Interviews de Mme Arlette Laguiller, porte parole de Lutte ouvrière, à RTL les 10 et 25 mai 1999, RMC le 30, sur l'affaire de l'incendie de la paillote en Corse, le projet de loi sur les 35 heures, le chômage et la campagne pour les élections européennes du 13 juin 1999.

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Média : Emission L'Invité de RTL - Emission Le Grand Jury RTL Le Monde LCI - RTL

Texte intégral

RTL le 10 mai 1999

RTL : Croyez-vous que le Gouvernement ait une part de responsabilité dans l'incendie de « Chez Francis » ?

Arlette Laguiller : Ecoutez, la responsabilité politique, je ne sais pas. M. Jospin a déclaré nettement qu'il n'était pas au courant.

RTL : Vous le croyez ?

Arlette Laguiller : Sans doute. Mais ce qui me choque, dans cette affaire, et ce qui m'a toujours choqué dans toutes les affaires où étaient liés plus ou moins des barbouzes ou des services secteurs, c'est finalement l’opacité qui règne dans tout l'appareil d'Etat. On a quand même connu l'enlèvement de Ben Bella pendant la guerre d'Algérie, l'assassinat de Ben Barka en plein Paris, l'affaire du Rainbow Warrior. Et à chaque fois, ce qu'on peut constater, c'est que la population n'a aucun contrôle sur cet appareil d'Etat. Donc, ce qui manque, c'est la transparence sur le fonctionnement de l'appareil d'Etat. Ça veut dire, pour moi, que tous les responsables, à tous les niveaux, devraient être· élus et pas seulement nommés et révocables à tout moment.

RTL : C'est-à-dire qu'il faudrait élire les préfets ?

Arlette Laguiller : Bien sûr, comme il faudrait pouvoir pénétrer dans les commissariats de quartier. Vous savez, on a des affaires troubles, en ce moment, sur des immigrés qui ont été tués après être passés dans des commissariats. Qui peut contrôler ce qui s'y passe, vérifier les livres d'entrées et de sorties? La population n'a aucun droit. Alors imaginez dans une préfecture.

RTL : Mais c'est les Soviets, ça ?

Arlette Laguiller : Appelez ça comme vous voulez. En tout cas, c'est le contrôle de la population, ça veut, dire la plus large démocratie possible.

RTL : Mais vous croyez, là, que le Gouvernement devrait démissionner ?

Arlette Laguiller : Oh, moi, je dirais que ce qui me choque, surtout, c'est que finalement, ce Gouvernement est mis en cause en ce moment pour une affaire qui est quand même une affaire tragi-comique alors que pour toutes ses mesures anti-ouvrières, pour sa politique guerrière dans l'ex-Yougoslavie, là, il y a une union parfaite, finalement, entre la droite et la gauche, entre le Président de la République et L. Jospin. Donc, moi, j'aurais préféré que ça soit sur les problèmes qui concernent l'ensemble de la population : les problèmes des privatisations, les problèmes de la retraite. On va remettre en cause encore une fois les 40 ans de cotisations pour essayer de passer à 42 ans et demi, c'est sur ces problèmes-là que je préférerais qu'on sanctionne le Gouvernement.

RTL : On va en parler. Mais un mot sur le Kosovo tout de même. Alors il semblerait - c'est ce qu'on nous dit ce matin que la CIA ne disposait pas des derniers plans de Belgrade.

Arlette Laguiller : Oui, écoutez, la CIA est plus au courant des frasques de son Président que, des plans de Belgrade. Je pense qu'on pourrait en rire mais c'est tellement une tragédie ce qui se passe là-bas. Et cette bavure, on dit que c'est la 8ème ou la 9ème, je ne sais pas s'il avait des plans pour dire qu'à Nis il y avait un marché et que c'est là que les frappes ont tué 15 civils, en ont blessé gravement 50 autres, c'est-à-dire que c'est tous les jours en ce moment que des civils sont tués par ces frappes en Serbie. Et je voudrais dire que face à cette situation, bien sûr que je condamne l'épuration ethnique menée par Milosevic, mais je condamne tout autant les frappes, les bombardements parce que je pense que ces bombardements sont en train d'aggraver et ont aggravé considérablement la situation des habitants du Kosovo. Aujourd'hui, le Kosovo est vidé sans doute de la moitié déjà de ses habitants. Et on le voit bien, ce ne sont pas ces bombardements qui visent en réalité à démoraliser la population.

