est absurde de croire qu'on va pouvoir rétablir durablement la paix en laissant cohabiter deux populations qui ne veulent pas cohabiter sur le même sol et en les forçant à cohabiter. Il faut trouver une solution qui permette de rétablir le principe : un peuple, une terre. Chaque peuple doit avoir sa terre sur laquelle…
Patrick Jarreau : Donc il faut faire de l'épuration ethnique ?
Bruno Mégret : Non, pas du tout ! D'abord c'est…
Pierre-Luc Séguillon : La bonne solution, selon vous, c'est la partition ?
Bruno Mégret : Et bien, ça peut être une solution. Il peut y avoir des… comme ça s'est pratiqué en bien d'autres époques dans notre histoire, du fait d'ailleurs des puissances occidentales. Pensez au traité de Versailles. Pensez à ce qui s'est fait d'ailleurs en Krajina avec entre les Serbes et les Croates. C'est tout à fait envisageable, pourquoi pas !
Pierre-Luc Séguillon : Est-ce que ça signifie, selon vous, si l'on en vient à la situation aujourd'hui, puisque le problème qui est posé est celui de la force qui va se trouver au Kosovo, que, la bonne solution, ce serait d'avoir les Russes d'un côté et les Américains ou les Européens de l'autre ? Ce qui, de fait, produirait la partition ?
Bruno Mégret : Ça peut être une solution. Moi, je regrette profondément que la France ait manqué une occasion extraordinaire qui s'offrait à elle sur le plan diplomatique et qui aurait consisté à ce qu'elle ne s'engage pas comme un toutou derrière les Américains pour aller bombarder la Serbie ; qu'elle se place en situation de médiateur, conjointement avec la Russie et elle aurait pu jouer un rôle déterminant pour accélérer le processus de paix. Elle a été incapable de le faire parce que Chirac est aux ordres de Clinton, pour les questions internationales, comme il est aux ordres de Jospin, pour les questions intérieures. Alors évidemment, ça peut pas nous mener très loin…
Patrick Jarreau : Mais est-ce que ça veut dire que la logique que vous appliquez là, dans ce cas particulier du Kosovo, vous voudriez l'étendre ? C'est-à-dire que, partout en Europe, il faudrait séparer, je ne sais pas moi, les minorités hongroises qui peuvent exister dans le nord de la Serbie et ainsi de suite ?
Bruno Mégret : Je pense qu'il n'y a pas lieu de poser les problèmes, là où il n'y en a pas ! Je pense que, lorsqu'il y a des problèmes, il faut les regarder en face et ne pas se voiler les yeux. Il y a des problèmes qui sont liés, dans les Balkans, à la cohabitation de populations différentes, qui, il faut le reconnaître quand même, partout dans le monde, sont une source majeure de conflit. Et c'est la raison pour laquelle l'immigration en France est scandaleuse et criminelle parce qu'elle va créer, à l'intérieur de notre pays, des problèmes de ce type qui n'existaient pas autrefois ! Nous avions l'unité et l'homogénéité de notre peuple, et nous sommes en train de créer un problème de cohabitation ethnique et religieuse qui peut demain provoquer des situations dramatiques !
Olivier Mazerolle : Alors, si on suit votre raisonnement, seulement un moment, est-ce que ça veut dire que, pour l'avenir, vous imaginez qu'en France justement, pour éviter qu'il y ait ces confrontations, il devrait y avoir des zones d'autonomie en France ou…
Bruno Mégret : Non, Monsieur Mazerolle ! Figurez-vous que nous sommes porteurs d'une autre solution, c'est l'Europe…
Olivier Mazerolle : Donc, pas de partition en France ?
Bruno Mégret : Évidemment pas !
Olivier Mazerolle : Parce que vous étiez favorable à la partition pour le Kosovo mais, s'il y avait des petits Kosovo en France, pas la partition donc ?
Bruno Mégret : Nous sommes partisans du retour des immigrés dans leur pays d'origine. Il en est encore temps et il est urgent de le faire pour maintenir la cohésion, l'unité, l'identité de notre pays et la paix civile dans notre pays.
