Interviews de M. Charles Millon, ministre de la défense, à Europe 1 le 30 avril 1997, dans "Le Parisien" du 5 mai, à RMC le 6, sur la situation au Rwanda et au Zaïre, sur les propositions de la majorité pour les élections législatives et sur le rôle du Président de la République.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - Europe 1 - Le Parisien - Presse régionale - RMC - Sud Ouest

Texte intégral


Europe 1 : mercredi 30 avril 1997

J.-P. Elkabbach : D’abord, un instant de pause dans la campagne électorale. La tragédie des réfugiés, au Zaïre, dont vient de parler Sylvain Attal : la France s’est une nouvelle fois exprimée. Charles Millon, le ministre de la Défense, n’est-il pas scandalisé par une forme d’indifférence africaine, internationale à l’égard du sort de dizaines de milliers de réfugiés ? Sincèrement ?

C. Millon : Sincèrement, je suis scandalisé par l’indifférence de la communauté internationale.

La France, depuis le début de ce drame, réclame dans toutes les instances qu’une force humanitaire internationale intervienne afin d’éviter ces massacres, ces charniers, cette mise à mort de peuples entiers. La France n’est ni entendue ni écoutée…

J.-P. Elkabbach : Par qui ?

C. Millon : Pour des raisons politiques diverses…

J.-P. Elkabbach : Par qui ?

C. Millon : … politiques, financières, par la communauté internationale. C’est la raison pour laquelle la France réclame à nouveau que la communauté internationale se saisisse du dossier et que, très rapidement, il y ait, au Zaïre, une intervention d’une force internationale humanitaire. Ce qui se passe là-bas, ce n’est pas un « petit problème », comme le dit M. Kabila, c’est en fait un drame, avec charniers et avec élimination systématique d’un certain nombre de réfugiés.

J.-P. Elkabbach : Vous avez des soldats à Brazzaville. Même si vous le voulez, ils ne peuvent pas intervenir pour des raisons humanitaires ?

C. Millon : Non, ces soldats, à Brazzaville, sont là pour faciliter l’évacuation des ressortissants qui résident aujourd’hui à Kinshasa. Mais il n’est pas question, pour nous, d’intervenir seuls au Zaïre ; c’est une question qui relève de la communauté internationale, qui relève aussi de la communauté africaine. La France s’est tournée vers les pays africains pour qu’effectivement on ne puisse laisser se perpétuer ce drame.

J.-P. Elkabbach : Vous pouvez me dire qui est, dans la communauté internationale, qui bloque dans la communauté internationale ?

C. Millon : Actuellement, un certain nombre de pays ne répondent pas aux appels de la France. Nous avons regretté, par exemple, que les États-Unis n’entendent pas l’appel de la France pour la constitution d’une force humanitaire internationale.

J.-P. Elkabbach : Hervé de Charrette disait, hier, que les Quinze en appelaient à Kabila pour garantir l’accès des ONG aux zones de combat, et si Kabila répond, comme il vous l’a fait jusqu’à présent, par les charniers et par le mépris, qu’est-ce que vous faites ?

C. Millon : Je suis convaincu que la communauté internationale ne peut être indifférente car cela serait un précédent grave, et en Afrique, et dans le monde. C’est la raison pour laquelle, depuis le début, le premier jour, le président de la République, Jacques Chirac, demande qu’il y ait une force d’intervention humanitaire internationale qui puisse venir garantir non pas simplement la paix mais aussi la dignité humaine.

J.-P. Elkabbach : Donc, il faut un peu plus de concertation européenne pour convaincre les Américains, par exemple ?

C. Millon : Mais il y a eu la concertation européenne. J’ai fait partie de ceux qui l’on coordonnée ; il y a maintenant une prise de conscience internationale comme quoi on ne peut laisser se développer de pareils drames.

J.-P. Elkabbach : On passe à la campagne. Les dirigeants socialistes, aujourd’hui, quand ils s’expriment et quand on les entend, M. Jospin ici, ne remettent pas en cause la réforme du service militaire. J’ai envie de dire : est-ce que c’est bien ? C’est vrai qu’ils s’en prennent aux cinq jours du rendez-vous citoyen, mais, sur le fond, les crédits militaires, la réforme du service militaire obligatoire.