RTL : Vous mettez Milosevic et les Alliés sur le même plan ?

Arlette Laguiller : Oui. Je pense que c'est la même barbarie. Je pense que faire cette épuration ethnique, c'est une barbarie mais que de bombarder des civils comme on le fait, c'est une autre barbarie qui ne règle absolument rien. Et je voudrais dire en plus que les grandes puissances sont vraiment hypocrites parce que si vraiment ils étaient préoccupés du sort des habitants du Kosovo, eh bien aujourd'hui, ce n'est pas au compte-gouttes, c'est pas 1 000, 2 000, 2 500 réfugiés qu'il faudrait les accueillir. Il y a plusieurs centaines de milliers de familles françaises qui se sont dites d'accord pour accueillir chez elles des réfugiés du Kosovo. Eh bien, en attendant que tout ça se calme, il faudrait, dans tous les grands pays· développés aujourd'hui, accueillir non pas 2 000 mais 100 000 réfugiés du Kosovo parce qu'aujourd'hui, il y a des scènes terribles qui se passent à la frontière de la Macédoine. La Macédoine est un tout petit pays, 2 millions d'habitants, qui a déjà reçu 200 000 réfugiés. Imaginez, ça veut dire comme si en France, après la guerre d'Algérie, il avait fallu, par exemple, accueillir 6 millions de Pieds noirs. C'est ça, la situation de la Macédoine aujourd'hui.

RTL : Mais comment vous empêchez Milosevic de pratiquer l'épuration ethnique ?

Arlette Laguiller : Ce n'est certainement pas les frappes de l'Otan qui l'empêchent de l'appliquer. Il n’a jamais autant appliqué. Même si c'est vrai qu'il avait commencé auparavant. Et d'ailleurs, puisque les forces de l'Otan savaient tellement qu'il le faisait, que n'ont-elles rien prévu, quand elles ont déclenché ces frappes, pour accueillir les réfugiés dans «!es conditions correctes ?

RTL : La grève à la SNCF est maintenant terminée. Mais pendant qu'elle se déroulait, vous avez appuyé cette grève. C'était une prise de position très minoritaire. Même R. Hue a dit ; « Moi, si j'étais cheminot, je ne ferais pas grève. »

Arlette Laguiller : Oui, on se demande s'il y a encore un communiste sur sa liste, ça, c'est sûr. Vous savez, on dit que c'est une grève minoritaire. Eh bien d'abord, cette grève minoritaire a obligé le PDG de la SNCF à faire quelques concessions, à donner des précisions. Cette grève, c'était la première grève d'ampleur nationale contre cette loi Aubry qui est en train, dans les entreprises, d'aggraver les conditions de travail des salariés. Ce n'est pas à une diminution réelle du temps de travail qu'on assiste, c'est à la flexibilité, à l'annualisation, au travail du samedi obligatoire, à la généralisation des équipes de nuit.

RTL : On travaille moins en échange de tout ça.

Arlette Laguiller : Mais souvent non parce que, en plus, c'est compensé la plupart du temps maintenant, par des samedis obligatoires quand ce n'est pas des dimanches travaillés comme chez Michelin ou ailleurs où là, on n'a pas appliqué les 35 heures. Mais tout ça va dans le sens, si vous voulez, d'une déréglementation du Code du travail, va dans le sens d'une aggravation des conditions de travail, d'une augmentation des cadences. Parce qu'on n'a pas suffisamment parlé de toutes les grèves qui ont lieu aux Chantiers de l'Atlantique, qui ont eu lieu à Peugeot, qui ont eu lieu chez Renault contre l'application de cette loi Aubry.

RTL : Oui, mais vous voyez bien que le chômage baisse pendant ce temps-là.

Arlette Laguiller : Ecoutez, je vais finir sur la SNCF. Je veux dire que c'est peut-être une grève minoritaire mais quelquefois, c’est les minorités qui réussissent à entraîner la majorité. Et si cette grève ne s'est pas développée, c'est sans doute parce que la CGT a tenu compte qu'il y avait un ministre du Parti communiste qui était au Gouvernement. Alors non, le chômage ne baisse pas, c'est pas vrai.

