Texte intégral
La signature de l’accord interprofessionnel survenu entre la CGT, CFDT, CFTC, CGC et CFE, constitue un événement de grande portée. D’abord parce qu’il faut remonter loin en arrière pour trouver le précédent. Mais surtout par ce qu’il recèle de potentiel.
Au-delà de la bonne volonté des négociateurs, de l’appel lancé au Congrès de la CGT, il ne naît pas d’une génération spontanée, mais est le reflet d’un phénomène profond. Il est fréquent de comparer les jours de grève d’une année sur l’autre ou de s’étonner de la distance entre les attentes que laissent percevoir les sondages d’opinion et le calme apparent du pays. Mais tout au long de l’année, se déroule une multitude d’actions syndicales très localisées, la plupart du temps dans l’unité, dont souvent chacune ne retient guère l’attention, mais dont l’ensemble interdit de croire à un mouvement social assoupi. Il n’y aurait pas eu cet accord s’il ne correspondait pas à des souhaits largement partagés par des centaines de milliers de salariés. Sa signification dépasse la juxtaposition des organisations impliquées.
C’est pour cela qu’à son tour, il peut porter une dynamique qui faisait défaut à l’action syndicale, à la fois par son caractère unitaire, mais aussi par son caractère interprofessionnel qui va permettre aux salariés de s’inscrire dans des perspectives plus larges que celles offertes par l’horizon de leur entreprise. De grandes questions en cours comme les 35 heures et l’emploi, les licenciements dans de grands groupes industriels, le développement des services publics ou la protection sociale peuvent être le théâtre de convergences nouvelles qui généreront un sentiment de force plus important dans le monde du travail.
C’est la première fois que cette possibilité d’interventions convergentes des mouvements sociaux apparaît dans le cadre d’une alliance des forces de gauche au gouvernement. Nul ne peut dire encore sur quoi la conjonction de ces deux faits peut déboucher.
On peut se demander dans quelle proportion la guerre en Yougoslavie peut éloigner – ou pas – l’attention de l’opinion à l’égard des problèmes sociaux. Mais chacun sait que les attentes de changements ne se sont pas atténuées et qu’au contraire les annonces de licenciements chez Elf ou dans les banques provoquent de vives réactions. De même, les mouvements à Air France à Nice, ou il y a peu de temps, des cheminots en Alsace, témoignent que la pression sociale est toujours là et qu’elle est à l’affût des moyens qui lui permettraient de ressurgir et de s’exprimer.