Texte intégral
Q - Est-ce que vous pensez, ce matin, comme l'a dit le Président de la République, hier soir, que la journée d'hier était historique et est-ce que vous pensez qu'elle annonce la fin prochaine de la guerre au Kosovo ?
- « Je le souhaite. “Historique”, c'est l'histoire qui le jugera puisqu'il faut voir dans les huit jours prochains, finalement, s'il y a un retrait complet, définitif et rapide des forces serbes de répression au Kosovo. Tout le monde le souhaite. Maintenant, on peut se méfier évidemment des engagements de Milosevic puisque c'est un dictateur sanguinaire et raciste qui a montré plusieurs fois que sa parole ne valait pas grand-chose. Enfin, là, il y a un engagement public y compris du Parlement serbe. J'espère que, dès aujourd'hui même, on verra des mouvements massifs de retrait des troupes vers le Nord. »
Q - Est-ce que le résultat promis justifiait à vos yeux une intervention militaire ?
- « Oui, même si évidemment nous, nous avons été déchirés – et on songe au drame de toutes les personnes qui sont mortes, qui ont été déportées dans ce conflit. Ceci étant dit, pour une fois, j'allais dire, que nous, en tant que Verts, on était favorables à une intervention militaire devant tant d'horreurs depuis dix ans ; eh bien il se trouve qu'elle semble réussir, c'est-à-dire que les droits de l'être humain, le droit international semblent avoir gagné. Je crois que les huit prochains jours vont être cruciaux pour analyser si cette victoire en est une vraiment. »
Q - Jusqu'à ce matin en tout cas et même dans ce que prévoient les textes, Milosevic serait encore au pouvoir à Belgrade puisque c'est lui qui finalement accepte le texte et son exécution. Est-ce qu'on peut parler de victoire tant que Milosevic est au pouvoir ? Et est-ce que son maintien au pouvoir à Belgrade permettra, finalement, le but de toute l'opération, c'est-à-dire le retour des réfugiés kosovars chez eux ?
- « Alors double question, double réponse. J'espère et je crois qu'il faudra que Milosevic démissionne. Il a capitulé militairement apparemment. Je crois et j'espère qu'il y a suffisamment de forces démocrates en Serbie qui pourront le remplacer et qu'il sera lui-même soumis à une telle pression interne qu'il s'en aille, et que finalement les interlocuteurs du nouveau pouvoir à Belgrade ne soient plus Milosevic et la bande des sanguinaires. Deuxième point, il est évident que le premier objectif évidemment c'est le retour des déportés chez eux. Alors c'est évidemment une opération considérable dans la mesure où c'est de l'ordre d'un million de personnes avec toute la reconstruction du pays et je vois mal, en effet, pour répondre à votre question, comment cela pourrait être fait avec l'assentiment et voire la bonne volonté d'un régime tel que celui de Milosevic. »
Q - Juste un mot pour finir sur ce sujet : la guerre était nécessaire, indispensable ?
- « Elle était, hélas, devenue inéluctable après dix ans d'atermoiements et 200 000 morts quand même aussi bien en Slovénie qu'en Croatie, qu'en Bosnie et maintenant au Kosovo qui sont dues essentiellement à Milosevic, qui devrait être traduit d'ailleurs devant le Tribunal pénal international comme l'a proposé L. Arbour il y a une semaine. Donc, c'était inéluctable. C'est évidemment pour nous une difficulté mais cette difficulté, semble-t-il, a atteint son objectif, c'est-à-dire le retour des déportés chez eux. »
Q - Pas trop de problèmes pour la majorité plurielle qui s'est quand même beaucoup déchirée sur ce problème ?
- « Il y a eu plus d'états d'âme, semble-t-il, au sein du Parti communiste français que chez les Verts ou au sein du PS. »
Q - Le Mouvement des citoyens aussi ?
- « Et chez le MDC bien sûr. Mais je crois qu'elle a tenu bon et elle a montré, cette majorité plurielle, que même dans les situations qui sont les plus politiques – un fait de guerre – elle savait conserver une unité dans la diversité des opinions qui ont été exprimées d'ailleurs aussi bien par M. Chevènement, sous une forme un peu biaisée, et par D. Voynet ou d'autres de nos leaders Verts. »
Q - On en vient à un point sur lequel les Verts sont très attachés puisque c'est vous, finalement, c'est votre mouvement qui a attiré l'attention des Français sur des pollutions de toute nature. Je veux parler évidemment des pollutions sur l'alimentation. Est-ce que les mesures d'interdiction récentes sur les oeufs, les volailles, les porcs en provenance de Belgique, à cause de la présence forte de dioxyde à l'intérieur de ces substances, est-ce que c'est une bonne évolution des choses ou la preuve finalement qu'on fait n'importe quoi dans le domaine de l'alimentation ?
