Interview de M. Patrick Devedjian, porte-parole du RPR, à RTL le 30 août 1999, sur la réorganisation du RPR notamment la prochaine élection de son président et sur les relations entre le président Chirac et le RPR.

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Circonstance : Université d'été des jeunes RPR du 28 au 29 août 1999

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Université des jeunes du mouvement, c'était ce week-end, à Lyon. Votre avis sur l'intervention de L. Jospin, devant l'université du Parti socialiste. Le Premier ministre a annoncé une deuxième étape dans sa politique. L. Jospin s'est projeté dans l'avenir brossant un programme pour « une dizaine d'années ». Ce qui veut dire que l'opposition a le temps de se refaire une santé ?

- « Quand ont dit des choses comme ça, ça ne porte pas bonheur. Parce que s'il y a une chose qui ne pardonne pas en politique, c'est d'être content de soi. Et déclarer aux Français qu'on a l'intention de rester pour dix ans, c'est vraiment le meilleur moyen d'être renvoyé rapidement. »

Q - Comme le laissait entendre L. Fabius, ce n'est pas la droite aujourd'hui qui est en mesure d'inquiéter la majorité, mais c'est la majorité elle-même qui pourrait faire des erreurs et connaître l'échec. Mais le résultat, quand même, est là, c'est un constat : la croissance repart et J. Chirac n'a pas beaucoup de troupes derrière lui…

- « Les troupes elles sont en train de se reconstituer, de se réorganiser. Je crois qu'elles y arrivent. D'ailleurs si vous regardez les résultats des européennes sur lesquelles on a beaucoup daubé, il y a au moins une chose à retenir : c'est que le score global de la droite, quand on fait l'addition, a augmenté par rapport à 94 – la précédente élection européenne – et celui de la gauche a diminué. L'inconvénient, c'est que nous étions très divisés. Mais notre division a dissimulé notre progression. Donc si nous savons nous organiser, si nous savons vivre ensemble, nous avons de beaux jours devant nous. »

Q - F. Bayrou, dans une autre université d'été, celle de l'UDF, a propos d'organisation, se prononçait pour être un peu le fédérateur de l'opposition. Votre avis ?

- « Je trouve ça très heureux que F. Bayrou veuille participer à une fédération, et comme il est aussi démocrate que moi, je pense qu'il accepte que celui qui la dirige sera celui qui sera élu par ceux qui composent cette fédération. Donc ce qui compte c'est l'intention de participer à cette fédération et je m'en réjouis. »

Q - Quel est l'avenir du RPR et quel sera le président ? Est-ce que vous souhaitez que N. Sarkozy soit candidat à la présidence du RPR ? On dit que l'Élysée ne le voit pas d'un bon oeil ? Est-ce quelque chose qui pourrait entacher l'élection de Sarkozy s'il se présente ?

- « D'abord, je comprends parfaitement que le Président de la République s'intéresse au RPR, qu'il s'informe de ce qui s'y passe ? Ça a été dans le passé un long moment de sa vie, il en a été le fondateur, l'organisateur, et finalement il a réussi à accéder à l'Élysée grâce à cet outil qu'il avait construit. Mais en même temps, s'il est légitime que le Président de la République s'intéresse au RPR ; il ne doit pas s'occuper de son fonctionnement et je ne crois pas qu'il le fasse. Je crois d'autant moins qu'il peut le faire, c'est qu'il est dans une autre logique : lui, il est le Président de la République, c'est-à-dire l'arbitre des institutions, et dans une cohabitation. Et son devoir de Président de la République – et il s'en acquitte d'ailleurs avec beaucoup de loyauté – c'est de permettre au Gouvernement, légitimement choisi par les Français, un Gouvernement de gauche, de gouverner. Il est dans cette logique de bon fonctionnement des institutions et de respect du choix des Français. Nous, nous sommes dans une autre logique : c'est la logique de l'opposition. Et notre devoir, c'est de tout faire – faire ce qui est légal naturellement – pour nous opposer à la politique que conduisent les socialistes. Et donc vous voyez bien que nous n'avons pas le même devoir que le Président de la République. Et donc, c'est à nous de choisir, très librement, nos instances dirigeantes maintenant que nous avons une organisation profondément démocratique. »

Q - Ce qui veut dire que, vous laissez entendre que J. Chirac reste dans son rôle de Président et ne se mêle pas des affaires du RPR ?

- « On a bien compris – parce que évidemment les campagnes sont ce qu'elles sont, et les candidats aiment toujours trouver des soutiens et faire parler ceux qui ne parlent pas – mais on a bien compris que J. Chirac ne souhaitait pas se mêler de la campagne interne du RPR et soutenir un candidat plutôt qu'un autre. Et c'est d'ailleurs une forme de loyauté à l'égard de l'ensemble des militants du RPR que de ne pas essayer de fausser les cartes alors que nous avons organisé les choses de la manière la plus démocratique qui soit. »

Q - Est-ce que vous souhaitez la candidature de N. Sarkozy, qui, lui-même, au lendemain des européennes, avait déclaré qu'il ne serait pas candidat ?

- « N. Sarkozy est un ami, nous sommes dans le même département, nous nous connaissons depuis très longtemps. Donc, je travaille avec lui, je suis très content de travailler avec lui. Doit-il se présenter ? D'abord, c'est à lui de prendre sa décision. Mais je pense que ce serait un très bon candidat. »

Q - C'est pas un homme neuf quand même…

- « C'est pas un homme neuf ? Vous plaisantez ! Il est le plus jeune dirigeant politique d'un parti français. C'est-à-dire qu'il n'y a aucun dirigeant politique de parti dans notre pays qui soit plus jeune que lui ; il est le plus jeune de tous. Vous ne le trouvez encore pas assez jeune. Franchement, vous êtes exigeant. Il n'a pas eu un bon résultat aux européennes, c'est vrai, mais enfin il ne faut pas oublier qu'on l'a appelé comme les pompiers. »

Q - F. Hollande est plus jeune que lui au PS…

- « Non, F. Hollande est je crois plus âgé que N. Sarkozy. »

Q - Hier dans son discours L. Jospin, à la Rochelle, a évoqué « une nouvelle alliance sociale ». Votre avis ?

- « Je comprends que Monsieur Jospin cherche un gadget pour essayer de donner une cohérence à sa majorité plurielle, car quand j'entends les communistes tirer à hue, quand j'entends les Verts tirer à dia, quand je vois Monsieur Chevènement vociférer plus fort que tout le monde, je me dis que cette majorité plurielle elle n'a qu'une seule cohésion : celle de se partager le pouvoir. C'est finalement l'appât du butin gouvernemental qui les réunit. Alors il a essayé d'inventer un gadget mais ce gadget n'est soutenu par aucune réforme concrète. Qu'est-ce qu'il y a, que nous promet Monsieur Jospin pour les dix années qui viennent comme réformes importantes ? Nous attendons les retraites, nous attendons les fonds de pension, nous attendons des réformes très importantes pour l'avenir de la société française. Et nous ne voyons rien venir, sauf un programme électoral qui annonce que Monsieur Jospin sera candidat aux élections présidentielles de 2002. Mais ça, on s'en doutait déjà un peu. »


Précision de J.-M. Lefebvre – RTP : lors de notre dialogue, tout à l'heure, avec P. Devedjian, la vérité c'est que F. Hollande est bien plus âgé que N. Sarkozy, mais plus âgé que de quatre mois seulement.