Pierre-Luc Séguillon : Est-ce que ça signifie, pardon, est-ce que ça signifie pour vous qu'une nation, c'est un peuple, une religion, une culture, une terre ?
Bruno Mégret : Une nation, c'est un peuple sur une terre, doté d'une culture, bien sûr ! Qu'est-ce que c'est d'autre ?
Pierre-Luc Séguillon : Et une religion ?
Bruno Mégret : Disons que la religion, c'est une notion qui a une double connotation. C'est d'abord une foi personnelle qui appartient à chacun, mais c'est aussi partie intégrante d'une culture. Il est certain que l'Europe est une communauté de civilisations. C'est d'ailleurs pour ça qu'on y est très attachés, contrairement à ce qu'on dit…
Pierre-Luc Séguillon : Autrement dit, pour vous, la France est un pays, un peuple et une religion, au moins au plan culturel, chrétienne. Il ne peut pas y avoir cohabitation de deux religions ?
Bruno Mégret : Non, en termes de religion ayant une implication sur les normes de civilisation. Il est clair que la France, comme l'ensemble des pays européens, sont des nations chrétiennes. Elles ne sont pas musulmanes et c'est la raison d'ailleurs pour laquelle nous nous opposons au développement, à l'implantation de l'Islam en France, que ce soit le port du tchador, que ce soient les constructions de mosquées en dur, ce qui, soit dit en passant, n'est pas du tout le cas de monsieur Le Pen.
Olivier Mazerolle : Quand vous dites : « retour des immigrés », sous ce vocable immigrés, vous placez qui exactement ? Également ceux qui sont d'origine étrangère mais qui ont acquis la nationalité française ?
Bruno Mégret : On va pas ouvrir ce débat maintenant. Je considère qu'il faut déjà organiser le retour de tous les étrangers et puis on verra si le problème de l'immigration est…
Olivier Mazerolle : Non européens alors ?
Bruno Mégret : Les étrangers non européens, bien évidemment ! Tous les étrangers en situation…
Olivier Mazerolle : Ça fait combien de personnes, à votre avis, tout ça ?
Bruno Mégret : Écoutez, ça, c'est une question que personne n'est en mesure, à laquelle personne n'est en mesure de répondre car c'est un sujet tabou. Les autorités camouflent soigneusement ces chiffres…
Patrick Jarreau : Alors, est-ce qu'on s'arrête à ceux qui sont porteurs d'un passeport étranger ou bien est-ce qu'on remonte, est-ce qu'on revoit les naturalisations, ce que vous aviez souhaité, il y a quelques années ?
Bruno Mégret : Oui, c'est une notion que j'avais évoquée, en effet, qui peut se présenter, mais que nous n'avons pas retenue actuellement dans notre programme.
Pierre-Luc Séguillon : Pourquoi, pourquoi vous avez changé ?
Bruno Mégret : Parce que nous pensons qu'il est possible que le retour des étrangers originaires du tiers monde soit suffisant pour régler le problème.
Olivier Mazerolle : Mais le retour s'opère de quelle manière ?
Bruno Mégret : Et bien, monsieur Mazerolle, de la même manière que lorsque vous allez en vacances dans ces pays-là. On prend l'avion ou on prend le bateau et tout ça se passe à l'initiative des intéressés dès lors que leur permis de séjour vient à échéance.
Pierre-Luc Séguillon : Il y a une petite différence, quand même, c'est qu'ils ne sont pas tous venus en vacances en France, vous l'avez remarqué. Certains travaillent depuis des années !
Bruno Mégret : Oui, il y en a beaucoup qui sont venus en vacances et qui ont oublié de repartir.
Olivier Mazerolle : Et s'ils ne veulent pas repartir ?
Bruno Mégret : S'ils ne veulent pas repartir et s'ils restent sur le territoire national au-delà de la date limite de validité de leur titre de séjour, ils deviennent clandestins et, à ce moment-là, on applique la loi sur les clandestins, qui doit d'ailleurs être renforcée, et ils sont expulsés.
Olivier Mazerolle : Alors pour appliquer ce programme, encore faudrait-il que vous accédiez au pouvoir. Or, tout au long de la campagne européenne, les sondages ne vous ont pas été extrêmement favorables et, dans la primaire qui est engagée face à Jean-Marie Le Pen, on se demande si vous allez atteindre les 5 %. Si vous n'y parvenez pas, c'est la mort politique pour vous ?