RTL : Tout de même, les chiffres sont là.

Arlette Laguiller : Mais non, les chiffres... Le chômage, ce n'est pas des statistiques. Quand les grandes entreprises de ce pays suppriment des emplois par milliers, en ce moment, chez Usinor, chez Elf, chez Alcatel, vous croyez que ça diminue le chômage ? Les seuls emplois nouvellement créés, aujourd'hui, sont des emplois en intérim, des emplois à temps partiel qui touchent en particulier les femmes et qui' ne permettent pas de vivre, les emplois en CDD, les CES, tout un tas d'emplois précaires. Et savez-vous qu'aujourd'hui, dans ce pays, un salarié sur dix qui a un emploi gagne moins de 4 000 francs par mois avec la généralisation de cette précarité. Alors quand on remplace quelques milliers d'emplois stables par quelques milliers d'emplois à. temps partiel qui ne permettent pas de vivre, eh bien non seulement on ne diminue pas vraiment le chômage, mais on augmente la misère et la précarité dans ce pays.

Grand Jury RTL-Le Monde-LCI » du 25 mai 1999

RTL : Vous êtes opposée à l'action de l'OTAN contre la Serbie. Pourquoi ?

Arlette Laguiller : Les bombardements n'empêchent pas l'épuration ethnique qui, même si elle avait commencé avant 'les frappes, s'est considérablement aggravée. On sait qu'aujourd'hui la moitié de la population du Kosovo a été poussée hors des frontières, alors que le but affiché des frappes de l'OTAN était de protéger le peuple kosovar.

RTL : Que fallait-il faire, alors ?

Arlette Laguiller : Ce qu'il fallait faire, il fallait le faire il y a longtemps. Il aurait fallu, déjà, ne pas applaudir, comme toutes les grandes puissances, à l'éclatement de l'ex-Yougoslavie. Les grandes puissances ont mis le feu, en quelque sorte, ou aggravé les conflits dans ces régions. « Maintenant, il faut arrêter ces bombardements qui tuent, en fait, des civils serbes, comme si on voulait rendre responsables tous les Serbes de la politique de leur dictateur. C'est exactement comme si, pendant la guerre d'Algérie, lorsque l'armée française regroupait des populations algériennes pour mieux les contrôler, tuait et torturait dans la population algérienne, les Américains avaient dit : « Eh bien, tiens, on va aller punir de ses dirigeants le peuple français, on va bombarder Paris, on va bombarder Marseille, on va bombarder les ponts, les routes. » En Serbie, cette politique tue des civils serbes et également, d'ailleurs, des Albanais du Kosovo, qu'on prétend défendre. « L'autre volet, c'est accueillir les réfugiés du Kosovo. On annonce déjà que très certainement, tout cela va encore durer au moins jusqu'à l'hiver, et la situation va être terrible dans les camps. Donc, il faut accueillir ces réfugiés. Non pas cinq mille, mais cent mille ! »

RTL : Qu'est-ce qui vous fait dire que le gouvernement de Lionel Jospin mène la même politique que la droite ?

Arlette Laguiller : Cette politique de droite, c'est ne pas tenir ses promesses et privatiser alors qu'on avait dit qu'on ne le ferait pas -, en appelant ça « ouverture du capital », les services publics comme France Télécom. C'est mettre fin au monopole d'EDF. C'est ne pas régulariser la moitié des sans-papiers qui sont sortis de la c1àndestinité, ces, sans-papiers exploités, bien souvent, par des négriers et que ce gouvernement de gauche contraint à retourner dans la clandestinité. « C'est prétendre qu'on a fait une loi en faveur des travailleurs, qui s'appelle la loi Aubry sur les 35 heures, alors que c'est une loi qui non seulement ne crée pas d'emplois, mais qui, en plus, est en train d'aggraver et de faire régresser la situation des travailleurs. Nous n'avons pas traversé une seule région où il n'y ait plusieurs entreprises, petites, moyennes ou grandes, connaissant des grèves contre cette loi sur les 35 heures. Voilà la situation. « D'accord, les travailleurs sont dos au mur, aujourd'hui, le chômage pèse et, finalement, le chantage du patronat fait que certains syndicats finissent par accepter de signer. Mais la flexibilité, l'annualisation des horaires de travail, c'est justement fait pour ne pas créer d'emplois et pour pouvoir faire travailler les travailleurs le temps que le patron le décide, quand il y a du travail, et les mettre en congé, même si ça ne leur convient pas, au moment où il n'y a pas de travail. Donc, ce n'est pas une loi faite pour créer des emplois. »

