Interview de M. Claude Goasguen, vice-président de Démocratie libérale, dans "Le Parisien" et à RTL le 16 septembre 1999, sur l'action de Jean Tibéri à la mairie de Paris, la préparation des élections municipales et la nécessité de la réflexion politique au sein de la droite.

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Média : Emission L'Invité de RTL - Le Parisien - RTL

Texte intégral

Le Parisien : 16 septembre 1999

Q - Comment analysez-vous la contre-offensive politico-médiatique du couple Tiberi ?

Claude Goasguen. – Un jour, c'est lui. Le lendemain, c'est elle. On les voit beaucoup… Mais je constate que Jean Tiberi parle davantage de lui que de Paris.

Q - Diriez-vous comme Xavière que Jean Tiberi est un saint ?

Pfff… (rires).

Q - Jean Tiberi peut-il tenir ?

Il finira son mandat.

Q - Mais doit-il se représenter ?

Ça, c'est une autre histoire. Jean Tiberi n'a pas plus de droit de suite à Paris que les autres maires de France. Nous partageons ensemble un bilan : il est positif, mais il n'appartient à personne. Ni au maire, ni à ses adjoints, ni à la municipalité, mais à l'ensemble de la majorité municipale. Nous sommes tous absolument libres. Lui a décidé de s'auto-désigner. Nous pouvons, de notre côté, faire notre propre choix.

Q - Quel choix ?

La majorité municipale RPR-DL-UDF a besoin de trouver le meilleur candidat. C'est-à-dire celui qui saura incarner le changement. Il y a une différence entre soutenir une majorité finissante, dont on fait partie, et désigner le futur candidat. Ou nous parvenons à nous entendre sur un nom, ou nous aurons plusieurs listes. Ce n'est pas la meilleure solution, mais nous y sommes prêts.

Q - Comment réaliser l'union ?

Il faudra des primaires dans chaque arrondissement. Cela permettra de relancer la machine politique d'une droite actuellement enfermée dans l'Hôtel de Ville.

Q - N'est-ce pas déjà fichu ?

Pas du tout ! Paris est une ville de droite. Une défaite aurait une portée considérable. Elle hypothéquerait nos chances de revenir au pouvoir l'année suivante.

Q - Et comment trouver le candidat idéal ?

C'est le problème numéro un de l'opposition. Les partis doivent prendre leurs responsabilités. Cela justifie une sorte de plan d'urgence. Peut-être faut-il faire comme en 1977 lorsque la droite est allée chercher le futur vainqueur en Corrèze. Il s'appelait Jacques Chirac, et il a été élu.

Q - En faisant appel à Alain Madelin ?

Alain Madelin est le meilleur candidat. Mais cela ne me gênerait pas de me ranger derrière un RPR ou un UDF.

Q - Balladur, Séguin, Panafieu ou Douste-Blazy, par exemple !

Toutes ces personnalités sont valables. Il faut tourner la page.


RTL : Jeudi 16 septembre 1999

Q - Que devient votre parti depuis le mauvais score des européennes ? On ne vous entend presque plus, ni A. Madelin. Démocratie libérale existe encore ?

« – C'est pas parce qu'on ne nous entend presque plus – on nous entend quand même un peu, notamment dans les débats actuels sur le budget –, que nous ne travaillons pas. Parce que je crois que les élections européennes, qui ont été les élections de la désunion, ont montré qu'au fond l'opposition, si elle ne prenait pas le temps de réfléchir sur ce qui fait la politique, c'est-à-dire les idées politiques, si elle se contentait d'alliances, de fédérations, de confédérations, de quelques individus respectables, qui s'assoient autour d'une table pour discuter de la manière dont se passent les élections, tout ça ne tiendrait pas. Et que dans deux ans nous aurions le même problème que nous avons connu aux européennes, c'est-à-dire que nous arriverions soit divisés, soit artificiels. Si c'est pour faire un projet politique qui soit du “sous-Jospin”, je dois dire que les Français nous sanctionneraient. Je crois que chaque famille politique est en train de se replonger en elle-même : les centristes, les démocrates-chrétiens ; F. Bayrou est en train de voir comment retrouver la tradition démocrate-chrétienne de l'humanisme intégral ; les gaullistes partagés sont en train de se replonger aux sources du gaullisme – de temps en temps avec des méchancetés sur le libéralisme dont on se passerait, mais on met ça sur la campagne électorale. »

Q - Puisque vous parlez des « gaullistes » est-ce que Démocratie libérale restera un allié du RPR quel que soit le nouveau président ?