C. Millon : Très sérieusement, les socialistes ne sont pas crédibles en matière de défense. Dans le document qu’ils ont diffusé auprès de leurs députés, sur un certain nombre de pages, il y a 17 lignes consacrées à des propositions en matière de défense. Ils proposent quoi ? Ils proposent l’abrogation de la loi de programmation et rien pour la remplacer. On sera dans le vide en matière de défense. Ils proposent la suppression de la professionnalisation des armées alors que 70 % des Français y sont favorables – on en tirera les conclusions qui conviennent –, ils proposent, par leur vote à l’Assemblée nationale, le rétablissement du service militaire obligatoire alors que 90 % des jeunes Français n’y sont pas favorables. Enfin, ils remettent en cause le redressement des entreprises de défense. Moi, je sais ce que ça veut dire ; avec un GIAT, il y a deux ans, qui avait 12 milliards de trou quand j’ai pris la responsabilité de la défense. Non, les socialistes, en matière de défense, ne sont ni sérieux ni crédibles.

J.-P. Elkabbach : Où circule ce document ? On n’entend plus les leaders sur la défense : la défense n’est pas au cœur du débat français.

C. Millon : Il est vrai que la défense n’est pas au cœur du débat français, car le Président Jacques Chirac a fait une excellente réforme, une réforme qui est observée par tous les pays européens.

J.-P. Elkabbach : Quelle modestie ! Vous ne dites pas la réforme Millon, mais la réforme Chirac.

C. Millon : C’est la réforme du président de la République : c’est lui qui l’a initiée et c’est le gouvernement qui l’a mise en œuvre. C’est une réforme qui a, en fait, permis à la France de retrouver toute sa place. J’ai toujours en tête un souvenir : c’est le souvenir de Verbanja, le pont de Sarajevo où il y avait, à cette époque-là, des soldats français qui étaient humiliés, qui étaient menacés constamment par les Serbes avec un Président qui avait laissé une France de la démission se mettre en œuvre, un président de la République qui a affirmé une France de la volonté, une France de l’honneur et qui a demandé à nos soldats français de résister. C’est dans cet esprit-là que la défense française a été redéfinie.

J.-P. Elkabbach : S’il y a une contradiction, le Parti socialiste devra la confirmer ou la supprimer, peut-être en entendra-t-on des échos dans la journée. Raymond Barre veut une majorité pour J. Chirac, et il y croit. Cependant, s’il devait y avoir cohabitation – il le dit ce matin au « Progrès de Lyon » –, il envisage une démission du président de la République. Qu’en pensez-vous ?

C. Millon : Raymond Barre dit exactement que s’il y a cohabitation, il y aura immobilisme – ce que tout le monde pense –, car il est évident qu’une cohabitation provoque la paralysie. La France l’a constaté à deux reprises. Il souhaite fortement la victoire de la majorité pour que le président de la République ait une majorité. Il est bien évident que j’appuie totalement son analyse car je souhaite que Jacques Chirac puisse provoquer un nouvel élan pour la France et un nouveau redressement pour notre pays.

J.-P. Elkabbach : Et s’il y a cohabitation ?

C. Millon : Mais il n’y aura pas de cohabitation car il n’y a pas de majorité de rechange ! On l’a vu dans la déclaration Hue-Jospin : ils ne veulent même pas dire qu’ils gouverneront ensemble, car ils sont incapables, aujourd’hui, d’avoir des idées communes ! On a une alliance électorale. Nous n’avons pas, en fait, une majorité de rechange. C’est la raison pour laquelle je dis aux Françaises et aux Français : « Mobilisez-vous pour donner au président de la République une majorité qui permettra à la France de changer de rythme pour pouvoir provoquer son redressement ! ».

J.-P. Elkabbach : Quand vous dites cela, vous touchez du bois pour avoir un peu de chance ?

C. Millon : Je ne touche pas du bois : c’est par conviction que je fais cette observation.

J.-P. Elkabbach : La monnaie unique sera un instrument, ce n’est pas une finalité. Que sera l’après-euro ?

C. Millon : L’objectif de tous les hommes politiques, c’est de construire une Europe-puissance : une puissance économique qui peut équilibrer la puissance américaine, en particulier la puissance du dollar ; une puissance en matière de sécurité et de défense, avec la mise en œuvre d’une politique européenne de défense qui a déjà commencé avec les concertations avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne dans le cadre de l’Union de l’Europe occidentale. Il y aura donc l’émergence d’une Europe-puissance politique qui pourra, à ce moment-là, peser dans le concert mondial, et ainsi faire valoir les valeurs qui sont à la base même de notre conception politique.