Bruno Mégret : Non, pas du tout ! Mais nous y parviendrons et je suis assez choqué de voir quel usage il est fait aujourd'hui des sondages, alors que tous les spécialistes s'accordent à considérer que ces sondages, actuellement, ne veulent rien dire. Il y a encore la moitié des gens qui, même aujourd'hui, ne se sont pas déterminés. Alors que les sondages sont totalement incohérents les uns par rapport aux autres, on en fait la norme et pratiquement il faudrait pas aller au vote. Il faudrait s'arrêter aujourd'hui comme si les jeux étaient faits. Rien n'est fait. Ce sont les Français qui vont décider et il faut respecter leurs votes. Moi, je vous répondrais, monsieur Mazerolle, tout va très bien. Pour nous, tout va très bien, sauf les sondages. Mais les sondages sont bidons.
Olivier Mazerolle : Mais qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer qu'ils sont bidons ? Comment savez-vous que vous allez faire plus de 5 % ?
Bruno Mégret : Parce que j'ai d'autres informations…
Olivier Mazerolle : Lesquelles, dites-nous !
Bruno Mégret : Lorsqu'on fait campagne, on est à la rencontre des Français. En tout cas, lorsqu'on fait campagne comme nous le faisons, j'ai fait le tour de tous les départements de notre pays, à la sortie des usines, sur les marchés, dans les cités. À chaque événement grave, je me suis efforcé d'aller apporter notre solidarité au peuple français, comme je l'ai fait dans la petite ville de Vauvers dans le Gard, sinistrée par l'insécurité. Je les ai vus les Français et je vous assure que l'accueil que je reçois, que nous recevons ne correspond pas du tout aux chiffres qui sont annoncés dans les sondages.
Et, de toute façon, peu importe ! Nous verrons. Ce que je constate, c'est que, dans le passé, les sondages n'ont jamais été capables de prévoir l'émergence d'une liste nouvelle, que, par exemple dans l'élection présidentielle passée, ils annonçaient un écart considérable entre Chirac et Balladur. Cet écart n'était en réalité que d'un point. Tout cela doit être pris avec beaucoup de précautions et, moi, j'ai un vrai sondage par contre. C'est l'élection partielle de Sainte-Marie-aux-Mines qui a eu lieu, il y a à peine quelques semaines, qui nous a donné 25 % pour notre candidat, arrivé en tête de tous les candidats, quand le candidat lepéniste faisait 2 %. Et ça, c'est quand même 7 000 personnes qui se sont déplacées pour voter dans le secret de l'isoloir. C'est autrement plus sérieux que les 500 000 interrogées par téléphone dont on nous parle.
Olivier Mazerolle : Il y a d'autres sondages grandeur nature qui ne concernent pas d'ailleurs uniquement votre compétition avec Jean-Marie Le Pen, mais les législatives partielles, vos candidats n'ont pas bien réussi notamment dans les Bouches-du-Rhône.
Bruno Mégret : Mais il n'y avait pas de candidat. Nous n'avions pas présenté de candidat. C'est le candidat lepéniste, madame Meulin, qui, à l'élection d'Aubagne, a fait un score en effet tout à fait lamentable. Alors, c'est au contraire quelque chose qui vient apporter de l'eau à mon moulin.
Olivier Mazerolle : Est-ce que ça ne veut pas dire justement que votre dissidence a affaibli le Front national dans son ensemble et les idées du Front national ?
Bruno Mégret : Alors, soyons clairs ! Il n'y a pas de dissidence. C'est monsieur Le Pen qui est responsable de la division. C'est lui qui a fait exploser le Front national tout simplement parce qu'il refusait de dialoguer avec ses amis. Il y a quand même quelque chose d'ahurissant à constater que monsieur Le Pen a provoqué une scission majeure parce qu'il ne voulait pas du ticket Le Pen-Mégret. Et il fait le ticket Le Pen-de Gaulle. Les Français apprécieront. En réalité, dans cette affaire, monsieur Le Pen apparaît comme un imposteur, est en train de trahir nos idées et notre combat.
