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Dur, dur pour le RPR
Le RPR va donc devenir le Rassemblement. Le flou de cet intitulé est un symbole. La crise de la droite ne peut s’expliquer uniquement par la défaite électorale de juin dernier. Ce n'est pas la première fois qu'elle perd une élection, mais c'est la première fois qu'elle connait un tel séisme. Et c'est bien parce qu'il sentait venir cette crise que Jacques Chirac avait décidé de précipiter les législatives. Tout montre que le RPR est confronté à un rejet de l'ultralibéralisme, jusqu'au sein de son électorat. Or, déjà le discours du Président de la République du 26 octobre 1995 annonçait une soumission nouvelle à cet ultralibéralisme.
À l'opposé d'une autocritique, les dirigeants du RPR cherchent à tourner une page. Ce qui s'est passé lors de la préparation et de la tenue de son conseil national est, de ce point de vue, éloquent. Les tenants du libéralisme et du rapprochement avec les thèses de l'UDF, voire d'explorations du côté de l'électorat de Le Pen ont pris l'initiative. Jean-Louis Debré a déclaré ne pas faire du gaullisme une question taboue. Des dirigeants comme Pierre Lellouche, Michel Barnier ou Yvon Jacob, ce dernier participant aux réflexions du club d'Alain Madelin, prônent la suppression du SMIC… Quant à Philippe Séguin lui-même, il cherche à faire oublier son opposition à Maastricht de 1992 pour une monnaie européenne forte, n'adressant à la nation qu'un rapide coup de chapeau. Il dit lui-même, en parlant du gaullisme, « ne pas gérer un héritage » mais « revivifier une inspiration ». S'il parle d'un État fort, c'est surtout pour qu'il soit un tantinet autoritaire et répressif, et pour demander davantage de liberté à l'entreprise et à l'économie... On croirait entendre Jacques Calvet, ex-PDG de PSA. Les barons du gaullisme sont silencieux. Seul Raymond Triboulet dénonce la dérive, mais fait figure d'isolé et de dépassé dans l'assemblée.
En tentant de rejoindre la cohorte ultralibérale, le RPR heurte un électoral et des militants qui participent eux aussi au rejet du libéralisme. Là encore, la préparation du Conseil national est éloquente. 86 % des militants réclament de l'État qu'il se préoccupe mieux de l'emploi. Dure tâche pour ses dirigeants que de faire passer leur parti des valeurs du gaullisme au libéralisme, avec un électorat et des militants attachés aux premières. Cette difficulté explique que Philippe Séguin cherche à habiller ces abandons par des références formelles au général de Gaulle, que le Conseil national n'a pas vraiment osé conclure et se réunira à nouveau le 17 janvier.
La crise de la droite est révélatrice qu'il n'y a guère d'espace gérable entre les appétits des forces d'argent et les exigences à la fois du développement économique et de la population. Cette absence d'espace montre que le statu quo est impossible. La société se transforme. La question est de savoir si ses structures, son organisation vont bouger sous l'effet de l'offensive du CNPF, aggravant le mouvement commencé il y a plus de vingt ans, ou si le mouvement populaire, la majorité et le gouvernement vont renverser le cours des choses par des réformes de structures suffisamment profondes.