RTL : On est à moins de deux semaines du scrutin. Vous êtes une des plus anciennes en campagne - vous avez commencé il y a cinq mois maintenant. Est-ce que vous avez le sentiment, au bout de 150 jours, que vous allez avoir les voix nécessaires pour avoir des élus, le 13 juin prochain ?

Arlette Laguiller : Oui, j'y compte bien. Je pense que d'ailleurs il y a un courant, petit, mais quand même assez significatif qui est d'accord avec notre critique radicale de la gestion capitaliste de l'économie et de la société. Je crois qu'à l'occasion des élections européennes, ce courant va s'affirmer encore plus qu'en 1995 et qu'aux régionales de 1998.

RTL : Hier soir, sur TF1, il y a eu le duel N. Sarkozy-F. Hollande. Est-ce que vous croyez qu'au dernier moment, comme cela se passe souvent dans les élections, les électeurs vont être attirés par le vote utile ?

Arlette Laguiller : Je crois que le vote utile lorsqu'on est dans le camp des travailleurs, si on veut vraiment que la politique du gouvernement Jospin change, eh bien, c'est de voter pour l'extrême gauche, parce que ça ne peut changer que si on impose des mesures radicales aux grands patronats - au grand patronat français et au grand patronat européen - qui, aujourd'hui, affichent des bénéfices en hausse, une hausse extrêmement importante, et qui, dans le même temps, continuent à supprimer des milliers d'emplois. Eh bien, faire pression sur la politique du Gouvernement, c'est que l'on fera s'il y a beaucoup de voix sur la liste L.O.-L.C.R. On est les seuls dans cette période où les travailleurs d'Elf, d'Alcatel, d'Usinor sont encore menacés de suppressions d'emplois et de licenciements. Il n'y a que nous qui disons que la seule solution, c'est d'interdire les licenciements collectifs dans toutes ces grandes entreprises, ces grands groupes qui continuent à supprimer des emplois alors qu'ils font du profit.

RTL : Vous avez un adversaire coriace avec R. Hue qui dit exactement le contraire de ce que vous dites. Vous dites : « il n’y a que nous qui disons... » R. Hue dit : « A. Laguiller, oui elle dit, mais les seuls en mesure d'influencer le Gouvernement, ce sont les communistes, parce qu'ils sont au Gouvernement. » Est-ce qu'il n'a pas raison de dire que, pour changer, il faut être dans la machine ?

Arlette Laguiller : Ce qu'on constate, c'est que depuis deux ans que le Parti communiste a trois ministres au sein de ce gouvernement, cela n'a pas empêché les privatisations - appelées « ouverture de capital » -, cela n'a pas empêché le Gouvernement de refuser de régulariser la moitié des sans-papiers qui en ont fait la demande ; cela n'empêche pas qu'aujourd'hui les, travailleurs des musées, les travailleurs de la Culture sont obligés d'être, en grève pour obtenir ne serait-ce que la titularisation d'un certain nombre de travailleurs précaires, et qu'ils réclament la création de 1 000 emplois. Ce qui prouve d'ailleurs qu'il faudrait que l'Etat et le Gouvernement aujourd'hui cessent les cadeaux au patronat - les remises de cotisations sociales, d'exonérations fiscales - et créent des emplois dans tous les services publics. Il fait exactement l'inverse, malgré la présence de ministres communistes. Il supprime des emplois, par exemple dans les hôpitaux. Il y a de nombreuses grèves aujourd'hui dans tout le pays pour le maintien du service d'urgence, pour le 'maintien de maternités de proximité, parce que c'est dans ces secteurs-là justement qu'on pourrait créer des emplois. La présence de ministres communistes n'empêche absolument pas cela. Donc, je crois que l'utilité, aujourd'hui, de faire vraiment pression sur ce gouvernement, c'est voter pour nous.