Patrick Jarreau : Mais, qu'est-ce qui vous distingue, en dehors du fait que vous vous appelez Mégret et lui Le Pen, qu'est-ce qui vous distingue de Jean-Marie Le Pen ? Vous avez expliqué à plusieurs reprises…
Bruno Mégret : Et l'âge.
Patrick Jarreau : Et l'âge, à plusieurs reprises que vous n'abandonnez rien et que vous reprenez intégralement le programme du Front national ?
Bruno Mégret : Oui, et bien je vais vous expliquer : je dis que monsieur Le Pen est un imposteur parce qu'il est clair que, maintenant, il sert le système, il sert l'établissement, il sert le pouvoir socialiste qui le lui rend bien en lui faisant gagner tous ses procès, en lui versant le chèque de 41 millions de francs, le salaire de la trahison. Vous savez, il y a des Français qui jouent au loto…
Pierre-Luc Séguillon : Je vous arrête, vous pensez que le Gouvernement devait aller à l'encontre d'une décision de justice ?
Bruno Mégret : Mais rien n'obligeait le Gouvernement…
Pierre-Luc Séguillon : Attendez, il y a eu une décision de justice !
Bruno Mégret : Rien n'obligeait le Gouvernement à verser cette somme qui aurait dû être bloquée jusqu'à ce que l'appel soit rendu, que la décision soit définitive, d'autant qu'il faut que les Français sachent que cette somme a été calculée sur la base des scores réalisés par les candidats de l'ancien Front national aux élections législatives. Deux tiers d'entre eux sont avec nous, c'est-à-dire qu'en réalité cette somme n'est pas la propriété personnelle de monsieur Le Pen qui, je le sais, est obsédé par l'argent et ne pense qu'à ça et veut s'asseoir sur son magot, au point d'ailleurs demain d'être sans doute tout seul avec cet argent quand le reste du Front national l'aura abandonné…
Patrick Jarreau : Mais c'est une chose dont vous vous êtes rendu compte récemment, ce reproche que vous lui faites, c'est tout à fait récent, il ne vous était pas venu à l'esprit auparavant, parce que vous avez quand même été son numéro deux pendant quatorze ans !
Bruno Mégret : Ce que je dis, c'est qu'on a vu à l'occasion de cette crise combien. Monsieur Le Pen fait passer en réalité les idées, le combat, l'idéal qu'il prétend incarner derrière sa vanité personnelle et sa volonté de conserver son petit patrimoine politique, personnel et familiale. Et ça, je dis que c'est une trahison.
Alors, il y en a une autre, il y en a une autre très grave qui est en train de se développer actuellement. Le gendre de monsieur Le Pen, qui occupe une place considérable auprès de lui, qui est en quelque sorte son porte-parole privilégié…
Patrick Jarreau : Il s'appelle Samuel Maréchal !
Bruno Mégret : Voilà qu'il vient de déclarer à Ouest France que la politique d'immigration du Front national lepéniste devait être modifiée totalement pour prendre en compte le caractère multiconfessionnel de notre pays. Et c'est dans cet esprit que s'éclaire d'avantage la position par exemple du conseiller spécial aux affaires musulmanes de monsieur Le Pen, monsieur Sid Hamed Yayaoui, en dixième position, qui s'est déclaré, au nom de Le Pen, comme favorable au port du tchador dans les écoles publiques, favorable à la construction de mosquées dans notre pays.
Alors ça, ça veut dire que Le Pen abandonne le combat contre l'islamisation de la France. C'est une trahison de plus.
Olivier Mazerolle : En vous entendant, je me rappelle de certaines déclarations de Jean-Marie Le Pen disant mais il y a des racistes chez Bruno Mégret !
Bruno Mégret : Et bien, c'était une troisième trahison que de traiter ses amis, ses anciens amis, de racistes !
Olivier Mazerolle : Non, mais par rapport à ce que vous venez de dire, vous n'avez pas l'air satisfait qu'il y ait un musulman sur les listes de Jean-Marie Le Pen…
Bruno Mégret : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, vous déformez mes propos…
Olivier Mazerolle : Non mais justement, c'est l'occasion pour vous de préciser.