J.-P. Elkabbach : Vous êtes favorable à une Europe plus fédérale ?

C. Millon : Je suis favorable à une Europe où le pouvoir politique contrôle le pouvoir économique, le pouvoir monétaire, le pouvoir bureaucratique. Je suis favorable donc à une approche fédérale de l’Europe.

J.-P. Elkabbach : À 35 jours d’un nouveau gouvernement, ministre de la Défense, c’est bien ?

C. Millon : Ministre de la Défense, c’est une mission qui est tout à fait enthousiasmante. J’y ai donné beaucoup de moi-même. Je souhaite effectivement que cette réforme puisse aboutir et permettre à la France d’être à la tête de cette communauté européenne dans le domaine de la sécurité et de la défense.

J.-P. Elkabbach : Je vous ai entendu !


Le Parisien : 5 mai 1997

Le Parisien : La majorité serait-elle inquiète ?

Charles Millon (ministre UDF de la Défense) : Les sondages, je les regarde comme tout le monde. Mais, une bonne fois pour toutes, ils ne sont pas, pour moi, une « bible ». Et si vous voulez suggérer que les jeux ne sont pas faits, nombre l’on dit depuis la première minute : j’en fais partie. Quand il y a fracture sociale, il nous est indispensable de convaincre nos compatriotes qu’un bout de chemin a déjà été parcouru mais que, dans l’intérêt de tous, ce n’est pas le moment de relâcher notre effort. Sans compter que le boulot consistant à expliquer à nos électeurs, au-delà de leurs motifs de mécontentement ou d’insatisfaction, qu’ils ont un choix capital à faire est parfois rude. Ce serait un comble que certains se laissent aller à leurs humeurs ou, pire encore, à un vote sanction. Je les mets en garde : ils en seraient ensuite les premières victimes. Ni Jospin ni Hue ne ressemblent à Tony Blair…

Le Parisien : Tout de même, Jacques Chirac va parler plus tôt que prévu…

Charles Millon : Le candidat Chirac avait vu juste en soulignant la gravité de la « fracture sociale » et les risques d’ébranlement de la République. Le Président, au prix d’une certaine impopularité, a déjà beaucoup agi pour éponger les déficits qui se creusaient, pour rétablir l’autorité de l’État, pour permettre à la France de s’adosser à l’Europe afin d’assurer son rayonnement. Pour le reste, s’il n’était pas le chef de l’État, je vous répondrais : « Laissez-le tranquille ! » Il interviendra quand il le jugera utile, et à sa façon. Il sait convaincre.

Le Parisien : Vous n’avez jamais été un fana de la cohabitation…

Charles Millon : Si cela est possible, je suis moins que jamais partisan d’un système aussi bâtard qui ferait perdre des années à la France. Car la preuve a été faite : la cohabitation, c’est, pour l’essentiel, l’immobilisme. Ou, comme disait François Mitterrand, c’est le « ni ni » : on ne choisit pas et, en plus, on s’en glorifie. Je ne suis pas un nostalgique du régime des partis. Je souhaite, pour ma part, un retour à une pratique conforme à la « pureté de cristal » des institutions de la Ve République : un président fort et s’appuyant sur une majorité stable dont il respecte l’autonomie et la capacité d’initiative.


RMC : mardi 6 mai 1997

P. Lapousterle : Hier, au Rwanda, on a retrouvé 91 cadavres de réfugiés étouffés par d’autres réfugiés paniqués dans la bousculade de l’assaut d’un train qui les libérait d’un camp. Tout cela devant les délégués internationaux désemparés. Personne ne fait rien au Rwanda. Est-ce que la France ne peut rien faire ?

C. Millon : La France est le seul pays qui, depuis le début de ce drame, attire l’attention de la communauté internationale sur le Zaïre, le Rwanda, les catastrophes humanitaires qui sont en train de se produire dans cette partie du monde. La France a mobilisé la communauté européenne, la communauté internationale pour qu’une force humanitaire internationale soit envoyée là-bas. Elle n’a pas été suivie ! Elle n’a pas été suivie parce que des intérêts, sans doute, s’y opposaient. Elle n’a pas été suivie aussi, et je crois qu’il faut le reconnaître puisque nous sommes dans une période où l’on débat de ce genre de sujet, parce que l’Europe n’est peut-être pas suffisamment constituée pour intervenir dans ce type d’événement. Je crois qu’il convient de méditer sur ce qui se passe. Bien sûr, si demain on peut arriver à remobiliser la communauté internationale autour du Zaïre et du Rwanda, je le souhaite, car il faut absolument que l’on arrête cette tragédie.