RTL : Le Parti communiste dit : « si on a plus de voix, nous serons plus forts au Gouvernement, et donc plus à même de demander à Jospin de faire des efforts supplémentaires. »

Arlette Laguiller : Mais il ne suffit pas de demander. Ce qu'il faut c'est que le Gouvernement sente qu'il y a une radicalisation dans le monde du travail. Et cette radicalisation, elle ne peut s'exprimer que pour une liste qui affirme clairement: assez de cadeaux au patronat, prenons sur les profits pour créer des emplois. Je ne crois pas que R. Hue tienne ce langage.

RTL : Quel est le bilan que vous dressez, vous, des deux ans du gouvernement Jospin ?

Arlette Laguiller : Ce bilan, pour moi, il est négatif, parce que le chômage est toujours là. Le Gouvernement nous dit que le chômage baisse, et je dis que c'est un mensonge, parce que ceux qui sortent des statistiques du chômage rentrent dans d'autres statistiques qui sont les statistiques de la précarité : des petits boulots, du temps partiel imposé, des contrats à durée déterminée, de l'intérim. Aujourd'hui, on sait que dans ce pays, un travailleur sur dix qui a un emploi gagne moins de 4 000 francs par mois, voire moins de 3 500 francs par mois. Alors, remplacer une partie des chômeurs par des travailleurs précaires, ce n'est pas cela qui fait que les travailleurs peuvent vivre normalement.

RTL : Mais les emplois-jeunes, vous pensez quand même que c'est une bonne chose ?

Arlette Laguiller : D'abord, je crois que ça a créé peu d'emplois.

RTL : 100 000.

Arlette Laguiller : Oui. Tant mieux pour ces jeunes. Le problème, c'est : qu'est-ce que, ces jeunes deviennent dans quatre ans ? Pour certains, ils sont déjà depuis un an dans ces emplois-jeunes, et j'espère bien d'ailleurs qu'il y aura la solidarité des travailleurs autour d'eux pour faire qu'aucun de ces jeunes qui ont été embauchés de façon précaire soit mis à la porte et qu'au contraire, le personnel fixe les conserve parmi eux.

RTL : Vous disiez tout à l'heure : « pour que les choses changent en France - et je pense que vous avez raison - il faut que les demandes émanent de ceux qui veulent que ça change. » Est-ce que le Gouvernement Jospin finalement ne fait pas que répondre aux demandes ? Et si les demandes n'existent pas, pourquoi aller plus loin ?

Arlette Laguiller : Je crois que les demandes existent. Moi je n'ai pas traversé une seule région depuis le mois de janvier sans voir par exemple qu'il y avait des grèves dans tous les secteurs contre l'application de la loi des 55 heures qui permet aujourd'hui au patronat de faire des horaires de travail flexibles, d'annualiser le temps de travail, d'obliger les salariés à travailler le dimanche, ou la nuit, alors qu'aucune nécessité sociale ne le justifie.

RTL : Et pourquoi tous les syndicats signent-ils les accords ?

Arlette Laguiller : D'abord tous les syndicats ne signent pas et, en particulier, même quand certaines confédérations poussent à la signature, il y a beaucoup de résistance dans les syndicats de base. Simplement, vous savez qu'il y a un rapport de force qui est favorable au patronat à cause du chômage. Quand un patron fait le chantage aux organisations syndicales: « si vous n'acceptez pas les 35 heures à mes conditionné - parce que la loi ne protège pas les travailleurs finalement - eh bien à ce moment-là, il dit : « je supprimerai 40, 50 emplois. Et donc, il faut que vous le fassiez. » Et c'est vrai qu'il y a une pression qui fait que certains syndicats finissent par signer. Mais le mécontentement est grand dans beaucoup d'entreprises aujourd'hui, en particulier quand on travaille sur les chaines de production, vis-à-vis de ces 35 heures qui ne sont pas une vraie diminution du temps de travail, et qui s'accompagnent en plus souvent de gel quand ce n'est pas de baisse de salaire.