Bruno Mégret : J'ai dit que le fait qu'il y ait un musulman, originaire du Maghreb, sur la liste de monsieur Le Pen, qui prend des positions favorables à l'implantation de l'Islam dans notre pays, va totalement à l'encontre d'abord des principes républicains de neutralité et va totalement à l'encontre de la politique qui est la nôtre, de la volonté qui est la nôtre, de préserver l'identité de la France, de lutter contre l'immigration et d'empêcher l'islamisation de notre pays.
Pierre-Luc Séguillon : Non mais, pour être plus précis, ce qui fait la spécificité maintenant du Mouvement national, c'est donc, si je comprends bien, le combat contre l'implantation arabo-musulmane en France !
Bruno Mégret : C'est pas ça qui fait la spécificité. C'est un des éléments majeurs de notre programme…
Pierre-Luc Séguillon : Depuis que nous discutons ensemble depuis une demi-heure, vous y insistez beaucoup, comme s'il y avait une espèce de surenchère par rapport à Jean-Marie Le Pen, non ?
Bruno Mégret : Il n'y a pas besoin de faire de surenchère. Il abandonne complètement ce programme, alors évidemment…
Pierre-Luc Séguillon : Il a faibli !
Bruno Mégret : Comment ?
Pierre-Luc Séguillon : Il a fléchi !
Bruno Mégret : Il abandonne. Notre spécificité en effet, monsieur Séguillon, c'est que nous considérons dans ces élections européennes qu'il faut défendre la souveraineté de la France, c'est-à-dire sa capacité à continuer à décider pour elle-même. Mais que contrairement aux Pasqua ou à d'autres qui se contentent de cet aspect juridique, nous disons qu'il faut défendre la France contre l'eurofédéralisme de Bruxelles, mais aussi défendre la France contre l'immigration qui organise une colonisation à l'envers de notre pays. Et il est complètement absurde de vouloir défendre juridiquement notre pays et accepter, dans le même temps, qu'elle disparaisse en tant que réalité charnelle.
Pierre-Luc Séguillon : C'est un peu Fort Chabrol la France. On est assiégé de toute part, par les arabo-musulmans d'un côté et les eurocrates de l'autre, si je comprends bien !
Bruno Mégret : Et bien pas du tout ! Figurez-vous parce que notre position, la position qui est la nôtre en matière européenne, n'est pas du tout Fort Chabrol, je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes très attachés à notre identité européenne et cette communauté de civilisations constitue la famille des nations européennes. Nous sommes contre l'Europe de Bruxelles, mais nous sommes pour une autre forme d'organisation de l'Europe, l'Europe des nations qui doit d'abord être européenne et de la même manière que nous disons oui, les Français d'abord en France, nous disons les Européens d'abord en Europe car ça c'est la vraie preuve que l'on souhaite donner à cette communauté européenne, une réalité tangible.
Nous disons ensuite que les lois qui s'appliquent en France doivent rester des lois françaises alors qu'actuellement la moitié des textes qui régissent notre vie quotidienne sont décidés à Bruxelles en court-circuitant le Parlement français. Et troisièmement, nous disons que l'Europe doit abandonner cette espèce d'intégration, d'homogénéisation, de nivellement pour pratiquer la coopération, libre coopération comme elle se fait par exemple déjà en dehors de Bruxelles avec Ariane, avec Airbus, avec Eurocopter.
Patrick Jarreau : Mais alors monsieur Mégret, qu'est-ce que, en France précisément, qu'est-ce que vous avez, vous, à proposer comme stratégie pour ceux que vous appelez à voter pour vous, qui soit différente de celle de Jean-Marie Le Pen, vous dites Jean-Marie Le Pen, au fond, les emmène dans une impasse ou conforte…
Bruno Mégret : Ne me parlez pas de monsieur Le Pen. On ne va pas passer la soirée sur Le Pen. Le Pen d'ailleurs, c'est fini, il va bientôt prendre sa retraite alors…
Patrick Jarreau : Alors parlons de votre stratégie à vous.
Bruno Mégret : Bien d'accord.
Patrick Jarreau : Vous dites, nous, nous voulons arriver au pouvoir. Comment, avec qui ?