P. Lapousterle : Seule, la France ne peut pas faire quelque chose ?

C. Millon : Seule ? Très franchement, c’est impossible. On a déjà vu cela par le passé. Cela n’empêche pas qu’il faut que la communauté internationale soutienne cette action. Si on veut avoir les dimensions du drame, il faut voir les dimensions géographiques du Zaïre pour se rendre compte de ce qui se passe actuellement.

P. Lapousterle : Campagne électorale en France : les sondages montrent un resserrement des scores de la droite et de la majorité. Est-ce que cela vous inquiète ?

C. Millon : Toute élection est un combat. C’est ma treizième ou quatorzième élection. Je ne connais pas une élection gagnée d’avance. Je crois qu’aujourd’hui il y a 577 combats singuliers dans notre pays. Il y a des filles et des garçons qui vont défendre leur bilan, d’autres qui viennent exposer de manière claire leurs convictions. Eh bien, il faut laisser faire cette bataille électorale.

P. Lapousterle : Les Français pensent que la majorité ne fait pas une bonne campagne.

C. Millon : Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que c’est qu’une bonne campagne législative ? Moi, la seule chose que je peux vous dire, c’est que tous les jours, je fais des réunions, que ce soit dans le Midi de la France, que ce soit dans la région Rhône-Alpes, que ce soit dans la région parisienne, et je constate qu’il y a des femmes et des hommes intéressés. Simplement, ce n’est pas une campagne présidentielle, comme certains voudraient la transformer. On est en train d’essayer de faire des duels de monsieur Untel et de monsieur X. Ce n’est pas cela une élection législative ! Une élection législative, c’est une élection dans chaque circonscription avec les problèmes français qui sont évoqués très concrètement. Et c’est la raison pour laquelle je ne crois pas qu’il faille tirer des conclusions de tous ces sondages qui paraissent tous les matins.

P. Lapousterle : Le président de la République doit intervenir demain par l’intermédiaire de la presse régionale écrite. Est-ce que vous considérez que son intervention est nécessaire, voire même indispensable ?

C. Millon : Je crois qu’il faut en revenir aux sources de la Ve République.

P. Lapousterle : Personne ne conteste le droit qu’il a de le faire, mais est-ce nécessaire pour la majorité que le président de la République intervienne ?

C. Millon : Dans la Ve République, tout procède du président de la République. C’est lui qui fixe les orientations ; c’est lui qui assume les grandes décisions constitutionnelles, les grandes décisions politiques ; c’est lui qui nomme le Premier ministre ; c’est lui qui décide de la composition du gouvernement. Il est normal, à l’occasion d’une élection législative et je crois que tous les présidents qui se sont succédé l’on fait, que le président de la République fasse connaître les orientations ou attire l’attention des Français sur les risques ou sur les espoirs que peut porter le scrutin.

P. Lapousterle : Qu’attendez-vous de l’intervention du Président, demain ?

C. Millon : J’attends que le Président continue à exposer les grandes chances de notre pays, s’il a du temps pour réformer. Car le problème aujourd’hui, il faut dire les choses telles qu’elles sont, c’est qu’il faut que la France ait le temps de réformer. Il n’est pas question de changer de cap ! Depuis deux ans, un certain nombre de réformes essentielles ont été faites, que ce soit dans les domaines de la sécurité intérieure, sécurité extérieure, politique étrangère, que ce soit dans le domaine du redressement économique et financier ou dans le domaine du rétablissement des comptes sociaux, que ce soit aussi dans le domaine de la défense. Des réformes assez extraordinaires ont été engagées, mais maintenant, il convient d’aller encore beaucoup plus profond. Il faut du temps. Nous n’allons pas changer de cap mais il faut changer de rythme.

P. Lapousterle : Et si la majorité perdait 150 à 200 députés, est-ce que ce ne serait pas là un message comme quoi il faut précisément changer de cap ?