« – Mais oui, la question ne se pose pas. La future opposition, l'actuelle opposition, doit être tout à fait pluraliste. Il y a les libéraux, les gaullistes, les démocrates-chrétiens, les souverainistes, tout le monde a sa place à condition d'avoir quelque chose à dire. »

Q - Il y a deux pôles alors qui sont en train de se constituer ?

« – Non, je ne suis pas du tout de cet avis, il n'y a pas deux pôles en train de se constituer, ça c'est la thèse de mon ami P. Douste-Blazy : les centristes pro-européens et les anti-européens. Je trouve d'ailleurs qu'il rend un mauvais service à l'Europe en faisant ce raisonnement, c'est-à-dire ses propres idées. Pourquoi ? Parce qu'on ne va pas remettre à chaque élection la sauce européenne, lors d'une élection cantonale, lors d'une élection législative. C'est rendre un mauvais service à l'Europe. Nous avons chacun nos pro- et nos anti-européens. Chez les libéraux il y en a qui sont plus ou moins européens. Madame Boutin, qui est à l'UDF, n'est pas réputée pour être une pro-européenne fanatique. Chez les gaullistes, il y a des gens qui sont plus favorables à l'Europe que d'autres. Donc, le schéma souverainistes et européens est un schéma artificiel et dangereux à terme, c'est la raison pour laquelle je le refuse. Cela étant, C. Pasqua a tout à fait sa place au sein de l'opposition. »

Q - Est-ce que cette opposition quand même n'a pas besoin d'un leader ? Parce que vous prenez comme excuse souvent : avant de parler des hommes, bâtissons d'abord un projet…

« – Mais je dois dire qu'on ne fait que parle des hommes. C'est clair que depuis deux ans, si notre électorat “nous fait la gueule”, c'est parce qu'ils en ont assez des divisions de personnes ! Ils voient bien que dans la presse, ce sont des mots de travers, des phrases sibyllines, et qu'en réalité, l'opposition n'a pas été encore capable de construire quelque chose qui la différencie de l'actuel gouvernement. Souvent les électeurs nous disent : mais pourquoi on voterait pour vous, au fond qu'avez-vous de différend à proposer de ce que fait M. Jospin ?! Ça veut dire que notre message politique, à la base, est entamé. Eh bien il faut retrouver un débat d'idées. Mais est-ce qu'on est d'accord entre nous d'abord ? Je n'en suis pas sûr, sur le fond. Est-ce qu'on sera d'accord le jour où on proposera une politique de l'éducation ? Pas sûr. D'ailleurs, les quelques débats que nous avons eus entre nous montrent que nous avons de sérieuses différences. Ces divergences, il faut faire comme les socialistes avec les communistes et le MDC, avant 1997 : il faut en discuter, se mettre d'accord, faire un projet. »

Q - Vous êtes conseiller de Paris, que pensez-vous des récentes déclarations de Xavière Tiberi ?

« – Très sincèrement, je n'en pense rien, rien du tout. »

Q - C'est le vide ?

« – J'écoute comme tous les Parisiens, j'écoute. Je voudrais qu'on parle de Paris et je constate qu'on en parle peu. »

Q - Le secrétaire général de la ville de Paris disait, ce matin, que, « en fait, via les Tiberi c'est J. Chirac qui [était] visé » ?

« – non, je crois que c'est une présentation tout à fait artificielle des choses. En fait, vous savez, la ville de Paris est une ville de droite, elle restera une ville de droite, parce que si la droite parisienne était incapable de donner la victoire à cette ville de droite, les conséquences politiques seraient des conséquences graves. Ceux qui sont le plus inquiets de la situation parisienne ce ne sont pas les Parisiens, ce sont les députés de province qui montent sans arrêt nous voir à Paris en disant : arrêtez ! Maintenant il faut arrêter ! Donc la province qui s'affole devant l'état de Paris. Et si nous perdons Paris, nous perdrons les élections nationales suivantes. »

Q - Vous avez dit ce matin au Parisien « qu'il fallait tourner la page », ce qui veut dire que vous ne souhaitez pas que J. Tiberi se représente ?

« – Moi je veux qu'on tourne la page, je veux qu'on désigne le meilleur candidat ? »

Q - C'est pas Tiberi ?

« – Tiberi est maire, il gère sa mairie… »

Q - Il faut tourner la page » ça veut dire qu'il faut…

« – “Il faut tourner la page” de cet épisode difficile. Je crois que les Parisiens veulent le changement. Si ce changement ne se fait pas à droite, il se fera à gauche. Et je préfère très franchement qu'il se fasse à droite. »