Bruno Mégret : Je vous explique. C'est extrêmement simple et je crois que beaucoup de Français n'en sont pas encore bien conscients car, il y a quelques mois encore, avant le congrès de Marignane, la droite nationale était en quelque sorte balkanisée, un fossé avait été creusé par les outrances de monsieur Le Pen, ses dérapages, le détail, four crématoire, qui isolait l'électorat du Front national d'un électorat au moins aussi important de Français qui partagent nos idées et qui erraient d'élections en élections vers un Villiers, vers un Pasqua, vers un Millon, sans jamais réellement réussir à se cristalliser, et pour cause, ces personnes-là ne défendent pas réellement cet idéal qui est le nôtre. Avec le congrès de Marignane, avec la rénovation du Front national, avec l'émergence du Mouvement national, nous avons commencé à combler ce fossé, à dresser un étendard autour duquel les uns et les autres vont pouvoir se rassembler. Et ça, ça fait 20, 25 % des Français. La droite nationale française, elle est aussi forte que cela. On ne le savait pas parce qu'elle est balkanisée, notre ambition…
Olivier Mazerolle : On ne le sait toujours pas parce que pour l'instant les chiffres que vous annoncez n'ont jamais été réalisés encore !
Bruno Mégret : Notre ambition, c'est de la rassembler. Si, si je compte les électeurs de monsieur de Villiers, les nôtres, ceux de monsieur…
Patrick Jarreau : Mais attendez, les électeurs de monsieur de Villiers chez monsieur de Villiers ou chez vous la semaine prochaine ?
[Il manque la page 13 du doc]
Bruno Mégret : Si parce que nous sommes, parce que cette élection est pour nous le point de départ, quand monsieur Le Pen ou monsieur Pasqua, c'est pour eux le point final. C'est ça la différence. Monsieur Pasqua d'ailleurs, il faut bien voir les choses, c'est un imposteur dans son genre, il se prétend favorable à la souveraineté de la France, il a combattu le traité de Maastricht en 92, qu'est-ce qu'il a fait en 93, il rentre au gouvernement de Balladur, conjointement avec Séguin, avec Sarkozy et Bayrou. Ils appliquent le traité de Maastricht. Voilà un homme qui combat un traité en disant que c'est mauvais pour la France et, six mois après, il l'applique, c'est scandaleux, en plus, cet attelage Pasqua / Villiers, c'est un véritable PACS politique, c'est complètement contre nature. Pasqua est pour la régularisation générale des clandestins, je le rappelle, plus à gauche que la gauche en matière d'immigration, il est pour le PACS. Alors, c'est quand même pas compatible avec Villiers. En plus, je croyais que monsieur de Villiers se battait pour le combat pour les valeurs, entre nous Pasqua, c'est quand même pas le meilleur modèle auquel on pouvait songer pour incarner le combat pour les valeurs, quand on songe qu'il dînait, on vient de l'apprendre, qu'il dînait régulièrement avec monsieur Dumas et madame Deviers Joncourt, celle qui se fait appeler la putain de la République. C'est quand même tout çà un peu curieux, cette espèce de connivence malsaine entre la fausse droite qu'incarne monsieur Pasqua et la gauche affairiste.
Olivier Mazerolle : Alors, comment vous réunifiez tout ça alors, les électeurs des uns et des autres ?
Bruno Mégret : Et bien, nous allons organiser ce grand rassemblement le 14 juin, monsieur Séguillon, nous continuons notre combat, nous allons de l'avant, nous allons passer à la préparation des élections municipales et nous, nous avons un appareil politique, des cadres de valeur, nous avons la substance vive du Front national, de l'ancien Front national, nous allons présenter des listes municipales partout, et à cette occasion, nous allons rassembler l'ensemble de ce qui restait de valable chez monsieur Le Pen, toutes les forces vives qui veulent s'investir sur la durée et qui auront, en tout cas provisoirement, voté Pasqua ou voté Le Pen, nous sommes l'avenir de la droite nationale.
Olivier Mazerolle : Merci, monsieur Mégret. C'était votre Grand Jury. Dans un instant, après les informations, nous recevrons monsieur Le Pen.