C. Millon : Je ne suis jamais allé dans une élection en pensant perdre, donc je vais aux élections en pensant gagner. Je suis ici pour expliquer aux Françaises et aux Français que j’espère qu’ils auront lu le programme du Parti socialiste pour se rendre compte de sa vacuité. Je suis responsable d’un secteur, la défense nationale. Le président de la République, le 22 février 1996, a lancé sans doute la plus grande réforme qui ait jamais été faite depuis deux générations. Je l’ai portée. On a engagé un grand débat sur la professionnalisation des armées, sur la suppression du service militaire obligatoire, sur la construction d’une défense européenne. Dans le programme socialiste, il n’y a pas une ligne, pas une ligne sur la défense ! Pas une ligne sur les missions et l’avenir de nos armées ! Pas une ligne sur la position de l’OTAN ! Pas une ligne sur la stratégie industrielle !

P. Lapousterle : Lionel Jospin a dit qu’il approuvait la suppression du service.

C. Millon : Ah, M. Jospin approuve ! Alors, il y a deux solutions dans ce cas-là. Soit M. Jospin désapprouve les socialistes qui ont voté à l’Assemblée nationale contre la suppression du service militaire obligatoire, contre la professionnalisation et, dans ce cas-là, c’est un parti qui est complètement tiraillé et dans l’incapacité de gouverner ! Soit…

P. Lapousterle : Vous ne connaissez pas d’autre parti qui ont changé d’avis quand ils sont arrivés aux affaires ? Sur la CSG par exemple ?

C. Millon : Je ne connais pas d’hommes politiques qui, en quinze jours, changent d’avis. Moi, j’ai l’argumentaire socialiste pour les législatives de 1998 où l’on explique que l’on va abroger la loi de programmation militaire. Et j’ai maintenant le programme socialiste où on nous explique que le problème de la défense ne pose pas de question puisqu’il n’y a pas une ligne dessus !

P. Lapousterle : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il faut attendre de nouvelles élections législatives pour qu’il y ait un nouvel élan, puisque c’est le sigle de la campagne électorale de votre camp ? Pourquoi ne pas avoir commencé ce nouvel élan avant et pourquoi avoir demandé à des millions de Français de voter, alors que vous aviez la majorité et tout pour faire les choses comme vous le vouliez ?

C. Millon : Parce qu’il a fallu d’abord installer le socle pour maintenant mettre l’architecture du grand projet que l’on va porter. La situation de la France en 1993-1995 était une situation très difficile. Je n’ai pas besoin de rappeler des chiffres. Ils ont été déjà rebattus : 3 600 milliards de dettes, un déficit budgétaire énorme.

P. Lapousterle : Qui vous empêchait de faire le nouvel élan ?

C. Millon : Quand vous êtes devant un champ qui est envahi de ronces et de cailloux, il faut d’abord nettoyer le terrain avant de labourer. Eh bien, on a nettoyé le terrain durant quatre ans ! Cela a été dur ! Il a fallu partout nettoyer, nettoyer, nettoyer, quitter ce laxisme financier et budgétaire qui a amené la France dans une situation dramatique et catastrophique ; dramatique sur le plan financier mais surtout sous l’angle du chômage et de l’emploi des jeunes. Et maintenant que tout cela a été établi, il faut que la France ait du temps pour pouvoir changer de rythme et lancer une grande politique qui donne un élan à la France et aux Français.

P. Lapousterle : Si votre camp l’emportait, pensez-vous qu’il serait normal que M. Juppé reste Premier ministre ou bien qu’il faudrait une nouvelle personne pour le nouvel élan ?

C. Millon : C’est au président de la République d’en décider.

P. Lapousterle : À votre avis ? Est-ce que vous considéreriez normal que le Premier ministre reste à sa s place qu’il gagnait les élections ? C’est important, les Français veulent savoir !

C. Millon : Mais non ! Il y a un parfum de nostalgie du retour au régime des partis où les Français aimeraient composer le gouvernement ! Un petit peu d’UDF, un petit peu de RPR, plus un homme politique qu’eux-mêmes auraient choisi. Les Français ne vont pas passer un message sur des hommes lors de cette campagne électorale ! Ils vont passer un message au président de la République et aux hommes politiques français sur des objectifs ! Relisons les élections depuis 1958 et on verra que, chaque fois, ce sont des messages clairs non pas sur les hommes mais sur les orientations à donner au pays.

P. Lapousterle : Mais ce sont quand même les hommes qui mettent les objectifs en musique !

C. Millon : Pour cela, il y a une élection présidentielle.