Texte intégral
Q – Est-que la FNSEA a contribué à constituer la caution pour la libération de José Bové ?
– « Cet épisode se termine et je crois que les dossiers demeurent. Et je crois qu'aujourd'hui la défense syndicale de la situation des agriculteurs est plus importante. Nous n'avons pas contribué à sa libération, c'est clair. Mais aujourd'hui, ce qui m'importe le plus, c'est que les agriculteurs ont des problèmes tous les jours, aujourd'hui – que ce soit dans les fruits et légumes, dans le lait ou dans d'autres productions – et que nous avons encore beaucoup de travail à faire. »
Q – Est-ce que cela veut dire que la mise en liberté de José Bové va calmer, peut-être, le monde agricole ?
– « Je crois qu'il n'y a rien à voir l'un avec l'autre. Aujourd'hui les agriculteurs sont dans la rue, à la demande de la FNSEA, en ce qui concerne les producteurs de lait, les producteurs de fruits et légumes, parce que leur revenu est en cause, leur avenir aussi, et ils demandent aux pouvoirs publics de tout mettre en oeuvre justement pour que leur revenu soit assuré, et surtout aussi que leur entreprise soit assurée. Alors les combats vont continuer, la mission que nous avons de défendre les agriculteurs, dans le cadre de la société, est indispensable. Et je crois que nous avons encore des actions syndicales à mener pour pouvoir être entendus. »
Q – Est-ce qu'il n'y a pas une rivalité qui va se dessiner entre la FNSEA – rivalité accentuée – et Confédération paysanne ? José Bové demande maintenant à être reçu par Jacques Chirac et Lionel Jospin. Il dit : « Mon incarcération a permis de mettre en évidence [ce qu'il appelle] la malbouffe ». Est-ce que vous n'êtes pas en train de vous faire voler la vedette ?
– « Moi j'ai jamais fixé mes orientations syndicales en fonction des autres. Et ça fait maintenant deux ans et demi que j'oeuvre avec mes collègues européens dans le cadre des négociations internationales, non pas simplement pour attaquer les Américains mais pour que l'Europe définisse vraiment ce qu'elle veut faire de l'agriculture et de l'alimentation. Et je crois que nous avons déjà depuis longtemps dit que nous devions améliorer tout ce qui était qualité, traçabilité des produits, amélioration en ce qui concerne ces éléments-là. Et je crois que dans le débat que nous allons avoir au niveau international, dans lequel nous sommes partie prenante – depuis plus de deux ans et demi – il faut absolument faire reconnaître les spécificités et l'identité européennes. »
Q – Mais José Bové doit-il, être reçu par Jacques Chirac et Lionel Jospin ?
– « Ecoutez, c'est une question qu'il faut poser au Président de la République et au Premier ministre. Moi j'ai à défendre les agriculteurs, ne m'en demandez pas plus. »
Q – Vous venez d'exprimer un peu les revendications des agriculteurs. On a eu le sentiment ces dernières semaines que la FNSEA était plus en retrait que la Confédération des paysans.
– « C'est un effet d'optique parce que durant tout l'été, les manifestations sur le terrain qui ont été menées par la FNSEA sur les fruits et légumes et sur le lait, c'est nous. Et nous avons fait beaucoup plus d'actions, de revendications, mais aussi de négociations avec les pouvoirs publics – car nous ne faisons pas uniquement de la contestation – mais nous avons été présents sur tous les dossiers et nous le serons encore dans les semaines qui viennent. »
Q – Précisément, faut-il continuer les actions contre les McDonald's ?
– « Les questions vis-à-vis des McDonald's, je crois qu'il y a le symbole de McDonald's et je fais remarquer que la première action vis-à-vis des McDonald's c'est une de mes fédérations départementales du Gers qui l'a organisée au mois de juillet. Et nous avons cessé les actions vis-à-vis de McDonald's lorsque d'autres ont détruit le McDonald's. Donc McDonald's c'est un emblème, certes. Mais aujourd'hui McDonald's distribue des produits alimentaires qui correspondent à une certaine catégorie de personnes qui souhaitent les consommer. L'essentiel c'est qu'ils puissent aussi valoriser les produits de l'agriculture française. »
Q – 80 % des produits…
– « Même plus de 80 %... »
Q – Donc vous êtes satisfait des McDonald's ? Ça veut dire qu'il faut arrêter les exactions ?
– « Non, non, "satisfait" dans le cadre de la vente et des échanges. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le type de consommation que nous avons besoin de défendre de façon outrancière, à l'intérieur de notre pays et en Europe. Mais s'il y a des populations qui veulent pouvoir participer à ce genre de consommation… Et puis, comme j'ai eu l'occasion de le dire aux gens de McDonald's… »
Q – Vous avez rencontré les responsables de McDonald's ?
– « Oui, bien sûr. On a eu une discussion avec tous les partenaires et avec tous… »
Q – D'où il ressort ?
– « D'où il ressort qu'il est important qu'ils fassent encore plus de consommation de produits français et qu'ils contribuent à franchiser, si je peux dire, un peu plus leurs produits. »
Q – Donc il faut laisser tomber maintenant les McDonald's ?
– « Non, j'ai pris une tactique différente : ça a été d'écrire à l'ensemble des entreprises, en France, qui ont des intérêts ou des emblèmes américains, pour leur dire : ça n'est pas satisfaisant et je vous demande d'intervenir auprès de votre gouvernement ou du gouvernement américain, ou de l'ambassade, pour dire votre mécontentement. Un grand nombre ont répondu, un grand nombre sont intervenus, c'est aussi une forme d'action. »
Q – Vous avez vu J. Glavany tout à l'heure, avez-vous évoqué une nouvelle fois une esquisse de bilan du double affichage sur les prix fruits et légumes ?
– « Avec le ministre de l'Agriculture nous avons fait le point sur la situation et je lui ai demandé qu'il mette très rapidement en place, la Conférence agricole que je lui avais déjà demandée au mois de juin, pour faire le bilan sur, d'abord, la suite des négociations européennes du début de l'année. Mais aussi sur tout les problèmes de conjoncture que nous avons connus – fruits et légumes, vin, lait. Et bien sur, toute la relation avec la grande distribution, et bien au-delà du double affichage, parce que le double affichage est un élément pour permettre de mieux connaître et d'avoir plus de transparence. Je lui ai demandé, comme je demande au Gouvernement, que très rapidement il y ait des mesures qui soient prises en matière réglementaire, législative, justement pour encadrer les marchés. Parce que, aujourd'hui, le pot de terre c'est vraiment impossible pour les entreprises de pouvoir résister à des mastodontes de la grande distribution ! »
Q – J. Glavany est un bon interlocuteur, un bon ministre de l'Agriculture ?
– « Il peut l'être mais il faut aussi qu'il regarde sur le terrain, car une des grandes différences que nous avons eue lors de notre rencontre, c'est l'appréciation de la santé des agriculteurs sur le terrain. Il considère que tout va bien, que quasiment tout va bien sur le terrain. Moi je pense que ça n'est pas le cas. Et j'avais dit, dès le début de l'été, que la rentrée serait "chaude" mais ce n'était pas simplement pour faire de l'action syndicale, c'est la réalité. Il suffit d'aller sur le terrain pour se rendre compte que les agriculteurs sont inquiets. »