- « Je prendrai la seconde partie de votre question. Je pense qu'on fait n'importe quoi dans le domaine de l'alimentation ; il y a, là, une grande responsabilité de toute la chaîne industrielle agroalimentaire qui n'est pas assez surveillée. Je pense que cette chaîne agroalimentaire a bénéficié, bénéficie toujours avec la politique agricole commune, de subventions considérables pour des méthodes agricoles qui sont désastreuses. On l'a vu évidemment avec la vache folle, il y a eu la tremblante des moutons, maintenant il y a les poulets et les porcs, et le reste, à la dioxine. Je crois qu'il faut vraiment changer l'orientation générale de notre agriculture, aller vers une agriculture de qualité, avec des labels, voire vers l'agriculture biologique qui, elle, a cette garantie d'être produite dans des conditions où on ne transforme pas, j'allais dire, les herbivores carnivores. »
Q - Il faut changer absolument tout ce qui a été fait depuis 20 ans ; tous les milliards, les dizaines, les centaines de milliards qui ont été investis précisément dans les filières productivistes ?
- « Il ne s'agit pas, encore une fois, de retirer la possibilité de soutenir l'agriculture européenne et notamment française mais il s'agit d'indiquer par des cahiers des charges beaucoup plus précis et exigeants au point de vue de la qualité à nos agriculteurs que c'en est fini à la fois de la triche et des méthodes, en effet, chimiques, productivistes qui ont des effets pervers incroyables et qui mettent en danger la santé humaine. Il y a cette affaire-là après la vache folle et maintenant les poulets à la dioxine. Il y aura peut-être – et je ne l'espère pas parce que nous en demandons l'arrêt – la culture des végétaux transgéniques, des OGM, comme on dit, des organismes génétiquement modifiés. Tout ceci doit être remis en cause et qu'enfin, l'agriculture, l'alimentation – qui est quand même la première source de notre santé, soit d'une garantie absolue. »
Q - Cela vous promet de beaux jours avec les agriculteurs ?
- « Il est certain que les agriculteurs représentent une force de pression auprès de tous les gouvernements qui a toujours été considérable – c'est un petit peu comme les transporteurs routiers. Je crois que ces deux catégories socioprofessionnelles doivent maintenant faire la transparence et doit faire un grand déballage ; il faut qu'il y ait une opération de… »
Q - Nourriture propre ?
- « Nourriture propre comme dans d'autres affaires il y a une opération Mains propres absolument. »
Q - Est-ce que l'explication du gouvernement français sur la fameuse note qui a été reçue par les services français, le 4 mai, en provenance de Belgique, est-ce que cette explication vous paraît bonne ? Disons que finalement cette note n'était pas de caractère dramatique et donc n'impliquait pas le lancement d'enquête ?
- « Non, je crois, en effet, que le gouvernement français et les gens qui ont examiné cette note venant du gouvernement belge ont été au pire borgnes et certainement qu'ils ont manqué de rigueur dans l'analyse des informations qu'ils recevaient dès le début du mois de mai. Et je crois que, là, il y a de nouveau une sorte de cécité devant une catastrophe dont on ne sait pas exactement actuellement jusqu'où elle va aller. Cette vigilance vis-à-vis des méthodes agricoles n'est pas suffisante. Simplement parce que les gouvernements ont l'habitude de dire : “Les agriculteurs c'est quand même nos protégés.” Il y a, là, une rigueur qu'il faut, maintenant, avoir vis-à-vis des agriculteurs. »
Q - Vous êtes en campagne électorale. Dans une semaine, ce sont les élections. Vous pensez faire un bon score ?
- « On pense faire un bon score. Je crois que notre tête de liste, D. Cohn-Bendit, est un excellent député européen et qu'il le sera de nouveau. J'espère que par ailleurs l'ensemble des scores de la majorité plurielle sera suffisant pour montrer que cette majorité, cette gauche plurielle en France se porte bien. En France et en Europe. »