Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, membre du bureau politique du RPR, député maire et candidate à la présidence du RPR, à France 2 le 2 novembre 1999, sur sa candidature à la présidence du RPR et sur la mise en cause de Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire de la MNEF.

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Média : France 2 - Télévision

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France 2 : Avant de parler de votre candidature à la présidence du RPR, deux mots de l’actualité. Dans l’affaire dite de la MNEF, quel est votre sentiment sur la mise en cause de Dominique Strauss-Kahn ?

Michèle Alliot-Marie : J’aimerai surtout que Lionel Jospin nous explique un petit peu, lui qui était ce premier secrétaire du Parti socialiste au moment où ces événements ont eu lieu, comme d’ailleurs un certain nombre d’autres que ce soit l’affaire Dumas ou autre, ce qu’il en est exactement, qu’il assume ses responsabilités aussi en la matière.

France 2 : Qu’il dise la vérité et qu’il dise clairement les choses ?

Michèle Alliot-Marie : Un : qu’il dise la vérité. D’autre part, qu’il prenne ses responsabilités à l’égard de la présence de Dominique Strauss-Kahn dans le gouvernement. Il y a eu, une jurisprudence, si je puis dire, Balladur/Bérégovoy. Est-ce que M. Lionel Jospin va faire la même chose et appliquer la même règle à un de ses ministres mis en cause ?

France 2 : Vous pensez que, s’il est mis en examen, il doit quitter le gouvernement ?

Michèle Alliot-Marie : Il y avait une jurisprudence. C’est à M. Jospin de savoir s’il va l’appliquer ou non en la matière. Après tout, c’est sa conception. Simplement, ce que je peux dire, c’est qu’il ne peut pas y avoir de présomption d’innocence quand c’est un élu de gauche qui est ainsi mis en cause et une présomption de culpabilité quand c’est un élu de droite. Ce ne serait pas sérieux.

France 2 : Il y a un autre dossier important aujourd’hui dans l’actualité, c’est à Bruxelles : les discussions franco-britanniques sur la guerre du bœuf. Pensez-vous que l’on puisse trouver un accord ou que la France a reçu une sorte de camouflet avec ce désaveu scientifique et qu’elle doive reculer et laisser rentrer le bœuf britannique ?

Michèle Alliot-Marie : Quand il s’agit de la santé des consommateurs, je pense qu’il faut être sérieux en la matière. Moi, il y a une chose que je ne comprends pas. Il y a une façon très simple de trouver une solution : ce serait d’appliquer la traçabilité, c’est-à-dire que chaque consommateur ait la possibilité de savoir exactement d’où vient l’aliment qu’il mange. Ça me parait la moindre des choses. S’ils n’ont rien à se reprocher, je ne vois pas pourquoi les Anglais n’accepteraient pas.

France 2 : Donc, si les Anglais nous donnent des possibilités de savoir effectivement comment évolue cette viande, ça peut permettre d’être moins résistants ?

Michèle Alliot-Marie : À ce moment-là, effectivement, le consommateur saura où il en est.

France 2 : Vous sentez une pression, une demande et une inquiétude des consommateurs quand vous les rencontrez dans vos différentes démarches à ce sujet ?

Michèle Alliot-Marie : Tout à fait ! Je crois, aujourd’hui, qu’il y a une vraie préoccupation des Français de savoir qu’est-ce qu’ils mangent, qu’est-ce qu’ils boivent, quel est l’air qu’ils respirent. Je crois que ça doit être une préoccupation majeure pour nous que de garantir que, aujourd’hui et demain aussi, il nous sera possible de manger sans crainte des conséquences de ce que nous mangeons, de respirer de l’air qui soit pur et de l’eau qui ne soit pas forcément de l’eau retraitée.

France 2 : Parlons de votre candidature à la présidence du RPR. Une femme se lance dans cette aventure, ce n’est pas rien, une femme pourquoi pas, hein ?

Michèle Alliot-Marie : C’est la question que j’allais vous poser. Ça a l’air de vous choquer !

France 2 : Non. Certains vous l’ont dit, non ? Ou parce que vous êtes la seule finalement, le RPR n’a pas eu de dirigeants féminins en numéro 1, pourquoi jusque-là ?

Michèle Alliot-Marie : Je ne sais pas d’autant qu’il ne faut pas oublier que le RPR se réclame des idées du général de Gaulle, qui est quand même celui qui a donné le droit de vote aux femmes. Alors je trouve que c’est un clin d’œil historique, finalement, à l’aube de l’an 2000, mais je ne crois pas que ce soit ça l’important. L’important, ce sont les idées que l’on a à défendre ; c’est la volonté de ce que l’on veut faire ; et, moi, je me présente sur un programme, sur des idées et avec une conviction, c’est qu’il faut faire du RPR, de nouveau, le premier grand mouvement politique de France.

France 2 : Programme justement, François Fillon, un de vos concurrents, présente le sien aujourd’hui. Vous-même n’avez pas livré de document encore, de programme, enfin, distillé au cours des réunions. Quelle est votre tactique ?

Michèle Alliot-Marie : Le RPR a besoin d’être réconcilié, d’être rassemblé – c’est ce que je veux faire, c’est ce que j’ai toujours fait –, et qu’il doit s’appuyer davantage sur ses militants parce que ses militants viennent de toutes les zones géographiques de France, de tous les milieux sociologiques, de tous les métiers. Ce sont ceux qui sont le plus au contact avec les Français et je crois qu’il est très important de les faire participer à la rédaction de ce programme. Alors, j’exprime effectivement un certain nombre de convictions profondes qui sont les idées gaullistes et qui se détachent complètement, qui se démarquent complètement de ce que pensent les socialistes. Nous, nous faisons confiance aux hommes. Nous ne sommes pas pour une réglementation étroite, sur des contrôles étroits…

France 2 : Plutôt une régulation ?

Michèle Alliot-Marie : Non, je crois que nous sommes effectivement pour un système dans lequel l’homme a la possibilité de s’épanouir, dans lequel le mérite est récompensé. Je crois que ça, c’est quelque chose d’important et, à partir de ce moment-là, il convient de le décliner dans un programme que j’ai l’intention, à partir de ces idées fortes, d’élaborer avec l’ensemble des militants car, encore une fois, il faut des solutions au plus près du terrain, au plus près des préoccupations des Français. Et qui mieux que les militants sont capables d’y participer ?

France 2 : Ce mot « militant », vous l’aimez beaucoup, vous le mettez en avant, là, actuellement, et il vous colle à la peau. Vous avez eu, dans vos responsabilités ministérielles, dans vos différentes actions, toujours une attitude militante. C’est ce qui vous plaît le plus ?

Michèle Alliot-Marie : Tout à fait ! Il y a l’idée du compagnonnage qui me paraît essentielle, le sentiment de faire partie d’une grande famille, où on est toujours ensemble quand il y a des coups durs ; où on se bat toujours ensemble, notamment là pour aller à la reconquête de l’esprit et de cœur aussi. Je crois que c’est important, des Français, et pour aider Jacques Chirac à être de nouveau notre président de la République la prochaine fois. C’est quelque chose de très important.

France 2 : J’allais dire, qu’est-ce qui vous pousse… qui vous pousse à être candidate à cette présidence ? C’est Jacques Chirac lui-même ?

Michèle Alliot-Marie : Très franchement, ce sont les militants et c’est vraiment parce que j’ai reçu plus de 300 lettres pendant le mois de juillet et d’août, des militants, que beaucoup de jeunes sont venus me voir au moment des universités du RPR, que j’y suis allée.

France 2 : Et maintenant, vous estimez à quel pourcentage, à peu près, vos chances de succès le 20 novembre au premier tour de cette présidentielle du parti ?

Michèle Alliot-Marie : J’ai bien l’intention de gagner parce que, vous savez, c’est comme l’équipe de France de rugby : finalement, même quand on part avec un peu de doute, autour de soi, ce qui compte, c’est – chez nous on dit le « niac », dans le Sud-Ouest –, c’est de vouloir gagner, de toujours avancer et, effectivement, c’est dans cet état d’esprit que je suis partie et que j’arriverai.

France 2 : Je rappelle que vous êtes la fille de l’ancien arbitre international de rugby et que vous vous réjouissez de la victoire de l’équipe de France contre les All Blacks.

Michèle Alliot-Marie : Ah oui, et c’était un beau match.

France 2 : Et vous pronostiquez contre l’Australie ?

Michèle Alliot-Marie : On croise les doigts, mais ils nous ont fait une tellement belle démonstration avant-hier, je crois qu’ils sont capables, s’ils gardent le même état d’esprit, voyez, cette envie de gagner et de conquérir, de nous faire une très, très belle surprise.